A la Banque du Gothard, un trader avait dilapidé l’argent de riches clients. Coup de théâtre judiciaire : la cour d’appel a également condamné les administrateurs de l’établissement. Une première sur le Rocher.
A quelques jours du déplacement annoncé par la Principauté de la visite officielle de Nicolas Sarkozy à Monaco, une décision de justice est passée quasiment inaperçue. L’arrêt rendu le 7 avril dernier par la cour d’appel correctionnelle de Monaco vient pourtant de mettre un terme à l’exception monégasque en matière bancaire.
Pour la première fois, des magistrats ont osé remettre en cause la position réputée invulnérable des administrateurs d’une banque, supposés jusqu’alors tout ignorer les turpitudes réalisées – à leur insu bien sûr ! – par des établissements dont ils veulent bien encaisser les colossaux bénéfices, mais aucune responsabilité.
L’affaire a pour origine, des opérations de bourses réalisées entre 1998 et 2000 par un trader « fou » de la banque du Gothard. Sans mandat de clients et leur insu, le dit trader Alberto Romagnolo va jouer avec le portefeuille de plusieurs de ses clients. Des opérations qui vont porter sur des millions d’euros. L’un des clients d’entre eux se verra ainsi barboter trois millions d’euros de ses économies.
Plusieurs clients lésés déposent plainte. Si la mise en cause du trader ne pose elle aucun problème, l’enquête conduite par le juge d’instruction Nedelec mettait aussi en évidence les carences multiples du contrôle hiérarchique exercé sur les activités du trader. Outre son absence de diplôme, ce rejeton d’une grande famille italienne devait sa position au sein de la banque principalement à ses relations familiales - raison pour laquelle il jouissait d’un traitement de faveur.
Sur cette base, le magistrat instructeur comme le parquet ont décidé de mettre en cause la responsabilité des administrateurs, pour avoir fourni au trader les moyens de commettre des abus de confiance. Notamment en lui conférant des attributions exorbitantes et une totale liberté d’action, en ne lui fixant aucune règle de procédure et en imposant aucune limite à ses activités… Des considérations d’un bon sens évident.
Mais, jusqu’à présent, ce type de dysfonctionnement n’avait jamais entraîné à Monaco la condamnation d’administrateurs d’une banque. La jurisprudence dominante étant que ces derniers sont fondés à encaisser des bénéfices mais certainement pas à engager leur responsabilité sur le bon fonctionnement de l’établissement qu’ils sont présumés administrer.
Le 7 juillet dernier le tribunal correctionnel de Monaco, ne tenant aucun compte de l’ordonnance du juge Nedelec comme des réquisitions de la procureure, Claire Dolman, les administrateurs étaient – selon une longue tradition - relaxés.
Les juges d’appel, le 7 avril, ont décidé de revenir sur cette décision. Ils ont infligé 8 mois avec sursis à deux administrateurs de la banque pour abus de confiance et, sur le plan civil, à rembourser plusieurs millions d’euros…
Un arrêt qui sera sûrement étudié de près par la Société Générale mais qui d’ores et déjà a stupéfié le milieu de la finance monégasque.