Alors que Sarkozy veut imposer « sa » chaîne de télé internationale, « Bakchich » ausculte France 24, la « CNN à la française » voulue par Chirac. Une chaîne ovni, s’appuyant sur TF1 alors qu’elle est à 50% publique…
Patatras. C’était le 8 janvier dernier. Lors de sa conférence de presse, Nicolas Sarkozy a refroidi en quelques phrases les ardeurs de la toute jeune France 24. Le président souhaite en effet qu’une nouvelle chaîne publique à vocation internationale appelée France Monde, regroupant dans une holding TV5 Monde, France 24 et Radio France Internationale (RFI), « soit créée cette année et qu’elle ne diffuse qu’en français ».
Pourtant depuis avril, France 24, « la CNN à la française » voulue par Jacques Chirac, diffuse ses programmes en français, et aussi… en anglais, en arabe, et bientôt en espagnol. À peine lancée, il y a un peu plus d’un an, cette chaîne « internationale » a réussi ce tour de force avec 170 journalistes seulement, ce qui peut expliquer certaines concessions quant à la qualité de l’information (nombreux plateaux et interviews, peu de reportages avec des équipes de la chaîne). Récemment, des diplomates ont déploré « la piètre qualité » des programmes du canal arabe (voir article Bakchich). Bref, une info « low cost » qui coûte tout de même 80 millions d’euros environ par an aux contribuables français [1], qui ne peuvent même pas regarder la chaîne sur la TNT [2]. Au moins, Christine Ockrent, elle, s’en satisfait : la journaliste gagne grâce à France 24 la somme rondelette de 120 000 euros par an pour un modeste billet hebdomadaire…
Il faut dire que le président de la chaîne, Alain de Pouzilhac, aime le prestige. Ce proche de Jacques Chirac, ancien patron d’Havas, n’a pas ménagé sa peine pour valoriser sa chaîne, multipliant durant l’année passée les déclarations dans la presse, achetant dans le même temps fort cher de pleines pages de publicités dans les journaux. Alors que France 24 se rend compte de la difficulté à signer des contrats de distribution un peu partout dans le monde, son président préfère communiquer sur les chiffres de satisfaction d’enquêtes d’opinion qu’il a lui-même commandées. Ces derniers mois, ce fin communiquant a multiplié les œillades à l’égard du nouveau président, Nicolas Sarkozy. Des efforts qui n’auront, semble-t-il, servi à rien.
Dès janvier de l’année dernière, l’idée d’une fusion entre RFI et France 24 est notamment émise par la commission parlementaire présidée par le député François Rochebloine. Durant toute l’année 2007, on a aussi pu voir Antoine Schwartz, le PDG de RFI, proposer à maintes reprises une mutualisation des rédactions entre la radio publique et France 24, afin surtout de rassurer ses journalistes inquiets devant la diminution des budgets, mise sur le compte de la création de la nouvelle chaîne.
De son côté, Alain de Pouzilhac n’envisage nullement une telle perspective, comme il l’explique à Libération le 3 avril dernier : « Décréter d’un coup que la meilleure complémentarité, en 2007, c’est entre une radio et une télé, c’est aussi stupide que de dire que la meilleure complémentarité, c’est entre Ribéry et Zidane ! Aujourd’hui, la complémentarité, c’est le média plus Internet, pas un modèle bâti il y a cinquante ans, comme celui de la BBC ». C’est clair.
Tant d’agitations s’expliquaient alors par le débat au sein de la campagne présidentielle, dans lequel tous les candidats envisageaient très clairement une clarification des missions des différents acteurs. Car si l’arrivée de France 24 fin 2006 déstabilise autant l’ensemble disparate qu’est l’audiovisuel extérieur public [3], c’est qu’au moment de la réflexion sur cette « CNN à la française », le gouvernement Raffarin prend une décision pour le moins originale : faire appel à TF1. Comme le souligne aujourd’hui un des responsables à l’origine du projet France 24, cette décision constitue « le péché originel autour de cette chaîne ».
