Reportage en images dans un festival emblématique de Seine-Saint-Denis où quelques jeunes ont pris leurs villes, leurs cultures, leur avenir en main, sans attendre les sous de Fadela Amara.
Dans un entretien accordé au quotidien Le Progrès le 11 janvier 2010, Fadela Amara déclarait qu’il « faut nettoyer au kärcher cette violence qui tue nos enfants dans les cités ». Il faut en finir aussi avec ces « voyous » qui « prennent en otage les habitants », ajoutait la Secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville. Et voilà l’ex de Ni putes ni soumises faisant du Nicolas Sarkozy dans le texte.
L’intervention est d’autant plus mal venue quand le Plan banlieue, orchestré par la même Amara, est, pour les « voyous » des cités, un échec. « On a entendu de belles paroles, mais on a rien vu venir ». La phrase, comme une ritournelle, tourne à Saint-Denis, Aubervilliers et la Courneuve (93). Trois villes du 9-3 où quelques jeunes ont pris leurs villes, leurs cultures, leur avenir en main. « Sans Fadela Amara, puisqu’il faut faire sans », précise Thierry, l’initiateur du festival “Banlieusards et alors”.
Etalé sur dix jours (jusqu’au 28 février), le festival a présenté des pièces de théâtre, des concerts, des films, des émissions de radio animées par des jeunes de Seine Saint-Denis, des défilés de mode, et des expos de graffitis.
Vendredi 26 février, le soleil se couche sur les toits de la Courneuve. En face d’une barre de HLM, s’expose une galerie d’art. Sur la façade extérieure, des personnages tout en couleur posent comme des voleurs immobiles. Sur la porte d’entrée, un écriteau avec l’inscription : « Sens de l’Art, expo graffiti ». C’est le jour du vernissage. A côté du patron de la galerie et des 15 artistes de la soirée, Thierry accueille les visiteurs.
Des jeunes et des vieux du coin. Et de plus loin. Un peu de Grigny, de Montreuil, de Saint-Denis. A l’entrée, difficile d’échapper au verre de vin fruité et aux poignées de chips offerts en guise de bienvenue. En haut, des photos, sur les côtés, des graffitis sur toile et des sculptures. Les artistes présents, le plus souvent des membres de petites associations, comme le Narvalow club, fondé par deux jeunes de Montreuil, présentent leurs oeuvres.
Le festival « Banlieusards et alors » a été monté sans aide financière. « A la base, si j’ai fait ça, explique Thierry, c’était pour faire fermer des bouches ». Un projet parti d’un « délire », pour dire aux amis qui se plaignent de ne pouvoir rien faire, que c’est possible. Même sans beaucoup d’argent. « C’était aussi un pied de nez à plein de festivals, dont Paris hip-hop, qui reçoit des subventions de ouf », ajoute-t-il. Et pour « fédérer les associations locales ». La politique par contre, ne le touche pas. Pas plus que les artistes de l’expo, qui montrent des oeuvres plus philosophiques (réflexions sur l’amour et la haine) que politiques.
Le festival « Banlieusards et alors » a fait ses premiers pas, et ses preuves. Deuxième tournée en décembre prochain.
Dessins : Nardo
Texte : Anaëlle Verzaux