La Balme du Cameroun

Pour conserver son pouvoir, Le mieux est évidemment de commencer par un trucage massif des élections, histoire de se doter d’une assise aussi fidèle que « populaire ». Ce fut le cas, une nouvelle fois, lors du double scrutin législatif et municipal du 22 juillet dernier qui a donné une écrasante majorité parlementaire au parti présidentiel (86 %), à la barbe des Camerounais qui, dans leur écrasante majorité, n’ont pas pu voter. La manœuvre pourrait aboutir à une réforme constitutionnelle – démocratiquement votée par le parlement, bien sûr – permettant au Chef Suprême, si tel est son royal désir, de se représenter à la prochaine présidentielle (2011) [1].

Mais la caution populaire est loin d’être suffisante, d’autant qu’il y a quelques (légers) froncements de sourcils du côté des ambassades. Aussi faut-il s’attacher les services de quelques magiciens capables de transformer une mascarade électorale en triomphe démocratique. La communication politique est un sujet récurrent au Cameroun. C’est ainsi par exemple qu’en 2004 Son Excellence Paul Biya offrit 400 000 dollars au cabinet américain de lobbying Patton Boggs pour faire sa pub à Washington. On se souvient aussi des slogans bidons mitonnés par une brochette de communicants français – de « l’Homme lion » (Jacques Séguéla, 1992) au « Cameroun des grandes ambitions » (Claude Marti et Jean-Pierre Fleury, 2004) – qui ont égayé les campagnes électorales, toujours victorieuses, de Paupaul depuis le début des années 90. La visite en grande pompe de Patricia Balme, présidente de l’agence de communication « P.B. Com International », le 30 août dernier, au Palais présidentiel de Yaoundé, n’est pas non plus passée inaperçue. Ancienne journaliste reconvertie dans la com’ politique (et militante chiraquienne reconvertie au sarkozisme), Patricia Balme s’occupe de « l’image internationale » du Cameroun depuis 1999 [2].

Aujourd’hui elle bichonne le grand homme et vante ses mérites éternels. « Le Président Paul Biya a donné à votre pays une impulsion exceptionnelle qui, aujourd’hui, est reconnue dans le monde entier, a-t-elle professé tout sourire, à sa sortie du Palais d’Etoudi, devant les caméras dociles de la télé camerounaise. Il a accéléré la démocratie, la modernité » [3]. La presse camerounaise s’est inquiété de voir au grand jour celle qui œuvre généralement dans les coulisses. Inquiet d’entendre que Balme était reçue en audience officielle, l’agence EuroRSCG, qui détient un contrat de promotion du port de Douala, a immédiatement expédié un émissaire pour être certaine de ne pas perdre la main. Le grand manitou Stéphane Fouks n’a pas été invité par Biya depuis un bail, et cela le chagrine. Son contrat, dit-on au Cameroun, pourrait ne pas être reconduit.