Récit d’un OM-Sochaux vécu, une fois n’est pas coutume, depuis la tribune officielle du Vélodrome.
Lieu. Tribune de presse, Stade Vélodrome, Marseille. 25 septembre
Genre. Rite initiatique. (7é journée du championnat de Ligue 1)
Acteurs. Plus grand club du monde (OM) vs Chocho (Sochaux), M. Claude, le Mistral
Légère appréhension. Un match au Vélodrome, en tribune de presse. Une première pour Bakchich, pas toujours tendre avec le plus grand club du monde depuis sa naissance, voilà quatre ans. Affaires RLD, transferts foireux, lutte de pouvoir, départ de Pape Diouf, influence d’Acariès, incursions du Milieu dans la gestion du club. Jolie carte de visite au moment de demander une accréditation.
Coup de fil à la com’ de l’OM. "Oui, oui on connait Bakchich mais il faut demander à l’Union des journalistes sportifs français, section Provence". Bien aimable. La place gratuite n’est pas gagnée. "Vous voulez pour Sochaux ou pour toute la saison", chante au bout du fil Claude Nucera, boss de la section Provence de l’UJSF. "Bah juste le match contre Sochaux. - Ok, envoyez moi un mail et n’oubliez pas votre carte de presse, rendez vous au préfabriqué presse. - Merci à samedi".
25 septembre aux alentours de 18 heures. Scène de vie ordinaire un soir de match sur le boulevard Michelet. Maillots sortis, drapeaux aussi. Odeurs de grillades, camions pizzas, voitures garées dans l’anarchie, cadavres de bouteilles de 51. Autant de fleurs qui jalonnent la route du Stade. Dans une ville soudain figée. La cité ne vit plus que par son coeur le Vélodrome… Dans lequel Bakchich cherche sa voie.
Tribune officielle, Terra Incognita. Les stadiers d’Alba Sécurité, objet d’un article peu amène, indiquent gentiment le chemin. "La presse c’est par là bas". La carte professionnelle trouve enfin son utilité. Un sésame. Une grille puis deux. Entrée dans l’Algeco où officie Nucera. A l’angle du virage De Peretti [1] et de la tribune Jean Bouin. Souriant, le vieux journaliste connaît toutes les têtes de presse qui passe. Et offre le précieux sésame rose. Un passeport vers le 7e ciel. Enfin le 6e. Un ascenseur pour accéder aux rangs de la presse, au firmament du Vélodrome. Tapis rouge, une charmante hôtesse appuie sur le bouton. Ravissante soirée.
Cédric, le stagiaire en charge de l’accueil, a l’air un peu paumé. "Ca ne fait que deux jours que je suis là" lâche-t-il tout sourire. Des sièges rembourrés, une mini télé par place pour voir le match. Peur de déranger tant ces lieux sont sacrés. Des années à lire le Provençal et les papiers de Mario Albano, à rêver de s’assoir en ces lieux. Toucher le Graal enfin ! Et se mêler aux plumitifs qui ont déjà apprivoisé le sanctuaire. Hervé Penot de l’Equipe en profite pour chambrer le collègue du Parisien. Jean-Marc Ferreri, l’ex milieu de l’OM reconverti en commentateur pour OM TV, en profite pour analyser sur la composition du 11 marseillais. Le buffet rétrécit à mesure qu’approche la partie. Légendaire buteur, Josip Skoblar, l’Aigle Dalmate, le chasseur de but des années 70 a laissé son nom à la salle réservée aux journalistes. Et leur éternelle réputation de pique-assiette. "Sans alcool, en loges oui, en fait ici nous on fait semblant" taquine la serveuse.
A son entrée sur la pelouse, André-Pierre Gignac fait signe à la foule. Le coucou d’un gamin martégal qui n’a toujours pas réalisé que son rêve était réalité. Attaquant de l’OM. Encore rafraîchissant.
Une banderole au sud pour le supporter emprisonné Santos. Au nord pour le joueur décrié Brandao. Pas les plus fins des hommes mais Marseille s’attache aux costauds.
Le Mistral souffle le début de match. Sans doute l’architecte du stade n’a-t-il pensé qu’aux tribunes officielles, couvertes, où le vent du Rhône se fait moins sentir. Sur le terrain les feuilles volent, les résidus de confettis tourbillonnent. Taiwo veut centrer, but. Un-zéro pour l’OM et la déontologie de Bakchich n’empêche pas son journaliste, seul, de sauter de son siège…
Le temps de se rasseoir et un fantôme passe. Ibrahima Bakayoko, improbable buteau ivoirien à la maladresse légendaire, et à la cote d’amour immense… ressuscite. Gignac, seul en face du but, catapulte le ballon au-dessus des buts adverses. L’envie d’imiter l’ouvreur anglo-toulonnais Jonny Wilkinson, ou d’envoyer le ballon à un ami dans la tribune. Choix racinien.
Le soleil s’est couché. Dans le mistral les supporters n’arrêtent plus de sauter. Sochaux (prononcez chocho), victime du soir, s’amuse en grigri. Et laisse l’OM jouer et marquer. Deuxième mi-temps, but de Lucho Gonzale sur une passe de Loïc Rémy. 2-0 Deuxième moment de solitude. Débarqué de Nice avec une malformation cardiaque, l’International français a pu être aligné. On ne fend plus les coeurs à Marseille.
Le Stade gronde. Taiwo est à 20 mètres du but. Tous attendent sa frappe de mule. Trop d’attention, déstabilisation, l’arrière gauche s’emmêle les pieds dans le ballon. Une poignée de minutes s’égrènent, Gignac rate une nouvelle occasion, puis trouve la barre. Chat noir. Entre-temps, Chocho a marqué. 2-1. Sans intérêt. Même les tribunes, pourtant promptes à s’immobiliser quand elles sentent leur équipe tanguer, semblent ne pas douter. Trop froid pour ne pas continuer à chanter, à sauter, à encourager.
Victoire sans histoire. Le Mistral n’a pas cherché à dompter les Marseillais.
[1] du nom d’un supporter