Il y a quelques mois la stratégie Wal-Mart devait nous permettre d’augmenter le pouvoir d’achat sans augmenter les salaires, voire en les diminuant. Retour sur ce rêve.
Wal-Mart vient d’annoncer qu’il a « franchi pour la première fois la barre de 400 milliards de CA ». Soit plus que les chiffres d’affaires de Microsoft, IBM, Ford réunis. Sa stratégie d’ « Every day low price » (des prix bons marchés tous les jours) paie en ces jours difficiles. C’est même une des seules entreprises du Dow Jones dont le cours de l’action n’a pratiquement pas bougé depuis le début de la crise. En un an le titre n’a perdu que 0,26 %.
Jean-Marc Vittori le chroniqueur des Echos fait parti de ces libéraux honnêtes qui n’hésitaient pas à surenchérir sur le président des EU : « le succès de Wall-Mart est le succès de l’Amérique ». L’ancien dirigeant de l’Expansion y allait de métaphores royales. Le distributeur est un « lion rugissant », qui fait « trembler la jungle ».
Le distributeur est incontestablement un beau cas d’école pour les tenants de l’esprit d’entreprise. Son fondateur, Sam Walton, en une génération, transforme un petit magasin en un leader mondial.
Le journaliste dans son Dictionnaire d’Economie à l’usage des non-économistes, lui trouve bien quelques défauts mineurs. Wall Mart « avait fermé son magasin de la Jonquière, au Québec, pour la seule raison qu’une bande d’audacieux avait osé créer la première section syndicale d’un des 6000 magasins du groupe ! ». Excusez du peu, un seul magasin fermé, alors que l’entreprise est le premier employeur privé du monde. C’est presque un exemple d’engagement social.
Pour le reste il n’y a rien à dire. Dès qu’un magasin Wall-Mart s’installe quelque part les salaires baissent dans le district de 5,4 %. Certains y verraient une catastrophe. Ce n’est pas le cas de notre auteur, car l’« impact baissier sur les salaires n’est pas forcément une catastrophe… si les prix diminuent encore d’avantage ». Or le distributeur vend « 15 à 25 % moins cher que les supermarchés et les épiceries ». Ce qui fait qu’« en deux décennies, chaque foyer américain aurait ainsi dépensé 2 300 dollars de moins à volume d’achat constant », comprenez que chaque foyer aurait économisé 2 300 dollars (c’est ainsi les économistes aiment les phrases compliquées). Voilà, c’est plié, mieux que n’importe quel sommet social. Il est nécessaire d’exporter le modèle en France.
Nous avions trouvé le graal. Wal-Mart résolvait tous les problèmes de pouvoir d’achat. Plus besoin de Grenelle social, ni de sommet social extraordinaire. Il suffisait de copier l’entreprise qui permettait aux salariés de plus en plus mal payés de s’enrichir. On pouvait aussi lui laisser acheter Carrefour.
Le raisonnement est simple, efficace, tant qu’on ne se demande pas d’où viennent les articles que le distributeur commercialise, et comment il s’y prend pour baisser les salaires de 5 %. Mais comment en vouloir à J-M. Vittori de ne pas s’être posé ces questions ? Dès l’introduction de son livre il annonce la couleur : « l’arbitraire et l’aléatoire y ont toute leur place ».
Quelques mois après la parution du livre de JM Vittori, G. Biassette et L. J. Baudu, respectivement journalistes à La Croix et à La Tribune, ont décortiqué la stratégie industrielle du géant dans un livre remarquable : Travailler plus pour gagner moins. La menace Wall-Mart ». Le livre est aussi agréable à lire que le précédent, nos deux journalistes ont le sens de la formule : « Henry Ford payait bien ses salariés pour qu’ils puissent acheter ses voitures, Wall-Mart paie mal les siens pour qu’ils soient obligés d’acheter les siens ».
Ce livre sans concession nous annonce le prix à payer pour atteindre cette augmentation de notre pouvoir d’achat.
Le coût social est très élevé. Notre héroïque distributeur est une véritable machine à broyer ses salariés. « Le champion de la lutte antisyndicale » n’aurait pas fermé qu’un seul de ses 6000 magasins comme l’indique JM Vittori. Il avait, entre autre, pris l’habitude d’« enfermer ses salariés la nuit dans les entrepôts ». Tout cela pour accroître la productivité et empêcher les employés « d’aller fumer dehors ». Autant vous dire que l’essentiel des salariés ne bénéficiait pas de couverture maladie.
