Qui n’a jamais vu écrit sur une affiche de ciné « éblouissant ! »,« le chef d’œuvre du XXI siècle » pour vanter un nanard. Derrière les éloges se cachent une entente cordiale entre producteurs et journalistes.
La pratique des « baseline », ces bouts de phrases tirés d’articles de presse et goulûment apposés par les producteurs sur les affiches de cinéma est de plus en plus courante. District 9, le dernier Blockbuster produit par Peter Jackson n’échappe pas à la règle et peut-on lire sur les affiches est la « révélation de la rentrée », selon le magazine Première. Mais comment des phrases tirés d’un article de presse peuvent-elles se retrouver ainsi sur une affiche commerciale ? Ou comment les producteurs s’entendent avec les journalistes pour vendre leur film.
Alex Masson, journaliste ciné, raconte à Bakchich qu’après la projection presse du film Borat à laquelle il assistait pour le magazine Tracks, il reçoit un coup de fil de l’attaché de presse de la Fox, qui produit le film. « T’as une idée de Baseline ? », « oui, on pourrait mettre ça », « ok, en revanche pour l’affiche on mettra pas Tracks, mais Première. » Plus classe sans doute. Et une bonne manière de duper le spectateur en apposant le label vu et approuvé. L’affiche ne se fera pas, mais l’intention y est. Et « il n’est pas rare, s’insurge un autre journaliste du sérail, que les papiers soient envoyés aux attachés de presse avant même qu’il ne soit publié dans leur propre canard ! » Si le journaliste se montre un peu revêche, la réponse des majors ne tarde pas. Ainsi, alors que les Inrockuptibles avait massacré le film Men In Black, la Columbia, qui produit le blockbuster, reprend pour son affiche le seul mot laudatif de l’article. Las ! Les Inrocks dénoncent la combine dans leurs colonnes.
Serge Kaganski, le monsieur ciné du journal, se verra privé de projection Columbia pendant un temps. Sony avait fait plus fort encore, en 2005, en inventant de toute pièce un journaliste qui n’écrivait que des articles à la gloire des films produit par Sony. Prise la main dans le sac, l’entreprise avait dû indemniser les spectateurs dupés. Mais, comme l’explique à Bakchich un critique ciné quelque peu désabusé : « Pour les majors de toute façon, les articles de presse ne sont que des places gratuites intégrées à leur plan marketing. Les baseline ne sont que la partie émergée des ententes. Et malheureusement, le poids des majors est bien trop lourds pour lutter. » Ainsi, précise-t-il amère, « la Warner décide, comme autant de bons ou mauvais points distribués aux journalistes, de les inviter ou non aux projections presse. Un article un peu décapant et on atterrit dans la blacklist des communicants. » Tout cela serait grave si les gens lisaient encore les critiques avant d’aller voir les films.
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