Delanoë, avec les édiles de son groupe et ceux de l’UMP, des Verts et du Modem, ont refusé de donner le nom de Maximilien à une rue de Paris.
La tête de Robespierre vient à nouveau de rouler dans Paris. Et ce au nom de la bonne conscience nationale qui voudrait que la responsabilité de la « Grande Terreur » ne soit partagée que par quelques illuminés sanguinaires. Maximilien de Robespierre n’entrera pas dans Paris, pas plus qu’il n’est jamais entré au Panthéon.
Bertrand Delanoë, avec les édiles petits et grands de son groupe et leurs amis de la bien-pensance de l’UMP, des Verts et du Modem -ils ont pris un gourmand plaisir à se rallier à la position du maire « libéral et socialiste »- ont refusé une proposition du conseiller Alexis Corbière (Parti de Gauche) de donner à Paris -enfin !- une rue au nom du plus grand révolutionnaire de la Grande Révolution. C’était le 9 vendémiaire an 218 (30 septembre 2009 pour les contre-révolutionnaires), les thermidoriens ont fait des petits dans toutes les factions de la République.
Au détour d’une rue, Delanoë fait dans l’histoire caniveau. Il y aurait dans l’histoire révolutionnaire les « fréquentables », dont on peut se réclamer, et les « infréquentables », qui réveillent de douloureuses plaies dans l’inconscient patriotique. Au titre des fréquentables, nous pouvons traverser le pont du retors politicien vendu à la cour, Mirabeau. On peut aussi prendre l’avenue du général coupable de haute trahison, Lafayette. Et le sanguinaire Napoléon ? Et le boucher de la commune, Thiers ? Ils peuplent la géographie urbaine de leurs places, parcs, boulevards.
Delanoë décapite l’histoire de France comme on faisait tomber les têtes place de la Révolution (aujourd’hui place de la Concorde). Il verse dans le révisionnisme historique défendu par les grands promoteurs de la démocratie libérale qui tracent des lignes directes entre la « Terreur » mise en place par les révolutionnaires français et la « terreur stalinienne ».
Il reprend à son compte l’idée selon laquelle il y aurait eu une « bonne » révolution (jusqu’au 1er juin 1793), et une « mauvaise » (qui dura du 2 juin 1793 au 9 Thermidor an II, 27 juillet 1794), faite de violence et de sang.
Rappelons toutefois au Fouquier-Tinville de la mémoire que l’éminent membre du « comité de salut public » (élu par la Convention) Maximilien de Robespierre, loin d’être irréprochable, n’a jamais fait partie du « Tribunal révolutionnaire » qui le condamnera avec 22 de ses amis le 28 juillet 1794 (et 83 de ses partisans le lendemain), sans qu’aucun procès ne fut conduit. Rappelons que ce tribunal ne fut supprimé que le 31 mai 1795.
Delanoë se fourvoie ainsi dans l’ineptie qui consiste à faire porter sur les épaule d’un seul homme la responsabilité pleine et entière de la Terreur. L’histoire de la révolution est un « bloc », disait Michelet, on ne peut la saucissonner à sa convenance.
Peu avant sa mort, le 26 mai 1794 (7 prairial An II), à la tribune de la Convention, sentant le tranchant de la guillotine pour bientôt, il déclarait « Il est plus facile de nous ôter la vie que de triompher de nos principes ».
Bertrand Delanoë, qu’on retiendra pour avoir renommé le Parvis de Notre-Dame « Parvis de Notre Dame, Place Jean Paul II », a les triomphes qu’il peut. La République s’est construite contre l’Église ; le maire de Paris a choisi son camp.
Après un article subtil qui accusait le pape de "crime contre l’humanité", Renaud Chenu poursuit son plongeon dans l’univers de la finesse.
Place maintenant à l’étrange Robespierre. Etrange, car la France a longtemps refusé de débattre de son histoire. Nous demandons à la Turquie de se retourner sur son passé génocidaire à l’encontre des arméniens, mais la France nada. Nous demandons à toute l’Amérique du Sud de rompre avec son passé fasciste, mais la France nada.
Et pourtant le Livre Noir de la révolution Française paru l’année dernière devrait au minimum provoquer le débat. Ce qu’il a fait, du reste, au sein de la recherche historique (sans pour autant que sa thèse satisfasse tout le monde) mais apparemment certains n’admettent pas encore qu’il y ait discussion. Dommage. Que Robespierre mérite une rue, une avenue ou une place, pourquoi pas ? Il fait partie de notre histoire. Que des édiles se posent la question, c’est évident puisqu’il n’a pas eu que des moments glorieux et qu’une transformation baignée de sang reste une approche plus que discutable. Que l’hésitation delanesque soit fustigée, cela devient étrange. Pour une fois que Delanoë débat…
La dernière phrase de Renaud Chenu est une chenuite aigüe. Une place Jean-Paul II, au secours. Brrrr, à bas la calotte ; les curés, on les aura ; la république s’est construite contre l’Eglise… Il y a deux hommes chez JP II. L’homme historique qui a contribué à la révolution des pays de l’Est et qui mérite amplement une place. Il en a une de choix dans l’histoire du monde. Et l’homme d’Eglise.
La France s’est essentiellement construite sur le christianisme. D’où Notre-Dame d’ailleurs ! Est-ce que la République en a fait fi ? Oui et non. La République s’est affirmée à la fin du 19e siècle après que le pape Léon XIII a demandé aux catholiques de s’y rallier et d’abandonner la monarchie… Noir, blanc, parfois la réalité est plutôt grise. C’est pour cela qu’il faut débattre.