Le voyageur pascal qui a pris le TGV a pu apprécier le bilan du patron de la SNCF, Guillaume Pepy. Avec des tarifs majorés de + 3,5 % en trois mois, la SNCF ne connaît pas la crise.
Toujours aussi fortiche dans l’art de faire passer des vessies pour des wagons-citerne, le frétillant Guillaume Pepy annonçait il y a quelques semaines la mise en vente durant l’année 2009 « de 700 000 places de TGV à prix réduits de plus que par rapport à 2008 ». Une façon pour le patron-bobo de la SNCF de faire montre de sa fibre sociale, au moment où tant de gens connaissent des fins de mois difficiles. De mauvais esprits ont surtout vu à travers ces soldes une très finaude manip’ destinée à faire oublier l’exorbitant matraquage tarifaire que l’entreprise citoyenne exerce tranquillement sur le portefeuille de ses clients. Ce qui a notamment pour effet de ne plus toujours leur faire préférer le train…
On ne s’en souvient peut-être déjà plus mais depuis le 13 janvier dernier, la vieille maison a en effet augmenté en moyenne le prix de ses billets de TGV de + 3,5% ( contre environ 2 % la dernière fois). Ce qui avait fait hurler – en vain - plusieurs associations d’usagers comme 60 millions de consommateurs. Les dirigeants de la SNCF ont beau clamer sans rire que l’activité TGV est aujourd’hui « totalement concurrentielle », on connaît peu d’entreprises qui relèvent leurs prix de façon aussi puissante dans le but de prendre l’avantage sur leurs adversaires.
Chapeau en tous cas au monopole ferroviaire ! + 3,5% c’est presque trois fois plus que l’inflation, laquelle entre mars 2008 et mars 2009 a seulement frémi de + 0,7 %. Elle est d’ailleurs si faiblarde que le gouvernement en a tiré argument pour raboter au 1er mai le taux du livret A à 1,75%. Difficile donc de compter sur lui pour suivre les augmentations à grande vitesse de la SNCF et préparer les prochains ponts.
Oui mais rétorque l’entreprise, avec la tarification dynamique (Prems, dernières minutes, promos en tous genre) chacun peut pêcher sur internet le prix qui l’intéresse. Sous l’égide de Pepy, mais du ressort direct de Mireille Faugère, patronne de l’activité TGV, le sujet est en tous cas devenu très sensible. Le député UMP Hervé Mariton a prévu fin 2009 de revenir à la charge sur le manque de transparence des tarifs pratiqués par la boîte publique. Car son premier rapport publié fin 2008 sur le yield management à la sauce SNCF n’a pas eu beaucoup d’effet. Si ce n’est de faire réagir « le haut fonctionnaire en charge de la terminologie qui m’a expliqué que je devais remplacer le terme de “yield management “par celui de“ tarification en temps réel“ », ironisait-il il y a quelques semaines devant des journalistes du secteur. « La SNCF a tout de fait quelques aménagements mais elle est emmerdée. Elle refuse de publier un repère qui serait le tarif médian. Car elle aurait le plus grand mal à justifier les prix extrêmes » devine Mariton qu’on a connu plus libéral.
Quoiqu’il en soit, avec la récente hausse générale, le voyageur du TGV peut se consoler. En alimentant les caisses de la vache à lait de l’entreprise, il apporte son écot à la participation de la SNCF au plan de relance de 26 milliards d’euros de Sarko. Elle a prévu d’injecter 700 millions d’euros. Une belle opération de com’ puisqu’il s’agit en fait d’anticiper des investissements pour une bonne part déjà programmés mais qui n’étaient pas financés.
On peut parier que ce n’est pas la dernière fois que le porte-monnaie de l’usager-client risque d’être sollicité plus que de raison. Car la SNCF est gourmande et après Geodis, quelques entreprises de fret ou encore NTV, la boîte privée qui exploitera le TGV en Italie, a prévu encore pleins d’acquisitions. Du coup, douze ans après le transfert à RFF d’une très grosse partie de sa colossale dette, voici que l’endettement de la SNCF repart à la hausse. Il a bondi de 33 % en 2008 et frôle les 6 milliards d’euros. Et ce n’est pas fini, mais tout est sous contrôle rassure la SNCF.
Il n’empêche, les Cassandre craignent une tragique répétition. Après tout comme disait Louis Gallois, patron de la SNCF durant 10 ans et modèle de Pepy, « faire et défaire, ça reste toujours du chemin de fer ».
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Je peux vous certifier que le service public existe encore, je viens de l’apprendre à mes dépens. Infirmière, réquisitionnée (oui ça existe encore), pour remplacer une collègue malade, j’ai dû renoncer à ma semaine de RTT la veille de mon départ.
Mes billets SNCF (justement) ne m’ont été remboursés qu’à hauteur de 90% et je ne suis pas sûre de pouvoir récupérer les 10% auprès de mon employeur. Vive le service public !!