Au Cameroun, où la délinquance financière est une sorte d’art de vivre, on se demande parfois comment les riches s’y prennent pour voler l’argent public. Une solution toute simple nous est fournie par une affaire qui défraie la chronique camerounaise depuis quelques mois : l’« affaire Yannick Noah ».
Fils du pays (ou du moins d’une figure du pays, son père ayant été le premier Camerounais à remporter la coupe de France de football en 1961), Yannick n’avait pas la réputation de se soucier outre mesure du destin du Cameroun. C’était plutôt sur les terrains de sport – et les plateaux de télévision – de l’Hexagone que le tennisman vieillissant aimait à se produire et à danser la Saga… Africa. Au grand regret des Camerounais, on le comprend, qui auraient aimé que leur « compatriote » s’investisse un peu plus « au pays ».
En janvier 2005, le Ministère des sports camerounais (Minsep) lui donne l’occasion de se racheter, en lui proposant d’officier auprès de l’équipe nationale de football comme « préparateur psychologique ». Grand seigneur, le chanteur multimillionnaire annonce même haut et fort qu’il s’acquittera de sa tâche gratuitement, histoire ne pas ruiner davantage le contribuable camerounais. C’est donc à ses frais (d’avion, d’hôtel, etc.) que Yannick se rend à Abidjan puis à Yaoundé en 2005 pour « préparer psychologiquement » les Lions Indomptables lors des matchs qualificatifs de la dernière Coupe du Monde. Un investissement plus charitable que rentable puisque les Lions ont manqué la coupe du Monde en Allemagne en juin dernier.
L’embauche du tennisman-chanteur n’a donc pas été vraiment payante pour les Lions Indomptables. Certains cadres du Minsep en ont toutefois profité. Les petits malins ont profité du désintéressement du généreux Yannick pour… budgétiser son travail, signer sa feuille de paie à son insu et empocher son salaire à sa place ! Et comme la star n’a pas pour habitude de traîner dans les hôtels miteux et de se nourrir de tapioca, les fonctionnaires zélés ont gonflé la facture à plusieurs millions de CFA. Question de crédibilité sans doute… Yannick Noah, qui a fini par découvrir la manip’ mais qui ignore toujours l’identité des détourneurs et le montant exact des sommes volées sur son nom, tire lui-même la conclusion de sa mésaventure : il n’aura été qu’« un appât » [1] pour remplir les poches déjà bien remplies de quelques Camerounais nantis . De quoi le réconcilier avec « son » pays.
[1] Le Messager du 15 septembre 2006 et l’interview de Y. Noah à Radio Tiemeni Siantou (RTS) le 16 octobre 2006.