"Exclu définitivement" du parti socialiste pour ses propos racistes, Georges Frêche se moque bien des décisions de Solférino. Et les Verts en profitent pour tenter de négocier l’Ile-de-France en échange de la paix héraultaise.
Martine Aubry l’avait pourtant affirmé en septembre, elle était « déterminée » à « tout faire » pour que Georges Frêche ne soit pas candidat aux régionales. Auto-proclamée rénovatrice en chef à la Rochelle, un geste d’autorité contre le potentat languedocien l’eût propulsée au firmament de cette « rénovation » plébiscitée par les militants socialistes le 1er octobre.
Patatras, le Parti Socialiste ne se révolutionne pas à coup de proclamations. « Ils jouent tous le coup d’après, Georges Frêche est protégé par l’équipe de bras cassées qui entourent Martine Aubry » nous confie une fine lame rénovatrice. « C’est un faiseur de roi. Strauss-Khann, Fabius et Royal n’empièteront pas sur ses plate-bandes. Le jour de la désignation, il peut faire la différence ».
Mardi dernier, Aubry convoquait les premiers fédéraux du Languedoc-Roussillon. Seul Éric Andrieu, l’édile de l’Aude, a fait le déplacement. Le message est clair : circule Martine, nos affaires ne sont pas les tiennes. Et Georges Frêche ? « Exclu définitivement » pour ses propos racistes, il se moque bien de Paris. En ses terres, le frêchisme est un plébiscite de tous les jours.
Pour Georges Frêche, les règles du Parti Socialiste sont bonnes quand elles le servent. Dans le cas contraire, il en change, et la « rénovation » trépasse. Ainsi le 24 novembre, à l’occasion d’un bureau fédéral, Robert Navarro, Sénateur et premier fédéral de l’Hérault, « la créature de Frêche » selon les opposants locaux, fit adopter une surprenante liste départementale en vue des régionales que Bakchich a consulté.
La procédure voulut que les socialistes y apposent les noms des leurs et laissent des places libres pour leurs partenaires éventuels. Mais ici les partenaires sont nommés d’autorité, avec leurs origines partisanes accolées à leur nom. Écologistes, communistes, les compagnons de route du Frêchisme qui y figurent en bonne place « ne font pas partie de nos organisations » assurent les édiles des Verts et du PC du 34e département.
Les socialistes héraultais étaient invités à se prononcer jeudi 3 décembre sur cette liste, selon une procédure non statutaire où « il ne sera pas possible de voter contre, contrairement aux instructions de la circulaire nationale ».
Autre innovation, tous les promus sur la liste ne sont membres que de la « motion E », celle de Ségolène Royal et soutenue « de l’extérieur » par Georges Frêche. Les autres courants du PS n’existent plus.
Frêche ne fait pas dans le détail, en son monde seule la fidélité doit payer. Son « autre créature », Christian Bourquin, premier fédéral des Pyrénées-Orientales où il préside le conseil général, l’a toujours été, fidèle, et attend son heure. attend son heure. Il vient d’être intronisé oralement « digne successeur ». Il conduira la liste socialiste dans les Pyrénees-Orientales mais « c’est moi qui occuperait ce bureau en avril » déclare Georges Frêche, peu enclin au doute. C’est son homme de paille, l’ancien rugbyman Didier Codorniou, plébiscité à 70% en octobre par les adhérents, qui conduira la liste aux régionales pour laisser son fauteuil à Frêche.
Bonjour le casse-tête : les frêchistes ultra majoritaires vont soutenir une liste emmenée par Christian Bourquin, qui s’effacera derrière le divers gauche Georges Frêche, exclu du PS mais présent sur les listes votées par les militants. En face, des membres du PS s’affranchiront de la discipline collective pour présenter des listes d’union de la gauche contre… une liste de gauche.
Qui est dans son bon droit ? Qui est un félon ? Bon courage, Martine. « Elle est dans un perspective présidentielle, elle marche sur des oeufs et ne doit pas faire d’erreur », confie à Bakchich un de ses proches désabusés.
Pour l’heure, les militants socialistes ont voté jeudi soir et ont plébiscité les listes frêchistes mais « la question n’est pas tranchée sur la régularité de la tenue du vote dans l’Hérault » dit-on à Solférino, qui cherche désespérément une porte de sortie « honorable » pour gérer ce « bâton merdeux ».
Deux options pour Paris. La première, « Virer tous ceux qui se présenteraient avec Frêche contre une liste officielle du Parti socialiste soutenue par la gauche rassemblée. »
Qu’en disent les Verts qui revendiquent la tête de liste ? « Il y a bien eu une prise de contact jeudi, les Verts sont prêts à abandonner la revendication de la tête de liste anti-Frêche en Languedoc-Roussillon contre un accord global de désistement des têtes de listes entre le PS et les Verts en faveur du mieux placé au premier tour », « Cécile Duflot est certaine d’arriver devant Jean-Paul Huchon en Ile-de-France », nous assure un de ses proches. Georges Frêche sera certainement content d’apprendre qu’il permet à Cécile Duflot de faire de doux rêves.
La seconde option, « bien plus probable », « avaliser la liste de l’Hérault ». Frêche 1. Solférino : 0. Un bel embrouillamini pour un résultat couru d’avance ?
Si Frêche est candidat, le PS est certain de perdre la région. Le seul argument de Frêche, ce sont les 5000 adhérents du PS de l’Hérault, des adhérents pour la gamelle et bien obéissants, que Frêche utilise contre chaque dirigeant du PS comme une arme de dissuasion massive. Mais objectivement, l’intérêt du PS est de refuser cet imposteur non membre du PS, sa liste de gamellistes qui ne représentent personne, et son plébiscite farfelu.
L’intérêt de la gauche, c’est plus compliqué : avec une liste PS+Frêche, ça peut donner des ailes à une liste Verts+PG+PCF, qui aurait quelques chances de passer devant Frêche et donc de faire gagner la gauche.