La belle histoire de l’intermédiaire Alexandre Djouhri, franco-algérien sauvé des eaux troubles de Seine-Saint-Denis par les opaques réseaux d’affaires de la Chiraquie. Bonus du web, les documents de la police judiciaire sur la tentative d’homicide qu’a eu à subir Djouhri. Pour les voir cliquer sur les images en fin de papier
Celui qui n’était encore dans les années 80 que le petit Ahmed Djouhri, franco-algérien né un matin de février 1959 en Seine-Saint-Denis aurait pu mal tourner. Les prémices du printemps 1986 ont même failli lui être fatales. « Le 4 avril 1986 […] vers 20 h 40, était découvert dans l’enceinte de l’hôpital Saint-Louis, le nommé Djouhri Ahmed, blessé d’une balle de calibre 11/43 mm au niveau du dos », révèle un rapport de police judiciaire daté de 1989, dont Le Canard Enchaîné, Intelligence on line et Libération ont déjà fait écho… et dont Bakchich publie de larges extraits (voir à la fin de l’article).
Lié à David Tordjman, lui-même en affaire avec Anthony Delon, Ahmed a passé une mauvaise nuit. « Le blessé a pour l’occasion, fait montre de courage et de flegme en se plaignant guère. Le blessé déclarait seulement qu’il avait été blessé alors qui se trouvait en voiture près de la place du colonel Fabien. Il niait catégoriquement avoir été en compagnie de quelqu’un et avoir riposté à l’aide d’une arme. » Une version ingénue. « Le test atomique effectué sur ses mains démontrait, note la flicaille, qu’il s’était servi d’une arme. » Une sombre histoire de règlement de compte entre clans apparemment (voir encadré).
Passés ces errements de jeunesse, Ahmed se fait Alexandre et entame une nouvelle carrière. Toujours accueillante pour les hommes en quête de rédemption, la maison Pasqua ouvre ses portes à ce nouveau larron. Cornaqué par François Antona, grand flic estampillé Môssieur Charles et un temps son directeur de cabinet au Conseil général des Hauts-de-Seine, Djouhri apprend vite. Intime de la flicaille parisienne, collecteur hors pair de renseignements, son aisance fascine jusqu’à André Tarallo. Le « Monsieur Afrique » d’Elf utilise ses talents quand le scandale du pétrolier éclate. L’occasion pour Alexandre de faire le tour du propriétaire. Rencontres avec Alfred Sirven, Pierre-Yves Gilleron (ancien de la DST très présent en Françafrique), Michel Roussin… Il se voit également octroyer un passeport diplomatique congolais et voyage souvent à Brazzaville, voit tour à tour Lissouba et Sassou…
Et l’ami Dédé Tarallo n’oublie pas de faire découvrir les vertus du grand air suisse à son comparse. Toujours fourré ensemble dans les restos huppés de Genève, le duo ne passe pas inaperçu. Le personnel de l’hôtel Richemond, qui les accueille souvent, se méfie même un temps de « ce petit homme toujours en costard mais qui ressemble à un loulou de banlieue au langage trivial ». Heureusement, Monsieur Alexandre gagne en respectabilité. Sa société de trading pétrolier, Direct investment Management (Dim), s’est installée dès 1987 à Genève et travaille beaucoup avec le « baron de l’eau », Bernard Forterre.
Une dépêche de l’AFP, daté du 9 avril1986, revient sur la fusillade de la place du Colonel Fabien dont Ahmed Djouhri n’était pas sorti indemne.
Information ouverte apres l’agression contre Ahmed Djourhi
PARIS 9 avril - Le Parquet du tribunal de Paris a ouvert une information contre X pour tentative d’homicide volontaire, à la suite de l’agression dont a été victime à Paris, le 4 avril, M. Ahmed Djourhi, une relation d’ affaires de M. David Tordjman, l’associé d’Anthony Delon. Cet Algérien, âgé de 27 ans, avait été trouvé blessé à l’omoplate, dans une allée de l’hôpital Saint-Louis, peu après cette scène de violence qui, s’était déroulée place du colonel Fabien, a 2OH50. M. Djourhi n’a pas fourni la moindre indication sur les circonstances du drame et l’identité de ses assaillants. L’enquête préliminaire a pourtant permis d’établir que la fusillade s’était produite en deux phases entre les deux occupants d’une Golf GTI (dont M. Djourhi) et le pilote et le passager d’une moto de forte cylindrée. Il semble que la victime ait été blessée au terme d’une poursuite. Les enquêteurs ont retrouvé sur les lieux 9 douilles de 9 mm et une de 11, 43. C’est cette unique balle de 11, 43 qui avait atteint M. Djourhi. Le dossier a été confié à Mme Marie-Odile Bertella-Geffroy, le juge d’instruction parisien déjà chargé de faire la lumiere sur la tentative d’assassinat dont avait été victime M. David Tordjman le 16 avril 1985, à la sortie d’une discothèque à Paris. Il avait ete grièvement blessé par trois projectiles tirés par des inconnus.
Son carnet d’adresses s’étoffe d’autant. Fin des années 90, via Forterre, le lascar en costard décroche ses entrées à Vivendi environnement. Alain Marsaud, ex-juge anti-terroriste, ancien pasquaïen, député UMP et alors M. Sécurité de Messier, devient un grand pote. Une amitié virile définitivement scellée par la rixe qu’ils provoquent au Georges V en 2004. Sans doute Djouhri, habitué du Crillon, s’est-il plaint du service. Henri Proglio, patron du pôle environnemental devenu Veolia, en fait un intime. Normal, selon ses amis, Djouhri possèderait quelque 8% du capital de la société. Un joli magot.
Cerise sur le gâteau, chiraquien de (presque) toujours, Proglio installe Djourhi dans le sillage du président. S’ouvre un nouvel horizon : l’armement. Bardé de sa proximité vantée avec Bouteflika et Belkheir, de sa double nationalité franco-algérienne et d’un entregent certain, Djouhri séduit Maurice Gourdault-Montagne. Le conseiller diplomatique de l’Elysée ne jure que par lui, le Président en fait son chouchou. Et le greffe sur tous les contrats militaires et aéronautiques qui traînent : Algérie, Libye, Chine, sans oublier l’Arabie Saoudite. Après tout, le temps presse, la mort de la méritocratie chiraquienne est programmée. Mais d’ici mai 2007, il est encore temps d’en profiter. Pour l’instant, M. Alexandre n’est que millionnaire.
On notera quand même la prose policière pour qui, se constituer partie civile, lorsque vous venez de recevoir un tir d’arme à feu, c’est se mettre "à l’abri de la phase policière de l’enquête" avec le lourd sous-entendu qu’il aurait des informations à cacher… Non, se constituer partie civile c’est exercer son droit le plus élémentaire de victime. Pour le reste je ne connais pas Monsieur Djouhri, mais un tel parcours ne se fait pas sans travail acharné, nuits blanches et stress. Qu’on lui laisse au moins ça.
Néanmoins bravo au travail de Backchich, indispensable dans une démocratie.
Salut ahmed (dit Alexandre),
Te souviens tu de moi ? Ton ancien copain de classe avec qui tu faisais du judo au lycée JJ Rousseau de Sarcelles ? Je suis heureux d’apprendre que tu vas bien et je te souhaite le meilleur dans ta vie.
Guy FITOUSSI