D’autant que, selon tous les proches du dossier, le groupe privé n’a aucun intérêt industriel à commencer l’aventure, à la fois parce que l’information internationale n’est pas rentable, et parce que Patrick Le Lay, son PDG, craint que la nouvelle chaîne puisse concurrencer d’une manière ou d’une autre la propre chaîne d’information continue du groupe Bouygues, LCI. D’où, au final, le veto de TF1 concernant la diffusion de France 24 sur la TNT et l’ADSL. « Pour TF1, il s’agissait simplement de faire plaisir à Chirac », explique aujourd’hui un responsable de France Télévisions. Et tout le monde s’accorde à dire désormais qu’à plus ou moins long terme, le groupe privé se désengagera de France 24, en négociant bien sûr son départ.
Alors pourquoi TF1 se retrouve embarquée dans cette galère ? C’est tout simple : le gouvernement Raffarin ne voulait pas négocier avec les syndicats de RFI et de TV5, et souhaitait diminuer l’influence de ceux de France-Télévisions, alors que le projet d’une chaîne « tout info » nécessite la mise en place d’une organisation du travail largement flexible. Aujourd’hui, à l’évocation d’une fusion avec RFI, Agnès Levallois, directrice adjointe de France 24, et ancienne directrice de l’information de RMC-Moyen-Orient (groupe RFI), en est bien consciente. Elle préfère user d’un euphémisme en notant « la différence de culture d’entreprise ».
De son côté, un ancien de l’audiovisuel public extérieur analyse : « En imposant ce partenariat avec le privé, les pouvoirs publics de l’époque ont voulu créer une chaîne internationale « tout info » en contournant la question de la convention collective de l’audiovisuel public non adaptée pour un tel projet. Résultat, France 24 a été crée, très bien, mais si l’on prend en compte l’ensemble de l’audiovisuel extérieur on continue de perdre du temps, et de gaspiller l’argent public en l’éparpillant ».
Sans compter que si la chaîne voulue par Jacques Chirac s’est finalement montée en très peu de mois – alors que beaucoup d’observateurs ne croyaient pas au projet –, les synergies avec l’audiovisuel public n’ont jamais été privilégiées alors même que le groupe France Télévisions est actionnaire à 50 % de la chaîne. Pas très étonnant. Car, de fait, le lancement de France 24 en moins d’un an n’a pu être assuré que par la mobilisation des « boys » d’Eurosport, filiale à 100% de TF1. C’est d’abord eux qui ont préparé le management de la future chaîne internationale. Ce qui explique d’ailleurs que le siège de France 24 se situe juste en face de celui d’Eurosport, à Issy-les-Moulineaux. Et si le groupe TF1 ne croyait pas au projet, ses cadres zélés n’ont pas seulement imposé la non diffusion de la chaîne en France, ils ont logiquement préservé leurs intérêts. Car à TF1, il n’y a jamais de petits profits.
Résultat, au moment de la création la chaîne internationale, la direction de France Télévisions (pourtant le deuxième actionnaire à 50%) s’est retrouvée devant le fait accompli à plusieurs reprises, notamment en étant informée au dernier moment de contrats entre France 24 et différents prestataires privés. Faut-il le rappeler, avec de l’argent public à 100%. Ainsi, Eurosport a conclu, selon plusieurs sources, un contrat de prestation de service (et non de revente de droit) d’un montant de 1 million d’euros avec la chaîne internationale. Si Eurosport confirme l’existence d’un tel contrat, la chaîne se refuse à tous commentaires sur le montant effectif de la transaction et précise que celle-ci « concerne la livraison de plus de 832 modules d’information sportive de quelques minutes en anglais et en français ». Pour la partie magazine de son antenne, France 24 travaille également avec Maximal Productions de Jérôme Bellay.
