Il est là dans son petit bureau, la tête dans les mains, pleurant sur son ordinateur : c’est votre conseiller bancaire favori ! Ce saint-bernard de la finance a toujours été à vos côtés, n’hésitant pas à vous prévenir en cas de découvert, à vous compter des aggios avec parcimonie, à vous inscrire au fichier des mauvais payeurs de la Banque de France en dernier recours, quand il n’y avait vraiment plus rien à gratter sur votre compte, quand votre compte épargne logement était à sec.
Mais aujourd’hui, ce brave homme fait peine à voir : son univers s’effondre. C’est la faute aux requins ricains ! Naguère, on pouvait accuser un Tapie qui fait son beurre sur le dos du Crédit Lyonnais (donc le nôtre) ou un Kerviel, ce saboteur de génie, qui joue à la play station avec les placements risqués et plante la Générale de quelques milliards d’euros, une paille ! On pouvait classer sans suite les incendies bizarres où les archives partent en fumée, comme au siège du Crédit Lyonnais, encore lui.
Bref, le monde bancaire français était inattaquable.
Puis vinrent les Américains, nos maîtres en finance. Des gugusses tellement efficaces que la planète entière est rivée à l’indice mensuel de consommation des fermières du Minnesota. Wall Street, capitale mondiale, faisait la pluie et le gros temps sur toutes les places boursières. Et voilà que notre guide, notre gourou, notre grand mufti, notre pape, se met à tousser. Et on s’aperçoit que nos petites banques nationales étaient liées à ces colosses aux bilans d’argile. Que c’est nous, ploucs tricolores, qui avions des intérêts dans les fonds de commerce immobiliers américains. Va donc falloir raquer.
D’où le beau geste que nous vous recommandons : adoptez un banquier avant qu’il ne s’installe sous une tente Quechua, le long du canal Saint-Martin.
Car il a une famille à nourrir, des prêts à rembourser, des traites sur le monospace. En 1929, à New-York, les banquiers se jetaient par les fenêtres, faisant mentir le slogan célèbre : « Si vous voyez un banquier sauter par la fenêtre, suivez-le, il y a de l’argent à gagner ! ». En 2008, les traders ne se suicident plus : ils revendent leur Ferrari avant de se refaire du blé avec un bouquin sur « Comment j’ai planté ma banque ! ». O tempora, o mores !
C’est toute une profession qui est désormais affligée et que nous, clients de base, devons soutenir en achetant les innombrables ouvrages sur la crise des subprimes qui vont sous peu envahir les librairies. Vous ferez ainsi un beau geste et votre banquier survivant vous fera un crédit revolving pour l’étagère de votre bureau. A 20%, d’accord, mais le crédit est si cher, de nos jours !