Grâce au fil de messages mis en ligne sur le nouveau site de micro-blogging, certains rédacteurs sont devenus de vraies vedettes, forts d’« articles » longs de… 140 signes. Du buzz ou de l’info, coco ?
Ils s’appellent Xavier Ternisien, Vincent Glad ou encore Melissa Bounoua et ils ou elles sont journalistes. Et pas n’importe quels journalistes, s’il vous plaît. Leur « travail » fait partie des plus commentés sur le site Topjournaliste.com, qui propose aux internautes de noter leurs plumitifs adorés… ou détestés.
Mais, au fait, qui sont ces Ternisien, Glad et autres Bounoua ? Les Woodward et Bernstein des années 2010 ? Peut-être – il ne faut jurer de rien –, mais, en attendant, ce sont des « Twitteriens » hors pair. Des quoi ?, s’interroge le lecteur pour qui la dernière expérience avec Internet remonte à la création d’un compte Caramail en 1999. Des utilisateurs forcenés du site de micro-blogging Twitter, soit une plateforme sur laquelle on écrit des minimessages qui sont lus par des followers (nom twitterien pour « lecteur »). On y écrit et on y lit accessoirement les messages des autres, les following, ceux qu’on a décidé de suivre. Bref, une petite communauté (seulement 126 000 Français auraient un compte Twitter, selon le cabinet Sysomos), mais une communauté forte d’une densité de journalistes presque aussi importante que devant un buffet-cocktail lors de voeux à l’Élysée. Et pour nombre d’entre eux, leur lectorat Twitter compte d’avantage que l’audience de leur propre journal. Prenez Xavier Ternisien, par exemple.
Ce rubricard en charge de l’actu des médias pour le journal le Monde est suivi quotidiennement sur Twitter par plus de 27 000 lecteurs. Pas certain que 27 000 acheteurs du Monde lisent tous les jours du Ternisien. Idem pour son « pote » Vincent Glad (5 000 followers). Ce jeune journaliste du site Slate.fr (le site d’info créé par Jean-Marie Colombani en 2009) est plus connu pour ses saillies sur le site de micro-blogging (plutôt drôles, il faut bien l’avouer) que pour ses scoops et ses enquêtes fouillées.
C’est là que le bât blesse. Efficace outil d’alerte en temps réel, Twitter limite les contributions à 140 signes, soit deux phrases grand maximum. Un format idéal pour le buzz et le commentaire, moins pour le travail journalistique. D’ailleurs, une étude américaine récente menée à Baltimore a démontré que seulement 4 % des informations produites dans la ville émanaient des médias de type blog et Twitter.
Et pourtant les journalistes raffolent de plus en plus de cette information vite écrite, souvent pas vérifiée et tout simplement relayée. Une information Big Mac en quelque sorte, qui n’a que la saveur de l’instantanéité. Des voix commencent à s’élever contre ce nouveau saint Graal journalistique. L’ancien patron de la rédaction du Monde, Edwy Plenel, après avoir lu les tweets qui ont été écrits en direct de l’audience du procès Clearstream en octobre dernier, a jugé « nulle » la retranscription de son témoignage. Le magazine Technikart a consacré en février un dossier sur cette dictature du buzz qui nous fait prendre des « retweets » pour des lanternes. Si la plupart des journalistes ont conscience de la limite de l’outil et assurent que Twitter sert principalement de caisse de résonance aux articles parus dans leurs propres médias, d’autres se délectent cette notoriété que leur procure le site. Twitter n’a pas d’avenir dans un métier si peu narcissique.
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