Les socialistes marseillais ont multiplié les recours après les élections municipales perdues en mars dernier. Un manque de fair-play évident qui se double d’une étrange timidité. Nul ne veut en parler…Depuis mars, la donne politique, même sans élections, a, il est vrai, bien changé. Petit plongeon dans l’exception marseillaise…
Les socialistes marseillais sont de mauvais perdants. Défaits de justesse mais -pas vraiment à la surprise générale- lors des dernières élections municipales, la bande à Jean- Noël Guérini, dit Jean Nono, le patron des socialistes marseillais a mal pris la chose. Et toute amère, déposé 8 requêtes introductives d’instance devant le tribunal administratif en vue de contester la validité des scrutins dans tous les secteurs que compte la bonne ville de Marseille. Pas vraiment fair-play, dans une région déjà championne de France des recours administratifs, avec pas moins de 247 recours électoraux pour le dernier scrutin…
Et les roses marseillais s’avèrent non seulement mauvais perdants, mais aussi mauvais joueurs, poussant le vice jusqu’à introduire des recours dans les secteurs qu’ils ont remportés. Même quand ils l’ont emporté au premier tour.
Ainsi, dans le 8ème secteur de Marseille, qui regroupe les 15 et 16ème arrondissements (quartiers Nord), pourtant remporté au premier tour par Samia Ghali avec plus de 52% des voix, un recours a été déposé sitôt le 14 mars 2008… pour invalider l’élection comme conseiller municipal de la tête de liste défaite de la droite Bernard Susini.
Dans le 7e secteur (13 et 14e arrondissement), malgré leur victoire au deuxième tour grâce à Sylvie Andrieux, le PS a choisi de déposer un recours en date du 21 mars, toujours pour faire invalider l’élection de la cheftaine de la droite du coin, Valérie Boyer.
Décidément peu magnanime, le PS local s’est même permis de poser un recours dans le seul secteur qu’ils ont arraché à la droite. Dans le 1er secteur, théâtre d’une lutte acharnée entre le volubile Patrick « Ségolin » Mennucci à la gauche et le non moins pétulant Jean Roatta à la droite, c’est l’ancien garagiste et néanmoins ex-porte serviette de Ségolène Royal, qui l’a emportée. Avec moins de 500 voix d’avance… Ce qui n’a pas empêché les moussaillons du vaisseau bleu (le conseil général des Bouches-du-Rhône, épicentre de la fédé socialiste marseillaise) de contester l’élection comme conseiller municipal de Jean Roatta.
Même le bucolique Jean-Claude Gaudin, élu pour un troisième mandat, n’est pas épargné, cible d’une requête en date du 17 mars 2008. Aucun respect pour les anciens.
Et les plaintes ne font guère dans l’originalité. Toutes glosent sur les conditions d’installation des « géodes » de la liste d’union de la droite menée par le Sénateur Jean-Claude, « Partager la réussite de Marseille » dans les différents secteurs de la ville. Pour porter la bonne parole gaudiniste, ont en effet fleuri de jolis stands un peu partout à Marseille, appelées « géodes ». De vraies réussites, puisque la droite a gagné, doublées de vraies bonnes affaires également. De gratuit à 3041 euros hors taxes pour des emplacements en moyenne de 100 à 200 m2, en plein Marseille. Bref les têtes de liste de la droite marseillaise ont un vrai talent immobilier, que jalousent leurs collègues socialistes.
À ce petit jeu de l’immobilier, ce sont les vieux routiers qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu. Le sieur Susini, n’a pas eu à débourser le plus misérable kopek pour louer l’emplacement de son stand, sur la gare de bus de Bougainville, pendant 41 jours, du 11 février au 22 mars 2008. La Régie des Transports marseillais, pourtant plus connu pour ses grèves à rallonge que pour être un repère de gaudinistes, l’a gracieusement autorisé à occuper les lieux. Aux mêmes dates mais sur le fort animé Cours Estienne d’Orves, tout à côté du Vieux Port, Jean Roatta n’a pas eu besoin de délier trop sa bourse pour porter la bonne parole sur un emplacement de 200 m2. 37,11 euros pour 100 m2 occupés par jour, soit 3042 euros Hors taxe…
Moins expérimentée sans doute, Valérie Boyer, dans le 7ème secteur, a du réaliser un petit crachat au bassinet pour installer sa petite Géode sur les 200 mètres carrés du parking de la Régie des Transports Marseillais à Frais Vallon, dans le nord de la ville. 2800 euros HT. Une différence de traitement avec son collègue Bernard Susini que la RTM a gentiment expliqué à Bakchich. « L’un des terrains est un terrain de voirie, sur l’espace public, nous ne pouvons en faire payer l’emplacement. L’autre en revanche est régie par une convention d’exploitation, une location payante est donc possible ». Point de sexisme donc dans cette différence de traitement donc.
