En grève illimitée à partir de lundi, les médecins urgentistes travaillent en moyenne 48 heures par semaine. Mais qu’en dit Madame 35 heures, Martine Aubry ?
« Il y aura des morts ». Ainsi s’exprimait, il y a plus d’une semaine, l’un des pontes de l’AMUF (Association des Médecins Urgentistes de France), interrogé sur ce mouvement de grève. Depuis, Patrick Pelloux, président de cette association, a dû recâdrer la communication : « Les médecins et les directions des hôpitaux feront ce qu’il faut pour que tous les patients soient soignés. »
Reste que la grève s’annonce dure. Selon le Docteur Pelloux, qui sort ces jours-ci un nouvel ouvrage sur l’hôpital aux éditions du Cherche-Midi, « dans la culture médicale d’aujourd’hui, le soin urgent est souvent vécu comme une contrainte, non rentable, avec un risque médico-légal, plus qu’un devoir déontologique et éthique ». Et le même Pelloux, connu pour ne pas mâcher ses mots, d’ajouter : « les services d’urgences sont le bélier qui brise le mur des hôpitaux et les ouvre sur les problèmes de la ville ».
Médecin urgentiste au Samu de Paris, après avoir dirigé le service des urgences de l’hôpital Saint-Antoine d’où il a été remercié il y a quelques mois, Patrick Pelloux s’est fait connaître du grand public pendant la canicule de l’été 2003. Ce médecin beau parleur fut le premier à interpeller les pouvoirs publics sur leur très mauvaise gestion de la crise. Chroniqueur à Charlie Hebdo, à Europe 1 et au Magazine de la Santé de France 5, grande gueule mais toujours charismatique, il est aujourd’hui reparti en croisade.
Colonne vertébrale d’un système hospitalier en perte de vitesse, les urgentistes entament donc un bras de fer avec le ministère de la Santé pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail : manque de moyens, manque de lits, pénurie de personnel, fermetures des services d’urgence, de SMUR et de postes de garde. « 75% des urgentistes sont en burn-out, on en a ras-le-bol », affirme le Docteur Pelloux. D’où la revendication d’un temps de travail hebdomadaire de 39 heures, en lieu et place des 48 heures actuelles.
Cette revendication est d’autant plus d’actualité que le Parlement Européen se réunit le 15 décembre et a de fortes chances de faire sauter le plafond légal des 48 heures pour les médecins. Travailler plus, donc, sans gagner plus : « Les médecins urgentistes qui débutent aujourd’hui verront leur retraite amputée de 30%, explique Christophe Prud’homme, porte-parole du syndicat, c’est pourquoi nous demandons aussi une meilleure protection sociale et une meilleure retraite. »
Face au mouvement, les chefs de service et les directions des établissements agitent la menace de sanctions financières et disciplinaires, soutenus par le cabinet de la Ministre de la Santé, Roselyne Bachelot. Mais « de nombreux médecins auront déjà effectué, fin novembre, le nombre d’heures qu’ils sont sensés faire d’ici à la fin de l’année, donc il n’y a aucun risque juridique s’ils refusent leurs assignations », explique Régis Garrigue, Secrétaire Général de l’AMUF.
Les différents services des urgences de l’AP-HP n’étaient toutefois pas en mesure, vendredi, de chiffrer le taux de participation à la grève : « Nous ne le saurons que le matin-même ». Le mouvement devra cependant être centré sur un certain nombre de sites où les conflits avec la direction sont les plus durs, Tarbes, Bayonne, l’Essonne …
Dans les hôpitaux parisiens, les pressions sur le personnel sont plus fortes ; peu de médecins sont titulaires et un large pourcentage d’entre eux, d’origine étrangère, n’a pas de statut reconnu par l’Etat français.
Christophe Prud’homme note une volonté de radicalisation chez les praticiens hospitaliers, échaudés par le précédent de l’année dernière, quand leur sparadrap « en grève » a laissé le Ministère de marbre : six semaines de grève à propos du paiement des heures supplémentaires et de la rémunération des gardes (23 millions d’heures supplémentaires dues !), qui n’ont, au final, aboutit à rien de concret. « Nous n’avons pas été écoutés, et puis on a vu les enseignants investir les rues et se faire entendre. Il faut donc que l’on trouve des moyens d’actions qui nous permettront, à nous aussi, de nous faire entendre ! ».
