En voilà une belle expo… annoncée le 12 octobre. Mardi 15 décembre, les initiés de la voltige financière vont avoir la joie d’assister au procès des trois tableaux volés de Picasso à la XVIe correctionnelle.
Une audience qui promet d’être un peu fragmentée, voire à trous, tant l’enquête laisse échapper quelques faits. Pas de commanditaire, pas de voleurs, seulement des receleurs renvoyés. Le tableau manque de cohérence. Un hommage au maître sans doute. Qui mérite un petit éclaircissement.
Dans la nuit du 26 au 27 février 2007, la petite-fille Picasso et son compagnon Bensimon sont troublés dans leur sommeil. De petits bruits les taraudent. Mais le tour des lieux ne "révèle rien d’insolite". Ce n’est que dès potron-minet que le fric frac révèle ses frasques. Deux huiles sur toile et un dessin de grand papa P. Sans trace d’effractions ni carreaux cassés. De la belle œuvre réalisée par des esthètes.
"La plus grande œuvre avait été découpée, notent les flics et extraite de son cadre laissé sur place". Non seulement polis mais discrets ces voleurs, tellement parfaits qu’on se demande si on les a cherchés avec l’ardeur mise à traquer "l’ultra gauche"
Ouverte le 12 mars 2007, l’information judiciaire est confiée aux bourrins de la BRB (Brigade de répression du Banditisme). Sans résultat. Les mains plus suaves de l’office central chargé de la lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) récupèrent le dossier le 4 juillet. Les poulets cultureux reçoivent un renseignement anonyme dès les 13 juillet sur les receleurs présumés des toiles. Un nom sort, Jean Sala. Puis deux autres après la mise sous grandes oreilles des téléphones de ce garçon : Paul Sabbah et Abdelatif Redjil. "Deux individus très défavorablement connus", selon les limiers, ce qui dans le jargon policier, ne présage de rien de bon.
Pris en filature le 2 août, les trois loustics sont aperçus en train de présenter les toiles à un 4e "homme non identifié". Quatre jours plus tard, même tableau ou presque. Salah et Sabbah viennent voir le mystérieux individu, sont appréhendés, et les tableaux retrouvés dans le coffre de la voiture Paul Sabbah. Bingo Picasso ! Du flagrant délit et voilà une jolie enquête de bouclée pour l’OCBC.
Accessoirement, l’héritière retrouve ses toiles à 50 bâtons. Tant pis pour le marché clandestin des arts. Et pour les commanditaires et auteurs de l’effraction.
Soupçonnant l’usage d’une fausse clé pour nettoyer l’appartement et choper les toiles, les flics n’ont pas pu le prouver. L’ADN trouvé sur les lieux du vol ne correspond à aucun des trois bonshommes. Sala, Redjil et Sabbah ne sont ainsi renvoyés que pour recel.
"L’information n’a pas permis d’identifier les auteurs du vol aggravé" regrette la juge en charge du dossier dans son ordonnance du 2 septembre dernier. Une petite gouache de mystère, qui déborde sur d’autres coins de l’enquête. Notamment sur l’aimable homme à qui le trio de fourbes a voulu refourguer les tableaux.
Une tierce personne "qui ne pouvait être ni identifiée, ni interpellée", notent les flics, qui se bornent à le décrire, dans leur PV comme un "brocanteur".
Un anonymat à traduire. Comprendre au pire un indic’, au mieux un agent infiltré qui joue le rôle d’expert. Bref toujours du joli boulot.
D’autant que le galant homme a été recommandé auprès du trio par une connaissance. En audition, Paul Sabbah décrit que c’est un certain "Christophe", intéressé par les tableaux, "qui lui avait donné les coordonnées téléphoniques d’un prénommé Karl (…) l’individu porteur d’un chapeau Panama, vu le 7 août dernier au cours de la surveillance ayant conduit à l’interpellation de Sabah".
Un Christophe, au doux nom de Vuillermin, bien énigmatique, dont les flics retrouvent trace aux Etats-Unis, mais sans lui chercher trop querelle. Après une commission rogatoire envoyée vers Miami, "Vuillermin admettait avoir été en contact avec Paul Sabbah mais assurait n’avoir parlé qu’immobilier". Indic’ aussi, fermez le ban. Et les bancs d’accusés aussi.
Au procès Picasso, il n’y aura que des receleurs. Pour les commanditaires ou les voleurs, prière d’attendre une nouvelle expo. On vous l’indic’quera.