Et point de favoritisme pour la Geode de M. le maire Jean-Claude Gaudin, installé au Centre commercial Bonneveine, centre commercial ultra fréquenté. seuls 210 euros Hors taxe ont été dépensés pour les 150 m2 occupés pendant 41 jours. Un tarif normal selon Unicommerces, la société qui régit le lieu. « Ce type d’emplacement en extérieur n’a pas de valeurs. Les 210 euros correspondent aux frais administratifs et d’autres ont eu des tarifs similaires ». Avis aux socialistes pour les prochaines échéances.
Ces faquins osent invoquer une infraction au code électoral, en l’occurrence le rigolard article L. 52-8, qui précise : « les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne veulent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat (…) en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ».
Selon eux, pourtant pas spécialistes de l’immobilier, la fourchette de location dont ont bénéficié les candidats de droite est suspecte. Et suffisante pour invoquer l’invalidation de l’élection, un rejet des comptes de campagne de la liste « partager la réussite de Marseille », déclarer une peine d’inéligibilité d’un an des têtes de liste concernées… Un joyeux bordel en perspective qui pourrait amener un changement de majorité à la mairie, voire obliger à une nouvelle élection.
« Grotesque, juge Me Jacquier, qui défend les jolis noms de l’UMP local. Quel est le problème, d’avoir bien négocié ? Et sur quoi porte le différend, 1000, 2000 euros c’est ridicule ». Et, « si on ne peut plus tricher entre amis », aurait dit Marius.
Et non content d’être mauvais perdants doublés de jaloux, les socialistes se révèlent être de grands cachottiers. Qui font bien peu de pub autour de leur recours, comme l’avait déjà raconté Bakchich (#73, Marseille : stress au PS) Instruit par le Lysias Partners à Marseille, un renommé cabinet d’avocats à l’occasion utilisé par Ségolène Royal, ces recours ne sont guère défendus. Voire minimisés. « Nous les avons porté après les élections, explique bien volontiers Me Jorge Mendes Constante, c’est au juge de trancher ». En l’occurrence pas avant septembre. Sur France 3, qui a consacré un fort pertinent sujet sur la question, Patrick Mennucci s’est aussi efforcé de calmer le jeu. Bizarre ?
C’est que depuis mars, la donne politique a quelque peu changé à Marseille. Si le fauteuil de maire est encore bien rempli par l’ami Gaudin, la Communauté Urbaine de Marseille (CUM), est passé à gauche, à la surprise générale, et par la grâce d’une grande dispute à droite (cf. encadré). Quoique sans majorité, s’est installé comme président de la CUM le brave Eugène Caselli, premier secrétaire de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône, aimable porte-serviette de Jean-Noël Guérini…et au nom duquel ont été introduits tous les recours. Une position peu confortable. La plupart des élus avec qui il doit composer pour avoir une majorité à la CUM sont la cible de ses plaintes. D’où une légère timidité à en parler, comme a pu le constater Bakchich. Aucun de nos coups de fil n’a trouvé preneur. Seul un petit indiscret a confirmer « les difficultés à parler de plainte contre des élus avec lesquels on doit composer ». Du savant dosage de la bouillabaisse…
Et à savourer dans ce dossier de Bakchich :
j’espère qu’ils maintiendront ces recours car il est inadmissble que les élus profitent des biens de la ville qu’ils représentent pour faire leur campagne électorale. et c’est bien ce qui s’est passé d’après ce qui est rapporté.
Ce type d’agissements est sévèrement sanctioné par le juge : dernièrement le Conseil Constitutionnel a annulé l’élection d’un député UMP des Hauts-de-Seine et l’a condamné à un an d’inéligibilité pour avoir installé sa permancence électorale durant 2 ans sur la place du marché de la ville dont il était aussi maire. Et la brigade financière enquête depuis sur ces faits, saisie par le procureur de la république. Alors, que ces pratiques cessent enfin, aussi bien dans les Hauts-de Seine qu’à Marseille. Il ne doit y avoir aucune négociation sur ces faits et que la justice passe !