A dix jours de la remise à Nicolas Sarkozy des conclusions de la commission Copé, plusieurs pistes se précisent pour l’avenir et le financement des chaînes de télévision publique, après l’arrêt de la publicité. Le président de France Télévisions, Patrick de Carolis, récemment entendu par ladite commission, a ses petites idées, et propose même de faire prendre en charge quelques dépenses par des ministères… « Bakchich » s’est procuré le compte-rendu de son audition.
L’audition du patron de France Télévisions devant la commission Copé fut l’occasion pour le président du groupe, en poste depuis 2005 et assis sur un siège plus qu’éjectable, de présenter son bilan : « virage éditorial et stratégique : renforcement de la construction du groupe par l’image (un « univers » France Télévisions, avec l’harmonisation accrue des programmes, l’engagement en faveur de la création, notamment). »
Mais les défis sont nombreux, et comme l’explique le compte-rendu de son audition devant la commission pour la télévision publique : « La structure juridique actuelle arrive au bout de ses possibilités » et « il faut en changer ».
Trois raisons à cela. Une gouvernance sociale « largement obsolète et une cinquantaine d’accords sociaux qui diffèrent d’une chaîne à l’autre. ». Une gouvernance économique organisée « en silo » qui ne « permet pas de dégager toutes les synergies nécessaires ». Et le coût de la gouvernance où l’on retrouve « autant de CA que de chaîne, autant de CE que de chaînes et pour France 3, 14 CE et 1 CCE. ». « On compte 28 CE/CCE pour les seules chaînes du groupe », révèle-t-il. Selon Patrick de Carolis, « c’est beaucoup de temps et d’énergie investis dans le fonctionnement social du groupe. ». La direction souhaiterait vivement n’avoir plus qu’une « seule instance de dialogue social ». Y a du boulot !
L’actuel président propose le « regroupement dans une seule entité juridique de l’ensemble des sociétés éditrices de programme + FTV SA (France Télévisions SA) ». Autre sujet d’inquiétude de la direction de France Télévisions, le rôle de l’État. Il existe un « problème de cohérence poursuivis par la tutelle : tour à tour régulateur du secteur audiovisuel dans son ensemble et responsable de la défense de l’intérêt social du groupe ».
Extraits du compte-rendu de l’audition
FTV ne doit pas supporter tous les coûts des missions remplies
Ainsi le coût du sous titrage d’une grande partie de ses programmes pour les sourds et malentendants doivent être pris en charge par le ministère, ou avoir été anticipé dans le budget de FT
Idem pour l’ensemble des émissions induites par le cahier des charges (immigration/intégration etc)
Parmi les missions de FTV figure celle d’offrir la plus large palette de sports à ses téléspectateurs, même si certains, comme la pétanque ou le tir à l’arc, ne font pas d’audience. On pourrait alors imaginer, qu’en compensation, l’accès au droits de diffusion sportifs pour les « grands sports à audience » (foot L1, coupes du monde, etc…) soit favorisé pour les chaînes de FTV.
Autre mission : les France 3 régions sont des « relais défense » en cas de catastrophes, pandémies etc…cela entraîne certains équipements particuliers, tout comme des formations, dont le coût pourrait revenir aux ministères concernés.
Si comme il l’a décidé, l’Etat pratique des exonérations de redevance pour des catégories de populations défavorisées, ce n’est pas à FTV d’en supporter le coût. Nous ne sommes toujours pas plus avancés sur les remboursements de ces exonérations demandés depuis une vingtaine d’années dans les rapports du sénateur de lAllier, Jean Cluzel.
Plusieurs chaînes de FTV contribuent aux programmes de TV5 et de CFI : ces coûts (ou du moins les recettes qu’elles rapportent en pub) pourraient revenir à FTV
La mise en place de la diffusion numérique sur l’ensemble de la France est une question d’aménagement du territoire. Le retard français coûte cher à FTV pour arroser les zones d’ombre. Ainsi la diffusion des programmes régionaux de F3 sur satellite ou encore la double diffusion analogique/numérique dans bon nombre de régions. A cela, deux solutions : soit l’Etat prend en charge le surcoût engendré (ex : satellite) soit il accélère l’extinction de l’analogique des zones déjà équipées en numérique, ce qui permettra à FTV de ne pas payer double tarif analogique/numérique auprès des diffuseurs comme TDF (privé), Towercast (filiale de NRJ) etc…
Mais au-delà de la réforme de la gouvernance du paquebot France Télévisions, le sujet principal reste le financement du groupe. Pour Carolis, le groupe « ne doit pas supporter tous les coûts des missions remplies » (coût du sous-titrage, émissions induites par le cahier des charges, en compensation, l’accès aux droits de diffusion pour les grands sports à audience pourrait être favorisé pour les chaînes de France Télévisions, coût de l’exonération de redevances pour les populations défavorisées…). Le sous-titrage pour les sourds et les malentendants ? Le « ministère concerné » devrait le prendre en charge, assure Carolis, sans citer le malheureux ministre à qui il espère refiler la patate chaude. L’ensemble des émissions induites par le cahier des charges immigration/intégration ? Idem, mais l’on sait déjà que c’est Brice Hortefeux qui, dans cette logique, devrait mettre la main au portefeuille (lire encadré).
France Télévisions a réalisé un résultat net de 22,2 millions d’euros en 2007 « en nette progression par rapport au budget initial », selon Patrick de Carolis qui a qualifié 2007 de « belle et très bonne année ». France Télévisions a consacré 353 millions d’euros à la création française en 2007. Le groupe a réalisé un chiffre d’affaires de 2,9 milliards d’euros (+2,6% sur 2006), le résultat net part du groupe s’élèvant à 22,2 millions en hausse de 70% par rapport à 2006.
La redevance audiovisuelle a constitué les 2/3 des ressources (1,879 milliard euros). Elle a été consacrée dans son intégralité aux grilles de programmes dont le coût a atteint 1,853 milliard d’euros. Les recettes publicitaires ont représenté 788 millions d’euros en 2007.
Enfin, Patrick de Carolis note « une convergence de pistes autour de l’augmentation du fruit de la redevance » et ajoute « qu’il semble que la redevance soit tout de même l’élément de financement pérenne le plus sûr et sur lequel les contestations diverses soient les plus faibles. ». Il regrette par ailleurs que « la commission ne parle pas plus clairement de la question de l’association entre possession d’un poste de télévision et taxation ». Mais indique-t-il, « la partie sur le financement publicitaire est une source de questions, c’est celle qui reste la piste de financement lourd la plus prometteuse. »