Le Chant des Mariées de Karin Albou part d’un lieu (la Tunisie) et d’un cadre historique précis (1942, l’occupation de l’armée allemande) pour toucher un thème féminin universel : la condition des femmes. Non seulement les femmes soumises à leur communauté, à leurs coutumes, au joug des hommes, à la violence qui s’exercent entre elles, mais aussi la construction de la féminité grâce à ses deux héroïnes âgées de 16 ans.
Nour et Myriam vivent dans le même immeuble à Tunis. Elles sont amies. L’une est musulmane, l’autre est juive. Les deux communautés cohabitent amicalement. Myriam envie Nour qui est fiancée à son cousin Khaled, beau jeune homme aux lourdes boucles brunes. Nour envie Myriam qui est libre d’aller à l’école, d’apprendre, de ne pas porter le voile lorsqu’elle sort.
La guerre vient se mêler à leur adolescence, mettre à l’épreuve leur amitié, dans une atmospère lourde, loin de l’image de carte postale que l’on peut avoir de la Tunisie. Dans l’alcôve des chambres cependant, dans le secret de la cour ou du toit de l’immeuble, dans la moiteur du hammam, la sensualité s’éveille et appelle. Karin Albou filme à même la peau, dépassant la simple nudité pour atteindre l’intime. La complicité entre les deux jeunes filles, quasi-anthropophage, construite sur un effet de miroir fait merveille. Elle ne sera pas sans rappeler à nombre d’entre nous des bouts de vécu, des souvenirs de meilleure amie peut-être envolés, intimes et profonds, qui nous auront aidées nous aussi à devenir femmes.
A vrai dire, ce film m’a bouleversée un peu comme le premier film de Sofia Coppola m’avait bouleversé, Virgin Suicides. J’y ai retrouvé l’indicible, tout ce que j’ai vécu et que je n’arrive pas à mettre en mot, et que ces réalisatrices ont mis en images.
Je n’ai qu’un conseil : courrez le voir, courrez-y vite. C’est un très beau film.