Dans son livre, la spécialiste Anne Giudicelli explique en quoi les politiques européennes de lutte contre le terrorisme renforcent le terrorisme.
Après les attentats d’Alger du 11 décembre dernier, le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-Moon comme le président du Conseil européen José Socrates ont promis de coopérer avec le gouvernement algérien pour lutter contre « le fléau du terrorisme qui touche le monde entier » (Ban Ki-Moon). Un travail de longue haleine en perspective, la lutte contre les attentats perpétrés et / ou revendiqués par Al-Qaïda se compliquant avec le temps. Parce que le mouvement s’adapte parfaitement aux mesures prises par les gouvernants de l’ « Occident ». Et que ces mesures en tant que telles renforcent, paradoxalement, le terrorisme d’inspiration islamique. L’analyse ci-dessus reformulée est le fruit des recherches d’une journaliste spécialiste du monde arabe et musulman, Anne Giudicelli ; également experte indépendante (agence Terrorisc), et qui fut, après le 11 septembre 2001, et durant plusieurs années, chargée de mission au ministère des Affaires étrangères.
Elle a récemment publié un livre aux éditions du Seuil (collection Non Conforme), Le risque anti-terroriste, dans lequel elle pointe du doigt l’échec de ces politiques « anti-terroristes », tout en proposant des solutions adaptées.
Caméras de vidéo surveillance, passage sous les portiques des aéroports en chaussettes après fouille intégrale, pas même une bouteille d’eau autorisée dans les avions… traverser les frontières est devenu un exercice tous risques pour les qaïdistes. Alors ils s’adaptent. Et recrutent de plus en plus au sein même des pays ennemis. « La menace n’est plus seulement exogène mais aussi endogène ». Aussi, « les kamikazes de Londres [7 juillet 2005] étaient (…) nés et élevés en Grande-Bretagne » (p. 70). Mais vu leur citoyenneté –anglaise dans le cas sus mentionné– et les efforts entrepris par les pays membres de l’Union Européenne pour intégrer les jeunes issus de l’immigration, aucun Européen ne devrait rejoindre les rangs d’Al-Qaïda ! Sauf que oui. Et ce que révèle le « compatriote-terroriste », c’est « un certain échec des politiques d’intégration européennes » (p. 73). Des initiatives telles que le programme « Ensemble contre l’extrémisme » en Grande-Bretagne ou la politique dite de « diversité » pour la France sont bien appliquées ou en cours d’application. Mais « aucun gouvernement ne s’est risqué à établir le lien politique entre terrorisme, menace « intérieure » et intégration. Révélateur de ce malaise : le dossier sensible sur les banlieues en France, cas d’école en matière de persistance des inégalités sociales touchant les populations issues de l’immigration et de processus de communautarisation, prudemment maintenu étanche… » (p. 106). Pour Anne Giudicelli, à force de mettre sous « tension permanente les communautés musulmanes » en les amalgamant trop souvent aux islamistes extrémistes et à force de mener une politique de lutte contre le terrorisme trop répressive (dispositif antiterroriste durci 8 fois en 10 ans), le gouvernement français expose son pays à « un retour de bâton » (p. 114).
A moins que le Ministère de la Défense se décide à réveiller le rapport de l’auteur sur le sujet qui « doit dormir comme d’autres dans un tiroir ».