Le quotidien de référence célèbre, à nouveau, sa proverbiale neutralité à l’aide d’aimables correspondants.
C’est bien connu, en 1995, Le Monde n’a jamais roulé pour Balladur. De la même manière, malgré une vigilance de tous les instants, jusqu’au bout de la campagne électorale de 2007, on n’aura pu reprocher au quotidien du soir la moindre accointance « sarkozyste ». Certes, son détaché permanent aux talonnettes du candidat de l’UMP, Philippe Ridet, manifestait parfois à son égard une certaine tendresse. Certes, l’ex « journal de référence » était déjà manifestement occupé à flinguer Villepin. Et puis une « bravitude » de Royal, c’est quand même nettement plus distrayant que les dérapages lepénistes de son concurrent !
Bref, pour conclure en beauté sa campagne irréprochable, Le Monde vient de consacrer deux portraits (17 et 18 avril) de Ségo et Sarko, « vus par les correspondants à Paris des médias étrangers », en toute objectivité. Qu’on en juge.
Sarko : « À peine nommé ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy parcourt le pays dans tous les sens, avec une énergie et une constance jamais démentie. Hyper-actif mais infatigable, volubile mais refusant la langue de bois, il rêve d’être le champion d’une nouvelle manière de gouverner. Les Français sont subjugués. »
Ségo : « Oubliés les sommets où elle planait l’année dernière : quand il s’agit de politique, Ségolène n’est plus une déesse guidée par le destin. Une semaine avant le premier tour, tout indique qu’elle ne sera probablement pas le prochain président de la République. »
Sarko : « Son courage n’est pas à mettre en doute – les Français se souviennent du sang-froid du maire de Neuilly pendant la crise des enfants otages – ni sa pugnacité ni son engagement tonitruant. »
Ségo : « Son problème, c’est la politique. Ségolène Royal n’y est pas vraiment à l’aise. (…) Lorsqu’elle se trouve acculée ou clairement prise en défaut, son réflexe n’est pas de solliciter, comme il serait légitime, l’avis des experts, mais de s’en remettre à ses instincts ou à ses émotions. »
Sarko : « Bien qu’il ait grandi à Neuilly-sur-Seine, les circonstances familiales, après l’abandon du père, l’ont démarqué socialement de son milieu bourgeois. »
Ségo : « Un jour, dans un entretien écrit, elle fait une allusion aux aspects « brutaux » de son enfance ; le lendemain, à la télévision, elle refuse tout net d’évoquer le sujet. Dans ses tentatives pour présenter une personnalité compréhensive, la façon dont Ségolène Royal se dépeint à présent se résume souvent à une attitude de victimisation doublée d’une exaltation déplacée ». On s’arrête là ?
Aux cuistres qui oseront, passées les élections, remettre en cause son objectivité légendaire, Le Monde pourra ressortir sans rougir ces deux portraits équilibrés… À la virgule près !