Le procès des « vrais-faux » dinars de Bahreïn a débuté à Paris le 16 janvier prochain. En toute discrétion, comme la diplomatie française l’affectionne. Dans le dossier, figure une jolie pièce qui implique le président tchadien Idriss Déby : un chèque de 4,5 millions de dollars et des broutilles dont Bakchich se fait un plaisir de raconter l’épopée.
Vite fait, bien fait et pas mouillé. Le tribunal correctionnel de Paris n’aura eu besoin que d’une après-midi pour se délester de l’affaire des faux-dinars. Et, au nom de son incompétence, a renvoyé le dossier en assises. Une ô combien prudente et très jésuite décision. L’un des principaux acteurs de l’affaire, le marocain Hicham Mandari a été assassiné en 2004. Quant à Hassan Fadoul, principal témoin aux passeports multiples, il n’a pas obtenu de visa pour entrer en France, et voici son périple.
C’est l’histoire d’un monsieur répondant au doux nom d’Hassan Fadoul Kittir. Ancien conseiller spécial du président tchadien Idriss Déby, H. Fadoul a un petit problème. Il est mis en examen en France dans la célèbre affaire des « vrais-faux » dinars de Bahreïn qui porte sur 360 millions de dollars, dont le procès débute à Paris le 16 janvier. H. Fadoul clame qu’il veut se rendre à Paname pour expliquer de vive voix qu’il n’était qu’un simple exécutant aux ordres de Déby comme il l’a déjà dit à la justice française qui l’a remis en liberté en 1998.
Hélas, notre glorieuse diplomatie française ne l’entend pas de cette oreille. A quatre jours du début du procès, elle refuse toujours de délivrer un visa qui permettrait au sieur Fadoul de fouler le sol français. Certes tout peut se débloquer à la dernière minute mais on peut légitimement en douter : cela fait plus d’un an qu’Hassan Fadoul fait le siège de l’ambassade de France du pays africain où il s’est réfugié après ses déboires avec Idriss Déby. A tout hasard, la France ne voudrait-elle pas que l’« ami » Déby se retrouve dans la mouise ou se mette à baver pour se sortir de cette sale affaire pour laquelle Jacques Chirac lui a remonté les bretelles ?
C’est vrai que le sieur Fadoul, qui n’a jamais changé de version tout le long des huit années d’instruction, accuse Déby d’être le commanditaire de l’affaire des « vrais-faux » dinars de Bahreïn [1] et possède quelques preuves sonnantes et trébuchantes au moins de son implication.
L’affaire des « vrais-faux dinars » de Bahreïn éclate en juin 1998 avec l’arrestation d’une bande de pieds nickelés en possession de l’équivalent de 50 millions de francs en dinars de Bahreïn. Quelques jours plus tôt, un Marocain du nom d’Hicham Mandari, exécuté d’une balle dans la tête en 2004, avait changé pour 22 millions de francs. Les enquêteurs, alertés par l’Emirat de Bahreïn, remontent dare-dare à un certain Mwamba qui a fait imprimer les billets par une imprimerie argentine, la Ciccone Calcografica. L’homme semble être le cerveau de cette vaste embrouille qui mouille des Français, des Belges, un Marocain, des Bahreïnis, des Tchadiens, des Argentins et on en passe. Cela dit avec un Mandari assassiné, un Mwamba évaporé dans la nature et un Fadoul indésirable en France, ce n’est que le menu fretin qui sera dans le box des accusés le 16 janvier.
Entre autres un chèque de 4,5 millions de dollars au nom de Déby en personne (une coupure qui est passé de main en main aux tribunal le 16 janvier et reporduite ci-dessous). L’histoire de cet inoubliable document vaut son pesant d’or. Selon Hassan Fadoul, Idriss Déby a récupéré environ 120 millions de « vrais-faux » dinars imprimés en Argentine. Les Tchadiens auraient alors tenté de les changer à plusieurs reprises, dont une fois à Kano au Nigeria, via Hassan Fadoul. Le changeur, M. Mohammed, aurait alors décrété ne pas avoir la contrepartie en devises, soit 4,5 millions de dollars et des broutilles. Il propose par contre d’émettre un chèque sur son compte à la Barclays Bank, dans une ville britannique, au nom d’Idriss Déby.
Après avoir hésité, Fadoul accepte et rapporte sa friandise au président. Celui-ci s’empresse alors de l’encaisser auprès de la Banque de Développement Tchadienne et de récupérer illico le montant en espèces. Horrifiée, celle-ci ne découvrira que bien plus tard que le compte du changeur était vide et a dû faire combler le trou en catastrophe par une puissance « amie » afin d’éviter la banqueroute. Y a pas de justice !
[1] Cher lecteur, vous prendrez soin de noter que l’avocat d’Idriss Déby, maître Jacques Vergès, a catégoriquement contesté dès 2001 la version d’Hassan Fadoul, estimant que ce dernier a profité de son poste de conseiller spécial pour agir à son compte. A l’appui de ces insertions le président Déby prétend détenir une cassette confirmant ces allégations sans pour autant jamais l’avoir produite en dépit des demandes réitérées de la défense de Fadoul