Seuls les vieux ont encore dans l’oreille les slogans contre les cadences infernales et dans la rétine, les chaînes de Renault.
Y en a encore ! Des années qu’on n’en avait plus vu à la télé, sauf devant des pneus enflammés et la grille fermée d’une usine occupée ! Seuls les vieux (j’en suis) ont encore dans l’oreille les slogans contre les cadences infernales et dans la rétine, les chaînes de Renault, dans les hangars mythiques de Boulogne-Billancourt. De nos jours, si des caméras visitent nos rares usines, c’est que le Président joue à l’affranchi avec les gars de la maîtrise, enfin, ceux qui ne dépassent pas 1,70 m, en blouse nickel, et pas avec les obscènes qui soudent des tôles dans un bleu plein de gras.
L’ouvrier avait disparu ? En voilà une avalanche. Et pas n’importe lesquels : des mineurs, les héros de la classe ouvrière, laissés au fond du trou par les « communistes » chinois mais sauvés par les capitalistes chiliens. Solidarité ouvrière, incroyable courage, Germinal en direct, papa est sauvé. Cessons de rire : c’était très émouvant. Et puis ceux de Gérard Mordillat, dans cette série télé qui, si on n’y apercevait pas des PC et des C4, semblerait totalement anachronique tant elle parle de la vraie vie de gars et de femmes qui veulent bosser et soignent leurs rosiers, leurs bébés, leur colère surtout, quand on les liquide au nom de l’internationale des capitaux.
Modestes mais fiers, comme disent les cons, avec leur bourg tristounet, leurs comptes en banque sinistrés et leur obstination à se fabriquer du bonheur malgré les trois huit qui, comme disait mon tonton, font plus de cocus que de rentiers, et malgré l’usine qui les bouffe – mais qu’ils aiment. On savait qu’il n’y avait plus de patrons, seulement des « managers », on en avait déduit qu’il n’y avait plus d’ouvriers, rien que des « emplois ». Mais où est l’homme dans ce jargon ? Eh bien, non seulement il y a encore de l’ouvrier, mais il en faudrait davantage. Pour que ce pays retrouve des forces, de la santé, et une culture. Y a pas que Guetta et la Bourse : merci à San José et à saint Mordillat de nous rappeler que la culture ouvrière, c’est très classe.