Mais Wall-Mart ne s’arrête pas là. Il ne martyrise pas que ses employés. Pour vendre 10 à 15 % moins cher que ses concurrents, il met la pression sur ses fournisseurs, et leur laisse le choix entre délocaliser ou faire faillite. Quand il ne va pas lui-même se servir en Chine. Ce qui fait que « 80 % des produits vendus actuellement dans toutes les grands surfaces du groupe aux Etats-Unis comme ailleurs, sont fabriqués dans l’Empire du Milieu ». L’entreprise a donc plus que sa part de responsabilité dans les 800 milliards de dollars de déficit commercial des EU.
Car Wall-Mart a accéléré la désindustrialisation des Etats-Unis. Les exemples sont nombreux dans le livre des deux journalistes. Parce qu’il a accepté de travailler pour la firme de l’Arkansas, Levi Strauss a fermé toutes ses usines aux Etats-Unis. En effet comment voulez-vous résister à la pression des acheteurs lorsque votre chiffre d’affaires dépend à 15 % de la firme de Bentonville, comme c’est le cas de Procter & Gamble. C’est impossible.
Loin de la belle histoire que souhaitaient nous raconter les libéraux, on peut écrire que Wall Mart est un bon baromètre de l’économie américaine. Le chiffre d’affaires de l’entreprise de Béthonville croit avec l’augmentation du chômage, de la pauvreté et du déficit commercial.
Tout ira mieux lorsque les patrons auront compris que le consommateur et le producteur sont la même personne. Qu’a mépriser leurs salariés les entreprises ne trouvent plus de débouchés. L’économie est morte d’avoir inventé cette dichotomie inhumaine.
Lire ou relire dans Bakchich les précédentes chroniques du professeur Rothé :
Quand l’économie se met à l’heure de Chicago… Les théories de Friedman reprisent allègrement par l’ensemble des pays dits civilisés et non pas uniquement par Wall Mart (même si cette enseigne en est un bel exemple) n’a rien de nouveau ni rien d’exceptionnelle… Ses conséquences en sont même parfaitement connues ! Augmentation du profit énorme et catastrophe sociale ont accompagnées systématiquement les expérimentations faites autour des thèmes si chers (dans tous les sens du terme) à Milton Friedman et à ses suivants (Sachs et cie). La seule inconnue dans l’équation de cette école économique est la forme retenue pour imposer cette économie… Par la violence (cf Indonésie de Suharto -1 million de morts-, triangle sud américain dont le Chili de Pinochet), par le détournement guerrier (Malouines de Tatcher, Irak de Bush père et fils) ou par l’épouvantail crisier comme c’est actuellement le cas ?
Wall Mart ne fait que suivre l’exemple d’une belle façon ! Rappelons juste les conséquences des expérimentations passées… : baisse des salaires (jusqu’à - 70 %) et du pouvoir d’achat d’un pays tout entier, augmentation du chômage (jusqu’à x 10), paupérisation ouvrière, répression syndicale et politique (jusqu’à l’Angleterre de Tatcher, pourtant la moins "violente" de tous qui a valu quelques morts et des milliers de blessés lors de la repression de la grève des mineurs), désengagement de l’état pour tout ce qui concerne le social, baisse de la qualité des soins, baisse de la qualité de l’éducation mais, et c’est le plus important pour eux, augmentation faramineuse des profits !!!
En pratique, le prof en question se contente de reprendre tres simplement ce que communique Wal-Mart dans la presse via ses services de relations publiques pour contrer l offensive des antis Wal-Mart… C est simple et tellement plus rapide.
Un site alter economique : http://desirdentreprendre.over-blog.com/
Monsieur.
En fait vous ne savez pas lire. C’est dommage.
Cdt.
Bertrand Rothé.
Que nenni, Mr. Rothé, allez donc voir le site du quidam. "Réconcilier les français avec l’entreprise et la gauche sans complexe" ou un truc du genre. La novlangue dans toute sa splendeur.
Du coup, son commentaire ne faisait pas la preuve d’une incapacité à comprendre ce qu’il lit. C’était juste de la pub pour son site ségolâtre.