Feu Thierry Jonquet est un grand écrivain de polar. Un des meilleurs pour la construction et quand il ne caricature pas les arabes de banlieue il peut être excellent.
C’est un roman qui parle de la pauvreté et de ses morpions, des associations caritatives qui oscillent entre la dénonciation de la pauvreté et l’autopromotion.
Nous sommes en 1990, le RMI a deux ans. La pauvreté s’est institutionnalisée, c’est devenu un risque. Jusque-là la collectivité avait mutualisé les charges inhérentes à la maladie, à la vieillesse, au chômage et à l’éducation des enfants. À partir de 1988 elle prend aussi en charge la pauvreté. Pourtant, d’après l’INSEE, le niveau de pauvreté en France ne cesse de baisser. Que s’est-il passé pour que le gouvernement Rocard crée le RMI ?
L’histoire est simple. La qualité du travail de nos heureux statisticiens n’est pas à remettre en cause. S’ils considèrent que le niveau de pauvreté diminue en France, on peut leur faire confiance. En revanche ce que ne disent pas ces chiffres c’est que les pauvres d’hier ne sont pas les mêmes que ceux d’aujourd’hui. Les pauvres de 1990 ne sont pas les mêmes que ceux de 1970. Hier, c’étaient des petits vieux qui n’avaient pas suffisamment cotisés. En 1990 ce sont des chômeurs en fin de droits à qui il est arrivé un accident de la vie. l’Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale le dit. À partir « des années 1980… le taux de pauvreté des personnes âgées a diminué de 85 %, celui des actifs a progressé de 38 % en trente ans ».
La pauvreté s’est donc développée, avec elle son cortège d’associations caritatives, de Don Quichotte et autres Restaurants du Cœur et Abbé Pierre, qui de temps en temps oscillent entre la dénonciation de la pauvreté et l’autopromotion. C’est contre cette engeance nécessaire que Jonquet, dont « la mauvaise humeur est… le signe d’une profonde jubilation », a écrit ce magnifique polar.
C’est l’histoire d’un cadre un peu pataud « Etienne Chabot de Vaudricourt de la Muzardière-Huzard, directeur marketing de la Promotex, filiale française de la multinationale Hasting » qui accepta de se faire virer pour montrer l’exemple à ses troupes. Trop peu cynique à l’époque ou les valeurs sont à l’opportunisme, notre aristocrate ne sera pas payé en retour. Il connaîtra vite la rue et la soupe chrétienne de Bonté et Charité du chanoine Jules.
La vie pour ce nouveau pauvre est dure. Ses congénères ne sont pas d’une grande gentillesse avec lui, mais le plus grave est qu’un serial killer rode.
Le pauvre nouveau est arrivé. Thierry Jonquet. Librio Noir. Vous pouvez trouver ce petit livre pour 4 euros à la Fnac.