Payés le Smic, mais privés désormais par la mairie de Paris des modestes pourboires qu’ils percevaient, les modèles des Beaux Arts sont, le lundi 15 décembre, en grève.
Le modèle, c’est cette personne, sexy, ventrue, élancée, en chair, abîmée, jeune ou âgée, qui pose pour le peintre, le plus souvent dévêtue. Traditionnellement, quand le modèle est apprécié par les élèves et les peintres, quand il n’a pas trop bougé et qu’il a fait preuve d’imagination, on lui remet un pourboire, appelé cornet, à la fin de la séance. Seulement, le 20 novembre dernier, la ville de Paris a adressé une lettre aux directeurs des Ateliers des Beaux Arts et aux enseignants. Finis les cornets dans les Ateliers ; Plus question de tels pourboires dans des lieux publics.
Cette décision a provoqué l’indignation d’un certain nombre de modèles, qui se mettent en grève ce lundi 15 décembre. En effet, le cornet est plus qu’un symbole, il peut parfois représenter jusqu’au quart du salaire. Le job des modèles des Ateliers des Beaux Arts est en effet assez mal rémunéré : trente six euros pour trois heures de travail, soit un peu plus du Smic.
Pourtant, contrairement à ce qui est inscrit sur nos fiches de paye (« divers et spéciaux »), « c’est un vrai boulot », souligne Kévin, modèle free lance – comme tous ses collègues – depuis plus d’un an. Et de rappeler que l’augmentation de leur salaire figure parmi leurs principales revendications. « Nous demandons à être payés 15 euros de l’heure » (aux Gobelins, école de l’image privée, le tarif, c’est 21 euros de l’heure).
Car bien qu’il n’existe pas de formation pour être modèle, la plupart ont fait des études et des métiers assez proches de celui-ci. « J’ai fait une école de dessin, puis des Arts martiaux », indique Kévin. Deborah, modèle à plein temps depuis trois ans, a, elle, une formation de comédienne. D’autres, comme Salvatori, sont danseurs professionnels.
Pour eux, comme pour environ trente modèles des Ateliers des Beaux-Arts de Paris, poser est un vrai métier, à temps complet ou quasi complet. Les autres (environ soixante personnes) sont des étudiants et des retraités, qui se déshabillent pour compléter leur trop maigre budget.
Au-delà des revendications salariales, ce que les modèles en grève demandent, c’est une vraie reconnaissance de leur travail. Pour eux, ils ne sont pas des statues mobiles au service de l’enseignant, mais des sujets qui contribuent quelquefois à faire l’oeuvre, quand ils parviennent à prolonger le pinceau de l’artiste. « Nous sommes aussi importants que l’enseignant et que le peintre, souligne Salvatori, puisque sans nous, l’un ne peut pas enseigner et l’autre ne peut rien peindre. Et, sans eux, nous ne valons rien. » C’est un trio où chaque personne compte. Sans Gabrielle, qui serait Renoir ? Et sans sa femme, qui fut toute sa vie son modèle, que vaudrait Bonnard ?
Beaucoup d’étudiants laissent rapidement tomber, parfois seulement après une semaine de travail, et déposent leur candidature dans un café-restaurant ou à Mac Do. Car il faut être costaud physiquement, pour tenir les trois heures de pose.
Et d’ailleurs, on s’entraîne. Enfin… quand on a suffisamment d’argent ! Deborah explique : « Depuis trois ans que je fais ce boulot, je vais à la piscine tous les deux-trois jours. Mais depuis la rentrée et la suppression des cornets, je n’ai pas trempé un seul orteil dans la piscine, je n’en ai plus les moyens ».
Et d’ajouter : « Nous n’avons aucune aide, pas de réduction pour les salles de sport, pas de carte pour entrer gratuitement dans les musées, alors que nous avons besoin de voir des peintures, pour renouveler notre imagination. Pas le droit non plus à des salles d’attente – le temps entre chaque séance atteint souvent l’heure – , ni à un chauffage, pas même à des vestiaires, pour nous changer. »
« Le pire reste le manque de considération des politiques. Nous sommes des vacataires ! Ce qui signifie : pas de vacances, pas de retraite, pas de Mutuelle, pas de 13è mois, etc. »
« Un jour, raconte Kévin, vers 8h le matin, le prof de dessin m’appelle pour me dire qu’il annulait non seulement le cours du jour, mais tous les cours de l’année. J’ai râlé, mais je n’ai rien pu faire, je suis vacataire. »
Pour l’adjoint à la Culture de la Mairie de Paris, Christophe Girard, modèle n’est pas un métier, mais « un loisir fait pour les étudiants, les retraités, et autres personnes qui ont besoin d’un peu d’argent de poche ». Il ajoute : « S’ils souhaitent que leur activité soit considérée comme un métier, je n’ai rien contre. Il faut simplement qu’on se mette autour d’un table avec le ministère de la Culture. Ce n’est pas moi qui modifie la politique française ».
Et pour lui, pas question de revenir sur l’interdiction du cornet, « qui n’est pas nouvelle. Mais qui a simplement été rappelée ». Pour Christophe Girard, le pourboire, « c’est de l’argent au noir ». Il précise : « Je ne vois pas pourquoi cet argent là spécifiquement ne serait pas taxé ».
Si l’adjoint à la Culture renvoie la balle au ministère de la Culture, pour Bertrand Vincent, délégué Force Ouvrière, cette histoire est bien révélatrice de la politique culturelle du maire de Paris, Bertrand Delanoë. Et il assure que « sur les 3 800 agents aux affaires culturelles à Paris, 1 100 sont vacataires ». Si Delanoë a fait quelques efforts pour revaloriser le statut des bibliothécaires et des guides de musée, globalement, il se désolidarise des acteurs culturels. Et met le paquet sur les manifestations davantage nationales, voire internationales. Faisant une pub monstrueuse pour les nuits blanches, le 104, ou encore le tram’.
Aujourd’hui, c’est au tour des modèles de se faire leur pub. Certains ont posé nus, à 14h, dans la froide cour de la Direction des Affaires Culturelles, rue des Francs bourgeois, à Paris. « Pas pour choquer, mais pour montrer comment on travaille ».
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ça doit être un travaille difficile quand même, être coincé sans bouger pendant des heures.
Les barmans ont bien des pourboires non ? Les taxi ont bien des pourboires non ? Les hommes politique prennent bien des pourboires ?
A tous vouloir taxé ont finis par taxé les taxes.