Le PS marseillais de Jean-Noël Guérini, tout puissant depuis sa conquête de la communauté d’agglomération, craint de devoir abandonner son beau joujou. La faute à une décision du tribunal administratif.
Petit à petit, l’automne gagne Marseille. Comme un signe, la défaite de l’OM contre le PSG a rafraîchi d’un coup le climat sur la plus belle ville du monde et une pluie drue a accompagné le réveil des Marseillais.
En vent arrière depuis les élections municipales, malgré une courte défaite, les socialistes marseillais craignent aussi le gros temps. Défaits de justesse (et de deux sièges) aux dernières municipales, réussissant une flibusterie de premier ordre pour rafler la CUM (Communauté urbaine de Marseille), quand ils y étaient en large minorité, les roses locaux, déjà détenteurs du Conseil Général, trônent sur un énorme magot. Conjugués les moyens, la zone d’action et les subventions des deux administrations [1] dépassent largement la puissance du seul conseil municipal [2]. Et son influence. De là à faire des socialistes les vrais maîtres de la ville, il y a un tout petit pas.
Las, un petit grain de sable s’est glissé dans la belle mécanique mise en place par Jean-Noël Guérini, le patron du PS local, président du Conseil général et candidat malheureux à la mairie, le 2 octobre dernier.
Si tous les recours déposés par la gauche sitôt le scrutin municipal achevé ont été déboutés (voir encadré), l’élection de Sylvie Andrieux dans le 7e secteur (13e et 14e arrondissement) a bien été invalidée par le tribunal administratif.
Vainqueur le 16 mars dernier avec 54,06% des voix dans une triangulaire qui l’a vu affronter l’UMP et le FN, Andrieux n’a guère de souci à se faire quant à un éventuel nouveau scrutin. En revanche, l’invalidation du vote, par un savant jeu de domino, risque de chambouler la donne à la Communauté urbaine. Qui dit nouvelle élection municipale, dit nouvel envoi de conseiller à la communauté d’agglo, et donc nouvelle élection du président de Marseille Provence Métropole (MPM).
Le 18 avril dernier, le brave Eugène Caselli, Premier secrétaire de la fédé socialiste des Bouches-du-Rhône et aimable porte-serviette de Guérini, est porté à la tête de MPM. Sur un gros malentendu, mâtiné d’habile tractation de Jean-Nono et du vieux ressentiment qui unit Lou Ravi de la droite marseillaise Renaud Muselier, promis au poste, au vieux sénateur maire Jean-Claude Gaudin. Quoiqu’ultra-majoritaire au conseil, (88 élus sur 157), la droite n’emporte pas le morceau…
« Mais ce qu’a fait Guérini une fois, pourra-t-il le rééditer ? », s’inquiète l’entourage de Jean-Nono. Pas évident. Avec la perte de la Communauté urbaine de Marseille, tout un pan de la domination socialiste sur la ville, et accessoirement un tremplin pour les prochaines municipales, s’envolerait. Voire un levier pour un putsch plus proche contre l’exécutif municipal actuel…
Plutôt que de tenter le diable, les socialistes ont ainsi décidé de jouer la montre. Et de faire appel de l’invalidation devant le Conseil d’État, appel qui sera déposé le 3 novembre. « Au pire, en cas de rejet de l’appel, on aura repoussé l’échéance d’un an », glisse-t-on dans les allées du vaisseau bleu le surnom du conseil général, épicentre du socialisme marseillais. Mefi ! À trop laisser mijoter la bouillabaisse, elle se transforme en mauvaise soupe…
Comme l’a raconté Bakchich, tous les recours déposés par la gauche, juste après les élections municipales, ont été déboutés par le tribunal administratif de Marseille. Non qu’ils étaient infondés. Mais, sur les huit secteurs, MM. Tessier, Muselier, Roatta, Rocca Serra et Gaudin ont tous droit à leur petite tape amicale du tribunal, qui reconnaît qu’ils ont « bénéficié d’un don d’une personne morale prohibé par l’article L.52-8 ». Voilà qui n’est pas bien, bande de polissons. Mais ce petit accroc a été si vite réparé – « réintégration de la somme en compte de campagne » – et « compte tenu du montant limité du don », tous les recours ont été rejetés. Et tous vont faire l’objet d’un appel a confirmé à Bakchich Me Jorge Mendes Constante, le conseil de la fédération. « Le tribunal a reconnu les fautes et répétées huit fois, sur tous les secteurs. Puisqu’il nous a donné raison sur la forme, autant pousser notre démarche au bout ».
Petit détail amusant, tant que le Conseil d’État n’aura pas définitivement statué, les élections ne seront pas réputées définitives. Et la loi sur le cumul des mandats, pas applicable. Les cumulards ont ainsi tout loisir d’acérer leur réflexion quant au siège, et à l’indemnité, auquel ils devront renoncer. Au premier rang desquels Jean-Noël Guérini à la fois sénateur, président du Conseil général et conseiller municipal…
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