Et bien sûr, dans tout ce négoce, personne n’osa parler du « projet éditorial » - oh le vilain mot - de la nouvelle chaîne. D’où la décision de mettre en avant Internet et de multiplier les diffusions en langues étrangères dans un temps record pour faire valoir la « spécificité » de France 24, car au niveau du contenu, la grande majorité des images diffusées proviennent des grandes agences internationales (APTN, Reuters…), qui fournissent déjà l’ensemble des chaînes d’information.
Voilà pourquoi à France 24, alors que la question de la réorganisation de l’audiovisuel public extérieur se pose de nouveau, on fait valoir que la chaîne s’est développée sur ses propres énergies. À France Télévisions, où une partie des forces vives de l’entreprise s’était mobilisée précédemment autour du projet d’une chaîne internationale, on garde tout de même le mince espoir de réorganiser l’audiovisuel extérieur public autour d’une filiale internationale, en soulignant le peu de souplesse qu’offrent les supports multinationaux tels que TV5 ou Euronews. D’autant que les partenaires étrangers de TV5 (Québec, Belgique, Suisse), se sont tous opposés au projet « France Monde » de Nicolas Sarkozy.
À RFI, on met en avant le savoir-faire historique de la rédaction, et les potentialités du réseau de correspondants. Une chose est sûre : les budgets alloués par l’état à l’audiovisuel extérieur public, et donc à la prochaine holding « France Monde » ne risquent pas d’augmenter.
Au profit de qui ? Peut-être de l’un des candidats à la direction de ce nouvel ensemble. Quatre sont en lice : Pierre Lescure, qui serait soutenu par George Marc Benamou ; Alain de Pouzilhac, jugé selon Le Point comme un « bon candidat » au ministère de la culture et de la communication ; Pierre Louette, le président de l’AFP ; et Emmanuel Hoog, celui de l’INA.
En tout cas, c’est promis, après le bébé Chirac, Sarko aura le sien, malgré un joyeux bordel en perspective…
[1] Correspondant à une dotation publique garantie jusqu’en 2010. Pour 2008, la chaîne recevra ainsi 88,5 millions d’euros. À noter, les crédits de la chaîne dépendent directement des services de Matignon, et non du ministère des Affaires Étrangères.
[2] Décision prise suite à l’intense activité de lobbying du groupe TF1, deuxième actionnaire à 50% de France 24 avec France-Télévisions. L’ancien président de TF1ne voulait pas que la création de France 24 puisse faire de l’ombre à LCI.
[3] À TV5 Monde, une nouvelle grille réduit la diffusion des journaux de la rédaction sur l’Europe, l’Afrique et l’Orient. Depuis décembre dernier, le torchon brûle entre la direction et les salariés : le PDG de la chaîne, François Bonnemain, a même été visé par une motion de défiance. À RFI, l’inquiétude est également palpable. Il faut dire que les budgets de la radio publique sont en baisse. C’est pourquoi, pendant plusieurs semaines, le PDG Antoine Schwarz proposa une mutualisation des rédactions entre la radio publique et France 24, reprenant l’idée du rapport parlementaire de François Rochebloine.
A t-il demander la permission au propriétaire du nom ?
Il fera joujou avec France 24 s’il veut, mais pas avec France Monde.Avant de souhaiter quoi que ce soit avec cette denomination
Il y aura bien un France Monde, au prochain quinquenat. Les propriétaires du nom vont répondre a l’arrogance du retraité de luxe (De Pouzilhac) par l’arrogance.
« Notre politique audiovisuelle extérieure constitue un enjeu majeur pour l’influence de la France et pour la diffusion de sa langue », écrivait Nicolas Sarkozy, début août, dans une lettre de mission à Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et à Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Depuis, un comité de pilotage travaille sur cette réforme s’acheminant vers la création d’une holding qui regrouperait Radio France Internationale (RFI) et TV5 Monde autour de France 24. Cette évolution nous paraît symptomatique d’une absence de stratégie très française qui n’a guère progressé depuis la Guerre des Gaules. Magistralement observée par César, celle-ci peut se résumer à trois grands principes :
1) on commence par réunir les chefs de tribu pour essayer de mettre sur pied une coalition ;
2) les chefs se bagarrent pour savoir qui sera le grand chef ;
3) on fait l’inventaire des forces et des moyens tactiques avant de monter en ligne.
