Dans le déluge des auto-célébrations de Mai 68 – quarante ans et toutes ses dents – il convient de magnifier la prose consacrée à notre excellent confrère Libération qui fait la promo d’un ouvrage titré Il était une fois Libé… selon le bon vieux principe onaniste qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même, le titre suggérant que ce livre a la qualité d’un western spaghetti (« Il était une fois la révolution »)
L’ennui, c’est que les témoignages censés embaumer le défunt sont signés par nos chers disparus : Sartre, Foucault, Clavel, Benny Lévy et Serge July, ce dernier très récemment après la vente de son canasson au président de France Galop, un nommé Rothschild, et sa reconversion en speaker radio. [1] Il manque donc, dans cet ouvrage thanatopracteur, le témoignage de ceux qui ont su, vu et écrit ce que fut le parcours réel de notre Libé, à commencer par Guy Hocquenghem, l’auteur en 1986 de Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary (Albin Michel), où ce mauvais esprit étrille le gros Serge et tous les ex-gauchistes ralliés à Mitterrand en 1981.
On sait, depuis Orwell et Debord, que l’ignorance du passé est la meilleure arme des dominances dont le pouvoir repose sur la prééminence d’un présent perpétuel. Bien peu de jeunes savent, par exemple, que, à la mort de Charlie-Hebdo, le vrai, celui de Coluche, Reiser, Desproges et Manchette, en 1982, pas le clone actuel cornaqué par l’abbé Val et ses patenôtres, Libé avait titré « Crève, Charlie ! ». Les obsèques de Charlie avaient eu lieu en direct dans une émission alcoolo-télévisée de Polac (« Droit de réponse ») où Gainsbourg gonflait une capote géante, où Siné se castagnait avec un gus de Minute, où le professeur Choron bourré insultait la terre entière et où Cavanna se couchait devant tant de grossieretés. Un grand happening délirant qui annonçait les vraies funérailles de l’esprit de Mai 68. La presse entière ne s’y était pas trompée qui avait titré « Bande de porcs » (Le Quotidien), Télé-cloaque (L’Humanité), « Eponges à whisky » (Le Figaro). Tant de confraternité émeut, surtout quand on sait que l’esprit du défunt Charlie-Hebdo avait irrigué l’ensemble des rédactions !
Mais encore moins nombreux sont ceux qui savent qu’un an auparavant, en 1981, July avait fermé la porte de Libé pour mieux virer les contestataires et ne reprendre que ses fidèles. Et personne ne sait qu’il avait, pour relancer son journal, fait la manche sous mes yeux larmoyants lors d’un bouclage de Charlie, chacun y allant de son chèque et Choron allongeant la sauce. Le « Crève Charlie ! », un an plus tard, était donc l’aveu que l’héritage du papa était trop lourd à porter !
Voilà ce que fut l’histoire de Libé : une lente dérive vers le conformisme actuel. Tout le reste est littérature de hall de gare. Mais silence dans les rangs !
[1] On me signale que, à l’instar de celle de Pascal Sevran, l’annonce de la disparition de July est nettement prématurée. Dont acte ! C’était notre rubrique : « De l’art de se faire des amis ! ».
Le Canard,un exemple de liberté de ton et d’anti conformisme,ce journal totalement institutionnalisé qu’on fournit dans les ambassades avec les putes et les clopes,pour délasser les vip obèses ?
Quand au PlanB,c’est juste un Diplo que se ferait une tronche de journal satirique !
Vu les commentaires précédents, ma seule crainte est de passer pour un modeste suiviste.
Mais, vu que le texte d’Arthur est aussi vrai dans le fond factuel qu’excellent dans la forme satirique, je m’incline.
Non devant les restes moraux de Serge July, dont à force de ramper devant tous les pouvoirs, je me demandais si son premier lumbago à force d’agenouillements consentis n’était pas devenu définitif.
En effet, la description, ici résumée avec talent et exactitude historique, des inclinaisons-inclinations de Serge July depuis plus de 25 ans est indiscutable.
Pour tout dire, parfois, en regardant par hasard l’émission fétiche de "la Reine" -j’ai nommé Christine Ockrent à qui rien de ce qui est lié à la génuflexion de la pensée devant tout pouvoir établi n’est étranger- Europe Express, je m’interrogeais pour savoir quel serait, de July ou d’Ockrent, celui ou celle qui s’userait les muscles plieurs du dos le plus vite.
Au final, comme dans la célèbre série allemande "les deux font la paire", il me semble que les deux sont ex-aequo sur les rotules, lesquelles sont dans leur cas bien fatiguées d’avoir tant servi.
A eux deux devrait être dédiée cette phrase que je crois tirée d’un texte d’un poète surréaliste à l’esprit certes assez ironique : " Trop d’esprit de soumission finit par tuer la soumission avant même d’enterrer l’esprit".
Cela pourrait aussi convenir comme épitaphe à leur double carrière médiatique.
Bien cordialement,
Vous crachez à longueur de journée sur le cadavre de Charlie,tous autant que vous êtes et avec les mêmes mots,mais il n’empêche qu’aucun d’entre vous ne peut s’empêcher d’en causer à longueur de journée ! Par dépit,vous encensez tous le Canard,journal de cour aux calembours séniles !
Pourtant,ce journal est l’archétype de la fausse impertinence et de l’humour bon chic bon genre. Rien qu’à en causer,j’en baille ! Mais que voulez vous,il est à présent interdit de dire du bien de Charlie et du mal du Canard !