Coup de théâtre à Marignane : après le démantèlement en 2008 de la très polémique stèle érigée par des nostalgiques de l’OAS, le Conseil Municipal de la commune s’apprête à délibérer… afin de la ressusciter.
« C’est la même stèle, remise au même endroit ! Seules trois dates sont enlevées et remplacées par une inscription. ». Jean-François Collin, le président de l’Amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Algérie français (Adimad), ne cache pas sa joie.
Son association, outre l’organisation de manifestations publiques et de messes en l’honneur des morts pour l’Algérie française, est celle qui édifie où elle le peut en France des monuments, stèles et plaques commémoratives pour glorifier l’OAS.
Érigée en 2005 après l’arrêté municipal de l’ancien maire Daniel Simonpieri [1], ex-FN ex-MNR et désormais conseiller général UMP, une stèle dédiée aux « Aux combattants tombés pour que vive l’Algérie Française » avait suscité une vive polémique, interrompue durant l’été 2008.
Après un long démêlé judiciaire, le cénotaphe occupant six mètres carrés dans le cimetière Saint Laurent avait été démonté, puis déplacé dans un entrepôt municipal le 18 novembre, à 1 heure du matin, afin d’éviter que les militants de l’ADIMAD, arrivés cinq heures plus tard, ne perturbent la manœuvre.
« Un gros électorat de Français d’Algérie a été traumatisé par le choix du maire actuel, Éric Le Dissès, de démanteler nuitamment cette stèle, alors qu’il pouvait ne pas la démonter, commente Jean-François Collin, également ancien conseiller municipal FN de Hyères (83). Compte tenu de son électorat et des résultats des régionales, il comprend maintenant sa faute. Aujourd’hui, il cherche à la réparer. Pour rappel, au premier tour des élections régionales à Marignane, le FN a réalisé 33,22% et la Ligue du Sud, emmenée par Jacques Bompard, 4,56%. Soit près de 38% cumulé pour les deux formations d’extrême-droite, un des meilleurs résultats de France. Je pense que cela a dû lui épanouir le psychique, rajoute Jean-François Collin. À la veille des cantonales, il n’est pas impossible qu’il y ait des idées électoralistes derrière. ».
Alors que la convention entre la mairie de Marignane et le président de l’Adimad (voir document ci-dessous) a déjà été signée et devait être votée mercredi soir 27 octobre, Chistiane Azam, responsable locale du MRAP et conseillère d’opposition de gauche, évoque son très haut degré de concertation citoyenne : « Nous avons découvert l’existence de la convention en recevant l’ordre du jour, qui n’est arrivé que samedi 23 octobre, respectant tout juste le minimum légal des 5 jours. » Depuis, Éric Le Dissès a déserté sa mairie, et selon l’un de ses collaborateurs « ne sera pas joignable avant le conseil municipal ».
Qu’importe, Jean-François Gavoury, qui avait obtenu justice contre la stèle en 2008, ne l’attend pas pour réagir : « L’installation de la stèle a été à l’origine de plusieurs contentieux dont le Conseil d’État est à présent saisi, par voie de recours en cassation, explique le fils du commissaire central d’Alger Roger Gavoury, assassiné en 1961 par des activistes de l’OAS. Pour régler avant 2011 la situation créée par le démantèlement, ordonné par le tribunal administratif de Marseille, la mairie de Marignane et l’Adimad ont élaboré cette convention. »
Son adversaire Jean-François Collin ne le contredit d’ailleurs pas, en précisant : « C’est Éric Le Dissès qui nous a contactés, parce qu’il a souhaité aller plus vite que la justice. ». Afin de passer entre les mailles des filets tendus lors des précédents jugements par le TA de Marseille, ainsi que dans l’arrêt de sa Cour administrative d’appel, la nouvelle stèle sera expurgée des trois dates d’exécution de Bastien-Thiry, Degueldre, Dovecar et Piegts, tous fusillés pour leurs faits d’armes OAS.
Mais Jean-François Gavoury, également animateur de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (Anpromevo), rappelle que « La convention fait clairement apparaître l’objet partisan de ce cénotaphe faussement nouveau, puisqu’il conserve même la représentation en bronze d’un condamné à mort s’effondrant sous le feu du peloton d’exécution, ce qui évoque sans ambiguïté les conditions dans lesquelles les quatre figures emblématiques de l’OAS ont trouvé la mort ».
La polémique relancée, les échauffourées pourraient débuter dès jeudi soir, à 18h, puisque d’ores et déjà, l’Adimad a appelé à manifester devant la salle du conseil municipal de Marignane afin de soutenir Éric Le Dissès. Pour leur faire barrage, l’Association nationale des pieds-noirs progressistes et leurs amis (ANPNPA), ainsi que le MRAP et le Parti communiste, seront également de la partie. S’apprête-t-on à revivre les vives tensions de l’avant-première du film "Hors-la-loi" à Marseille ? À deux ans du cinquantenaire de l’indépendance algérienne, la guerre des mémoires n’a jamais été aussi virulente.
[1] Décision prise sans consultation de son conseil municipal de l’époque.
Personnellement, je ne sais pas dans quel camp j’aurais été si j’avais vécu à cette époque donc je ne me permets de juger personne.
Une chose cependant me trouble. Comme d’habitude, ceux qui ont perdu la guerre (quel qu’elle soit) n’ont pas le droit de s’exprimer ou de rappeler leur combat. C’est ce qu’on appelle le justice des vainqueurs….
Si l’Algérie était resté française, ces gens seraient des héros ou des martyres … et les membres du FLN n’auraient pas droit à la parole …
Peut-être qu’un jour, le genre humain atteindra un degré d’évolution qui lui permettra de ne pas bâillonner le vaincu au nom de la gloire du vainqueur …