Comme à chaque fois, c’est en pleine mêlée qu’on improvise une stratégie. Trop tard ! On a perdu la bataille d’Alésia. Ne perdons pas la bataille de l’audiovisuel extérieur !
Voulue par Jacques Chirac pour en faire une « CNN à la française » et conçue à la hâte par ses amis, France 24 est une jeune chaîne de télévision qui n’a pas encore réussi à franchir le seuil minimal nécessaire à Médiamétrie pour établir son audience réelle. Ses chefs communicants revendiquent « 80 millions de foyers impactés »1 le double de l’audience de RFI pour un budget inférieur de près de moitié. Affabulation pure ! Mais la question n’est pas là.
Après avoir cannibalisé le réseau des correspondants étrangers de RFI, faisant fi de toute démarche d’interactivité avec la radio mondiale, ces mêmes chefs de France 24 ne rêvent que de mettre la main sur le réseau de diffusion de TV5, le deuxième au monde. Ils ambitionnent aussi de diriger le portail internet de la future holding en récupérant le pôle multimédia de RFI (reconnaissons cependant à la décharge de France 24 que la direction de RFI n’a pas su proposer les solutions de complémentarités adaptées). En fait, France 24, à qui pourtant il reste tout à prouver, n’affiche malheureusement pas sa volonté de conduire avec ses « partenaires naturels » la bataille du contenu, celle de l’excellence française en matière d’actualité internationale. Depuis sa création « Télé-Chirac », telle qu’elle est qualifiée à l’étranger, a refusé toute synergie avec les autres composantes de l’audiovisuel extérieur préférant opter pour le mercenariat de l’information : journalistes sans statut ni convention collective et absence d’éthique. Elle incite même ses correspondants privilégiés à se transformer en petits patrons de société de production privée pour éviter de payer charges sociales et droits d’auteurs.
Dans ces conditions, comment prétendre ajuster le statut juridique de la future holding à celui de France 24 ? Et pourquoi vouloir mettre la jeune chaîne au cœur du jeu sinon pour « externaliser », sinon pour privatiser RFI et TV5 Monde ; sinon pour concrétiser la volonté, à peine voilée, des gouvernements successifs de détruire les conventions collectives de l’audiovisuel public extérieur. Accusées de couvrir archaïsmes et privilèges, celles-ci doivent – certes - être modernisées et mieux adaptées à l’évolution des métiers. Mais elles continuent à garantir les statuts juridiques et -en tout premier lieu- déontologiques des journalistes, personnels techniques et administratifs de l’audiovisuel public extérieur. Sur ce terrain, il est de la responsabilité des pouvoirs publics et des présidents de ces sociétés de dénoncer ces conventions pour les faire évoluer. Or, durant ces 25 dernières années, ils se sont refusés à ouvrir, avec les partenaires sociaux, une dynamique globale de réforme et de modernisation.
Pourtant les volontés réformatrices existent. Nombreux sont les partenaires à considérer que cette réforme est absolument nécessaire. C’est le cas de la CFDT-RFI qui, en son temps, fut l’agent principal de la transformation de l’héritier du poste colonial en radio d’information continue. La CFDT-RFI réclame vainement depuis 2003 à sa nouvelle direction d’anticiper les besoins des auditeurs et de favoriser l’évolution d’une information internationale multimédia. Pour rompre avec le syndrome d’Alésia, ce même partenaire propose depuis quatre ans trois objectifs stratégiques :
1) Le contenu et l’expertise de l’information internationale à la française :
La question du contenu est originelle et fondatrice. L’excellence française en la matière n’est plus à démontrer. La « French Touch » pour reprendre et faut-il le rappeler l’expression de Jean-Paul Cluzel qui dirigea RFI entre 1996 et 2003 s’inscrit dans l’héritage des Lumières : une information pluraliste, critique sinon contradictoire conforme à la démocratie et aux droits de l’homme. Le philosophe allemand, héritier des Lumières européennes, Jürgen Habermas écrit : « les auditeurs et spectateurs ne sont pas seulement des consommateurs, et donc des utilisateurs du marché ; ils sont aussi des citoyens jouissant d’un droit de participation culturelle, d’accès à l’événement politique et de participation à la formation de l’opinion »2.
