Appareil photo, lecteur MP3, navigateur internet… Il est loin le temps où le téléphone mobile ne servait qu’à téléphoner. Bakchich a joué les vieux cons et a cherché pour vous un portable qui ne fait que téléphone. Nous cherchons encore…
Bonne nouvelle ! Le prix moyen des appels sur mobile baisse. Selon l’Arcep, la très vigilante autorité de la concurrence des télécoms, la minute de communication est passée de 25,80 centimes d’euro en 2001 à 18,20 en 2008. Ne vous réjouissez pas trop vite pour autant. La nature libérale ayant horreur du vide et des baisses de profit, les opérateurs ont trouvé un nouveau beurre à se faire sur le dos du consommateur : l’Internet mobile. Ce qui les a naturellement conduit à inonder leurs boutiques « de téléphones de plus en plus sophistiqués pour pousser les gens à surfer », explique Laurent Geoffroy, consultant pour le cabinet d’études Greenwich Consulting.
Ouf ! Le coup de fatigue qui menaçait la rentabilité des Orange et autres SFR n’était qu’un coup de bluff. La technique a d’ailleurs été toujours peu ou prou la même : refourguer aux abonnés des portables de plus en plus sophistiqués, histoire de faire gonfler leur prix d’achat et le nombre de services (payants) auxquels ils permettent d’accéder. On avait pu observer le phénomène avec l’apparition des téléphones appareil photo, puis caméra vidéo. Alors, pensez ! Avec le Net à haut débit, c’est l’eldorado qui s’annonce.
Résultat, un téléphone mobile n’a plus grand-chose à voir aujourd’hui avec un téléphone. D’ailleurs, celui qui voudrait s’équiper d’un appareil juste pour appeler ses copains et sa vieille mère risque d’user ses baskets. Bakchich en a fait la cruelle expérience : aucun des trois opérateurs visités en ce début septembre n’a pu nous fournir un portable comme autrefois.
« Nous avons une gamme de mobiles de base. Mais ils sont tous équipés d’un appareil photo, nous explique-t-on chez SFR. Il y a quelques années, nous avions lancé une offre appelée Simply avec Sagem (des téléphones tout moches mais tout simples, N.D.L.R.) Mais nous avons vite arrêté les frais. Ca ne prenait pas. »
Fermez le ban. Il n’y aurait pas de marché pour la sobriété téléphonique si on en croit les opérateurs. Pas si sûr. Selon l’Arcep, encore une fois, près de 4 millions de nos concitoyens n’auraient toujours pas de portable. Trop cher sans doute, mais probablement aussi trop compliqué.
Une étude du cabinet de consulting britannique Mformation parue cette année, révèle ainsi que 85% des utilisateurs de smartphones –en général plus doués que la moyenne face à un écran multifonctions- trouvent leur téléphone trop compliqué. Surprenant à l’heure où l’iPhone explose les charts de ventes de mobiles. Certes, le blockbuster d’Apple est encore un petit joueur comparé au Nokia 3310, le téléphone le plus vendu de l’histoire avec 120 millions d’exemplaires écoulés : un design tout droit sorti d’une série télé des années 1990 (le haut moyen-âge à l’échelle de l’histoire du numérique), un écran noir et blanc, trois touches en plus des chiffres, un mini-jeu intégré (le Snake !) désarmant de simplicité, et c’était tout.
« Notre stratégie aujourd’hui est à l’exact opposé de ce que faisait Nokia il y a 10 ans, nous explique-t-on chez Samsung, le plus gros vendeur de téléphones en France : les portables doivent être beaux et posséder des fiches techniques longues comme le bras pour satisfaire les opérateurs. » Faute de quoi, ils seront au mieux relégués dans les tréfonds des boutiques, au pire réservés aux magasins en ligne spécialisés pour les seniors.
Le téléphone basique est en fait la chasse gardée de fabricants de second rang comme Doro ou Bazile Telecom. Leurs appareils dotés de grosses touches avec de gros chiffres sont aux téléphones mobiles ce que les chaussures orthopédiques sont aux Nike Air Requin : le cousin simplet dont on a un peu honte.
Alors à quand le retour d’un « casual phone », simple et efficace, un minimum design, pour urbain dans la force de l’âge ? Sans doute jamais. « Ce n’a plus de sens économique pour les opérateurs », tranche le consultant Laurent Geoffroy. Et tant pis pour les handicapés de la techno qui ne connaissent même pas la signification de l’acronyme SMS. Ils n’intéressent personne. Et tant qu’il y aura des cabines téléphoniques…
Les Suisses seraient-ils le peuple le plus technophobe d’Europe ? Depuis deux ans, des cours d’utilisation de téléphone mobile fleurissent dans toute la Suisse romande. Des initiations le plus souvent, mais aussi des formations dispensées par des associations ou des fondations comme Pro Senectute ou Ynetcafé dans le centre de Genève. Pour les étudiants, la maîtrise de Windows Mobile 6.5 ou de Symbian (système d’exploitation de Nokia) peut même rapporter des points à la Fac. L’université populaire de Bienne, dans la région de Berne, propose ainsi une option « téléphone mobile » dans son cursus. Enfin, une bonne excuse pour ceux qui aiment glandouiller en consultant leurs textos.