À la suite de « L’implacable verdict des urnes », suite de l’analyse des élections camerounaise par notre correspondant endiablé.
Si l’issue du double scrutin du 22 juillet ne fait pas grand mystère, la bataille fut féroce lors des primaires qui se sont déroulées ces dernières semaines au sein du RDPC. C’est bien plus à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’ex-parti unique que se situent les enjeux. Chacun sait, quoique bien discrètement, que le Président a fêté il y a peu ses 74 printemps (dont un tiers à la tête du pays) et que la Constitution lui interdit normalement de briguer un nouveau mandat. De quoi déclencher quelques obscures intrigues, de grandes manœuvres et de petits arrangements dont l’argent fut, comme toujours, l’arbitre le plus déterminant.
L’argent est bien sûr une fin en soi, mais c’est aussi un moyen. Quoi de plus efficace pour « gagner » une élection que de rétribuer les électeurs ? C’est ce qui s’est passé lors des primaires du RDPC, c’est ce qui se passera lors des « élections » du 22 juillet. La technique est simple : des émissaires, plus ou moins discrètement postés devant les bureaux de vote, distribuent les biffetons (10.000 Cfa dans le cas des primaires RDPC, beaucoup moins pour les élections) à tous ceux qui sortent de l’isoloir avec, en main, les bulletins des adversaires – preuve qu’ils ont fait le « bon choix ». 10.000 francs en cinq minutes ! De quoi susciter quelques ardentes vocations « militantes »… et provoquer un joyeux bordel dans un parti qui a toujours maintenu son fonds de commerce en achetant les consciences. L’abus fut tel, et les batailles fratricides si sanglantes, que Catherine Abena, coordonnatrice des primaires et secrétaire d’État à l’Enseignement secondaire, dû instituer la fouille au corps à la sortie des isoloirs. Une mesure qui permit de débusquer de précieux bulletins de vote jusque dans le caleçon des militants [1]. On appelle cela la démocratie de proximité.
[1] *Mutations, 8 mai 2007