C’est pour n’avoir pas inscrit ces fondamentaux au cœur de son projet éditorial que la jeune France 24 rencontre le plus grand mal à s’imposer comme un vrai vecteur de « French Touch ». Un exemple parmi tant d’autres, lors de son dernier voyage surprise à Bagdad le président américain fait un discours depuis la Zone verte. Celui-ci est retransmis en direct par France 24. Aucune analyse, aucun commentaire, aucune distance ne vient marquer la moindre différence avec CNN. A l’inverse, le discours pourtant fondateur de Nicolas Sarkozy au Salon du Bourget sur la défense des filières industrielles et aéronautiques ne trouve aucun écho sur cette même chaîne alors qu’il est repris par TV5 et RFI, accompagné de cadrages et commentaires. France 24 possède une rédaction de très jeunes journalistes tout juste sortis de l’école encadrés par des « hommes » dont l’expertise internationale ne constitue pas le cœur de métier. Cette absence criante de choix éditoriaux vire souvent à la caricature, notamment sur les grandes crises internationales.
Diffuser de l’information brute en temps réel est aisé. Diaboliser aussi. Raconter, déchiffrer, et expliquer est une autre affaire.
Ce même oubli de la priorité du contenu s’adresse aussi à RFI, pour des raisons différentes.
Depuis 2003, cette société a perdu beaucoup en expertise, non pas par une fuite de ses compétences, mais parce que celles-ci ne sont pas utilisées à bon escient. Aux erreurs grossières de management s’ajoutent la montée d’un encadrement coopté, issu majoritairement des services de politique intérieure ; encadrement dont les préoccupations ne sont pas toujours au plus près d’une lecture française de l’actualité internationale.
Sur ce front du contenu, TV5 Monde a conquis ses lettres de noblesse durant la deuxième guerre d’Irak en produisant des journaux pertinents à partir d’une mise en images des faits et de commentaires diversifiés. Seule télévision au monde à proposer – grâce à la convention qui la lie à ses partenaires suisses, belges et canadiens - des éclairages différents dans la même langue, TV5 Monde s’est imposé comme le vecteur irremplaçable d’une « francophonie politique qui permet de penser et de valoriser la diversité culturelle »3. Dans cette perspective, la chaîne sous-titre ses programmes dans les langues des pays de diffusion. Pour sa part, RFI a su, depuis longtemps apporter une information pluraliste dans 19 langues étrangères. Dès 1996, son président a lancé la réflexion sur la création d’un pôle extérieur intégré s’appuyant sur l’excellence des deux sociétés RFI et TV5 Monde. A l’époque, il était aussi question de mettre à contribution le savoir-faire d’Euro News. Installée à Lyon, cette chaîne internationale qui n’est pas associée à la réflexion actuelle risque à terme de déménager à l’étranger. Dommage !
Pourquoi sacrifier autant de valeurs ajoutées aux seules exigences de diffusion d’une France 24, improbable « CNN à la française » qui ne sera jamais rentable et coutera toujours de l’argent au contribuable ?