Mais refuser de soigner les patients qui se présenteront aux urgences est hors de question, admet le Porte-Parole de l’AMUF. « Nous viendront quand même travailler, mais il y aura des morts à cause des restrictions budgétaires et des plans de retour à l’équilibre financier qui poussent les établissements à réduire leur dépenses. Or, 70% des dépenses partent dans les salaires du personnel hospitalier. On risque de terminer l’année avec 20 000 personnes en moins dans les hôpitaux… Ces morts seront donc liés à la responsabilité de ceux qui nous dirigent, et nous n’hésiteront pas à donner des éléments aux familles pour qu’elles puissent alors porter plainte contre les directions des hôpitaux, les administrations et le ministère de la Santé ».
Le système hospitalier français qui était encore, il y a seulement deux ans, classé au premier rang par une organisation européenne, est aujourd’hui sinistré : « La France est aujourd’hui à la dixième place pour les questions d’accessibilité aux soins. 38% de la population a par ailleurs renoncé à se faire soigner pour des raisons financières. La seule réponse du gouvernement actuel est la suppression des postes de médecins de nuit et de week-end. », s’insurge M. Prud’homme. Or, et les urgentistes le font de plus en plus remarquer, ils sont le dernier espoir de toute une frange de la population qui n’a plus les moyens de consulter les médecins de ville, d’autant plus que l’on constate une pénurie de praticiens dans certaines régions. « Quand vous réalisez que dans un département comme la Seine-Saint-Denis, il y a une dizaine de villes qui n’ont plus de gynécologues, et que donc la seule possibilité de dépistage pour les femmes est lors de leur passage aux urgences, vous savez que la fermeture de ces services, déjà engorgés, causera une explosion de cancers dans un futur proche, continue-t-il. Donc oui, il y aura des morts, mais pas à cause de la grève. » Les urgentistes, qui se mobilisent aujourd’hui, sont en première ligne aujourd’hui pour la défense d’un système hospitalier inquiet pour son avenir.
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Il y a quelques années, j’ai pris rendez-vous avec un spécialiste ORL libéral dans un cabinet, le seul, de centre-ville. Deux mois d’attente. Le jour J, à 18h, la secrétaire : "Le médecin a pris du retard, il vous recevra vers 20h." "Comme tous les jours", continua-t-elle, puisqu’il travaille en clinique et est toujours en retard : sa secrétaire pourrait peut-être lui apprendre à tenir un agenda ?
Retour au domicile - je n’habite pas très loin -, je me présente à 20h30 ; Monsieur le médecin daigne venir me chercher à 21h. Je bénéficie de la CMU à l’époque, mais M. exige d’être payé ("La Sécu vous remboursera…"). J’ai été remboursé, mais quelques mois après, vu le (petit) bordel que sa décision, illégale je crois, avait instauré. Si j’avais précisé "bénéficiaire CMU" pour prendre rdv’ au téléphone, gageons que je ne l’aurais pas obtenu.
Depuis cette gracieuse leçon, je me rends, quand j’ai besoin de consulter, à l’hôpital public (radiographie, etc.) ou dans les centres mutualistes. Délais d’attente raccourcis, personnel compétent, matériel et examens impeccables.
Et pour parfaire l’euphorie, mon médecin de ville n’est heureusement pas (trop) un droitiste libéral borné.
L’État nous rejoue la guerre entre "médecine des pauvres" et "médecine des riches" avec un net penchant pour cette dernière. Jusqu’à quand les salariés cotisants pourront-ils défendre la première ?
ben oui, c’est la démarche à faire devant un malaise.
c’est le samu qui possède le matériel d’urgence transportable et c’est donc eux que l’on doit appeler en 1er devant une douleur thoracique. ton médecin a eu l’attitude recommandée dans les textes de consensus.