1950 euros par tête d’oeuf. C’est la somme que l’Institut d’analyse financière a décidé d’offrir à ses traders pour des « séminaires de philosophie ». Descartes sur table.
Alors que Nicolas Sarkozy, au risque de l’oxymore, appelle à « moraliser le capitalisme », l’Institut d’analyse financière a décidé d’offrir à ses traders des « séminaires de philosophie » pour « renforcer la rationalité de leur décisions ». Moyennant la modique somme de 1950 euros par personne, les traders pourront s’initier deux jours durant à la spéculation… intellectuelle. Mettre un peu de plomb dans la cervelle des jeunes loups de la finance menacés par le syndrome Kerviel (« tiens, je viens de paumer cinq milliards, là… ») ne paraît, on en conviendra, pas complètement idiot.
Au lendemain d’une crise financière qui a jeté une lumière crue sur les pratiques de ces jeunes prodiges du boursicotage, l’heure est peut-être venue de retrouver la raison. Et puis la philosophie, espère certainement l’Institut d’analyse financière, les aidera sans doute à répondre à leurs questions existentielles (pas facile de gagner des millions à 25 ans en jonglant avec les algorithmes). diogène en herbe À ceux qui s’étonnent de la rencontre entre raison et boursicotage, le philosophe débauché pour l’occasion Michel Eltchaninoff, rétorque du tac au tac que « L’argent et la philosophie sont apparus à peu près au même moment, au VIIe siècle avant Jésus-Christ ».
Ni totem, ni tabou, le séminaire abordera donc le concept de l’argent hors des sentiers battus et rebattus de la morale, explique celui qui exerce par ailleurs ses talents à Philosophie magazine. « Qu’un trader réfléchisse sur l’argent est intéressant, mais cela ne va pas le transformer en ange ou en moraliste », admet volontiers ce professionnel de la pensée. Et c’est heureux, car les banques seraient bien embêtées de se retrouver avec une armée de Diogène en herbe. Le programme des séminaires est donc assez léger. Comme le note benoîtement la plaquette de présentation « Leur durée est relativement courte afin de ne pas lasser le public ». Aristote, ça va deux minutes, j’ai les Bourses asiatiques sur le feu, moi !
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Bonjour,
Je trouve dommage de penser que la philosophie améliorerait le monde des finances. Ces gens là spéculent… parce qu’ils peuvent, et ils ont bien raison d’en profiter. Je pense que c’est à la législation de rendre impossible les dérives, pas à des barrières morales.
Mouais…
Ce que je vois surtout c’est que : 1/ le cursus d’économie est médiocre, parce qu’on y apprend un bon catéchisme sans aborder les problématiques théoriques et pratiques de fond : qu’est ce qu’une banque ? Pourquoi la banque d’Angleterre nait-elle au XVIIe ? Quel est l’enjeu pour Locke, Smith etc… Quels sont les modèles alternatifs au système monétaire international ? (monnaie fondante, monnaies doubles, monnaie ouverte). Quelle différence entre "liquidités", "crédit", "monnaie", "argent" ? Et comment tout ça se rattache à chaque fois à la théorie démocratique et au fonctionnement concret d’une société d’autre part ? 2/ Tous ceux qui s’intéressaient à ces questions ont été dégagé de l’université en philosophie. On préfère s’interroger sur "l’être" que sur "l’avoir". Allez "ce n’est pas vraiment de la philosophie"… On voit le résultat aujourd’hui. Sans parler des imbéciles qu’on nous vend à la télé pour des "philosophes" et qui ne l’ont jamais été que dans leur tête…
Le statut de la philosophie politique et morale appliquée, de la philosophie du droit, de l’économie normative depuis ces 30 dernières années et l’absence totale d’intérêt de la philosophie pour les sciences de gestion (on a laissé ça à des "sociologues" et à des "micro-économistes") sont également grandement responsables de la nullité des praticiens de la finance. Les banquiers eux-mêmes ne savent même plus ce qu’ils font et son incapables de se mettre d ’accord sur la signification et de leur activité réelle et des outils qu’ils utilisent !
Ceci explique - en partie- qu’on ait fait appel à un clown de "philosophie magazine" pour "instruire" ces analphabètes(qui est à la philosophie ce que le code des castor juniors est à Nature…)