Chaque année à la même époque, les poids lourds des consoles de jeux video se lancent dans une guerre de com’ fort distrayante.
C’est parti : les agences de pub sont briefées par les marketeurs des trois géants des consoles de jeu. Les briefs (expression des attentes du client) sont simples et très ressemblants : d’une, rendre votre ancienne console obsolète, et de deux, rendre celle des concurrents ringarde. Les créations seront présentées dans deux mois, fin juin, et les pubs tournées en septembre pour être diffusées en décembre. Une règle absolue : tout doit rester « ultra confidentiel ». L’objectif est simple : caser dans le plus de foyers possible leur dernière bête de course. La Playstation 3 pour Sony, la Wii pour Nintendo et la XBox 360 pour Microsoft.
Pour ce faire, les fabricants n’hésiteront pas à arroser les rédactions parisiennes de leurs nouvelles consoles, jeux et accessoires en tout genre. Un bon rédactionnel vaut en effet bien plus qu’une pub, aussi excellente soit-elle. Ça coûte beaucoup moins cher et c’est beaucoup plus efficace. Rien ne vaut la caution d’un journaliste.
Petit retour en arrière en mars 2007 : Sony Computer Electronics, la filiale jeux vidéo du géant de l’électronique, a réquisitionné le Louisiane Belle, une péniche qu’elle a transformée en boutique éphémère au pied de la Tour Eiffel pour vendre les premiers exemplaires de sa Playstation 3. Au programme de la fête : le film OSS 117 diffusé en haute définition sur écran géant et un imposant dispositif de sécurité (barrières, vigiles…) pour canaliser la foule en délire qui va s’abattre sur le Louisiane Belle. Petit problème ce jeudi 22 mars 2007 à 22 heures : ça caille sur Paris. Point de ruée donc, les amateurs de Playstation ont préféré rester chez eux et économiser au passage 600 euros (prix de la console au lancement). Les vigiles s’ennuient ferme, la petite vingtaine de badauds qui a, intrépide, fait le déplacement attend sagement que Sony ouvre les portes du magasin éphémère, devant des journalistes de télévision qui filment le staff de la marque transis de froid. « C’est pas possible, on a fait une campagne de mailing d’enfer ! », confie un membre de l’équipe, hagard.
Dans cette nuit du 22 Mars le show n’est pas terminé. Une seconde péniche pointe le bout de sa proue. Recouverte de grandes bâches vertes aux couleurs du concurrent Microsoft, elle vient narguer Sony. « XBox 360 loves you », lit-on sur la coque de l’esquif. Ambiance du côté du Japonais.
Surtout que ce n’était pas la première fois que Microsoft venait jouer les trouble-fêtes. Deux ans auparavant, en juin 2005, l’Américain avait retapissé la façade d’un pressing près de la place de l’Étoile à Paris, situé en face d’un loft loué par Sony pour y présenter sa console portable PSP. Une simple phrase, « Gardez vos forces pour l’hiver », histoire de rappeler aux potentiels acheteurs de la console que la leur devait sortir quelques mois plus tard. Cette fois-ci, Sony avait réagi en rachetant au propriétaire de la laverie le contrat XBox 360 pour qu’il retire sa pub.
Heureusement, le président de Sony Computer France, Georges Fornay, ironise aujourd’hui : « Apparemment les gens de Microsoft sont meilleurs pour rire que pour vendre ». Façon de rappeler que malgré ces couacs, la PS3 s’est aujourd’hui vendue à près de 750 000 exemplaires en France. Mieux que la XBox 360 qui ne disposerait que d’un parc de 650 000 machines.
D’autant plus que le troisième larron brouille les pistes. Pendant que les deux gros s’invectivent par péniche et pressing interposés, le « petit » Nintendo (tout de même 10,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2007) avance gentiment. Sa Wii serait présente dans 1,7 millions de foyers hexagonaux et réoriente sa stratégie, abandonne les boutonneux pour cibler les quadras.
A lire et à relire sur le sujet :
Apres le wii-fit que Bakchich fustigeait de "pese-personne à 90 euros", c’est maintenant la guerre des consoles ? Décidément, Bakchich a une dent contre les jeux video…
C’est pas parce qu’on aime la politique et le monde des affaires qu’on doit mépriser ce divertissement (que la morale populaire taxera d’abrutissement pour adolescents boutonneux). Etant un joueur régulier, ca me deplait quelque peu d’etre systematiquement considere comme du betail par les journalistes de Bakchich.
Monsieur
Je suis moi même un joueur, un peu boutonneux (ma compagne adore. Elle me fait les ponts noirs), et j’aimerais encore être un adolescent (un fois un jeune homme s’est levé dans le métro pour me laisser sa place). Donc ne voyez pas une insulte dans ce jeu de mots un peu court j’en conviens, mais au contraire un clin d’oeil jaloux d’un homme qui vieillit.
Très cordialement.
Bertrand Rothé Le responsable de la rubrique.
Le jeu de mots en lui-meme ne me derange pas… il m’a fait sourire egalement. Je l’ai mentionné simplement pour resumer l’article sur le wii-fit. C’est plutot le traitement du theme "jeux video" qui me laisse dubitatif…
Le jeu video est rarement present dans la presse generaliste et les rares fois ou on en parle, c’est sous un angle un peu hautain, et je pense que le monde du jeu video ne merite pas cela.
Les sujets relatifs a cet univers sont pourtant riches et largement ignores du grand public : depuis l’esclavagisme chez Electonic Arts, au lobbying religio-familial aux etats-unis (cf. mode "hot café" pour GTA), en passant par la renaissance du secteur video-ludique francais, ou les etudes economiques et sociologiques portant sur des jeux massivement multijoueurs (EVE-online, 2nd life), ou les parents demissionnaires car trop absorbés par leur plongee dans le virtuel…
Tout cela pour dire que j’aime autant des articles instructifs (avec une neutralite de point de vue) que des articles "choc".
Bertrand a donné des précisions, je donne les miennes. Loin de nous l’idée de traiter le jeu vidéo sous l’angle anxiogène choisi par les grands médias (télévisions, principalement). Evidemment que le jeu vidéo est un secteur riche et d’un grande diversité qui mérite mieux que la caricature stupide donnée encore récemment par un reportage de France 2 sur la sortie de GTA4. Evénement qui est selon moi le plus important lancement de produit culturel de l’année en cours. L’objet de ce petit article était d’informer un lecteur pas toujours au courant de ce qui se passe dans ce secteur tout en donnant quelques anecdotes croustillantes vécues par l’auteur même de l’article. En espérant avoir levé quelques malentendus sur notre soit disant mépris du jeu vidéo. Au plaisir,
Martin Kirsch