2) Les besoins des auditeurs et la hiérarchisation des bassins d’audience :
Plutôt que de continuer à concevoir cette réforme dans la fébrilité panique des états-majors parisiens une deuxième question se pose : quelle est la demande et comment évoluera-t-elle dans les quinze ans à venir ? Plutôt que de céder à la dictature de l’éphémère, notre ambition n’est-elle pas de formaliser les besoins et les attentes des auditeurs quant aux grands dossiers internationaux, non seulement en matière géopolitique, économique mais aussi environnementale et culturelle ?
Nous partageons, sans allégeance partisane, l’ambition présidentielle visant à promouvoir l’influence de la France. Faudrait-il encore fixer les priorités de cette belle ambition. Nous proposons cinq chantiers :
Intensifier les partenariats européens et développer une véritable dynamique euro-méditerranéenne qui rompe avec le contexte du « choc des civilisations ». Consolider l’audience en Afrique et développer notre présence, y compris en Afrique anglophone. Accroître de manière substantielle notre présence et notre expertise aux Proche et Moyen Orient pour anticiper les évolutions du monde arabo-islamique. Accompagner les mutations des mondes Hispaniques. Anticiper les nouvelles frontières de la Chine. Porter le message de la France en anglais, la langue de communication internationale.
Dans ce contexte, si le tout internet barre l’horizon des quinze ans à venir, il ne saurait, seul, correspondre aujourd’hui à la spécificité de tous les bassins d’audience. Rappelons que seul un Africain sur dix a aujourd’hui accès à l’électricité, que la plupart des régimes des Proche et Moyen Orient, d’Asie, sans même parler de la Chine, contrôlent plus efficacement les accès Internet que les réseaux hertziens et satellitaires. Encore une fois : il ne suffit pas de bâcler un « Multimédia extérieur » ne s’attachant qu’à l’outil, pour répondre aux vrais enjeux de la réforme. En commençant ainsi par les structures, les tuyaux de diffusion puis la nature juridique de sa future holding, la réforme en cours nous mène droit vers un nouvel Alésia.
3) A ces deux problématiques originelles s’ajoute la question des moyens, car toute réforme a un coût. Si l’ambition de constituer un pôle d’excellence de l’audiovisuel extérieur est bien réelle et qu’il ne s’agit pas, comme on peut légitimement le craindre, de céder à la tentation d’un Etat rêvant de se démettre de ses responsabilités régaliennes en les sous-traitants ; cette ambition nécessite l’adoption d’une véritable loi de programmation. Et pourquoi-pas, adopter la culture de « résultat ». Nous ne sommes pas contre, bien au contraire !
Comme pour la défense et la sécurité, il s’agit de mettre en chantier un Livre blanc présidant à cette loi de programmation.
Comme pour la défense et la sécurité, il s’agit d’associer – en responsabilité – l’ensemble des partenaires et leurs personnels pour rompre avec la guerre des chefs et le syndrome d’Alésia.
Cette ambition ne relève pas d’un pur exercice de communication. A RFI et TV5 Monde les compétences et l’expertise existent. La réflexion sur un pôle audiovisuel extérieur intégré est engagée depuis longtemps. La CFDT-RFI travaille sur ce dossier depuis 1996 et n’a pas attendu la création de France 24, ni les communications polémiques de son président pour ouvrir ce chantier.
La CFDT de RFI Radio France Internationale
Le fond du problème c’est surtout l’absence complète de ligne éditoriale…
En anglais, la BBC World et Al Jazeera sont incomparablement mieux, et la plus faible qualité de F24 n’est absolument pas compensée par un "point de vue" différent qui pourrait intéresser le public.
En arabe, Al Jazeera est sans comparaison.
En français, le journal d’ARTE (dispo sur le satellite), ou ceux de Québec, Belgique et F2 (sur satellite via TV5) sont nettement mieux, et si on veut de l’info en continu Euronews ou LCI sont là (toujours sur le satellite).
Résultat : F24 on ne regarde pas, ça ne sert à rien.
(et à l’ère Sarkozy, les médias étrangers sont autrement plus intéressants que les nôtres pour rendre compte des agissements du petit agité)