Après deux ans passés à Canal +, l’intervieweuse que le monde nous envie retourne à TF1, sa première famille, non sans avoir habilement évité la purge qui a frappé l’équipe Le Lay/Mougeotte. Laurence Ferrari passe son grand oral ce soir à 20h. Retour sur une nomination très médiatique destinée à stopper l’érosion de l’audimat de la grand messe du 20h, et à remettre à leur place les chaînes de la TNT.
Depuis l’annonce, courant juin, de l’arrivée de Laurence Ferrari à la présentation du 20h de TF1 à la place de PPDA, le plan communication fonctionne à plein régime. La blonde hitchcockienne a multiplié les interviews durant l’été pour parler un peu de journalisme et beaucoup d’elle. Femme Actuelle, Psychologies, Elle, Télé Magazine, TV magazine, Télé loisirs, Paris-Match, l’Express, le JDD, Aujourd’hui en France, et ce n’est pas fini… TF1 a même produit un teaser du JT présentant les coulisses des essais de l’animatrice… Rebelotte ce matin sur Europe 1 (et non pas chez RTL dont elle vient !) chez Marc-Olivier Fogiel. Un échange de bons procédés. Elle se raconte, explique sa démarche, vend la marque Ferrari. Les magazines, eux, ne se font pas prier pour lui offrir leur couverture. Car la belle fait vendre. Elle vient d’ailleurs de rentrer à la 48ème place au classement des personnalités préférées des Français.
Et ça, la chaîne de Martin Bouygues l’a bien compris. Le plan com est quadrillé. On ne parle pas de vie privée (à part quelques exceptions : lire l’encadré), on dit tout le bien qu’on pense de TF1, et si possible on fait passer les portraits les plus flatteurs de la journaliste qu’a réalisés son ami Stéphane Ruet, patron de Story Box Photo (société affiliée à Story Box Press, la boîte de production lancée par Laurence Ferrari, Thomas Hugues et Lorraine Willems). Reportage clé en main. Et contrôle total donc.
Mais parfois, la machine s’enraye. Comme ce jour de juillet 2008 où le mensuel lyonnais Lyon Mag publie une longue interview du père de Laurence Ferrari, Gratien, un retraité de la politique qui n’a pas la langue dans sa poche. Extraits : « Son émission sur Canal + était très intéressante car ça lui a permis de rencontrer toutes les grandes personnalités politiques mais l’audience était limitée. 2,5 millions de téléspectateurs, ça ne lui suffisait pas. Alors que TF1, c’est autre chose avec le journal qui fait plus de 9 millions de téléspectateurs chaque soir. C’est une vraie reconnaissance. Même si certains racontent qu’elle a été nommée à ce poste parce que c’est la poule de Sarkozy ». Un entretien pas piqué des hannetons, où papa Ferrari y va de ses anecdotes et autres souvenirs d’enfance de Laurence, déjà « cheftaine » dès son plus jeune âge… L’ancien maire d’Aix-les Bains confiera même à Lyon Mag des clichés de l’album familial représentant Laurence en première communiante, ou Laurence fêtant ses 26 ans. Un dossier lyonnais que la journaliste n’a pas vraiment goûté. Et d’assigner le mensuel pour atteinte à la vie privée, réclamant au passage 40 000 euros de dommages et intérêts. Une constante chez celle qui a poursuivi tous les médias qui ont porté atteinte à sa vie privée, et notamment ceux qui ont relayé d’une manière ou d’une autre la rumeur de sa relation présumée avec Nicolas Sarkozy. Des procès qu’elle a gagnés à chaque fois.
Dans le texte de l’assignation que le conseil de Laurence Ferrari a fait parvenir à Lyon Mag et sur lequel Bakchich a pu jeter un œil, il est écrit : « Madame Laurence Ferrari se trouve une fois encore contrainte de faire le constat de son impuissance à faire protéger sa vie privée, alors même qu’elle a toujours fait preuve d’une grande discrétion sur tous les sujets d’ordre personnel, particulièrement ceux évoqués dans l’article en cause malgré la forte pression médiatique qui l’entoure ». Une discrétion toute relative. À lire les interviews qu’elle a bien voulu accorder, on peut avancer que ses enfants s’appellent Baptiste et Laetitia, qu’elle est catholique pratiquante, que ses grands-parents sont des immigrés italiens, qu’elle a raté sa première année de médecine, que sa sœur Emmanuelle fait de l’audit en Savoie et que Sophie, son autre sœur travaille dans la communication aussi en Savoie ; que sa grand-mère était une maîtresse femme, que son père joue du violoncelle, comme son grand-père qui, lui, en jouait au cinéma muet d’Aix-les-Bains, qu’elle joue du piano, et que ses sœurs aussi sont musiciennes, que Thomas Hugues, son ex-mari est un interlocuteur permanent et que son avis est très important pour elle, que leur rupture n’a rien à voir avec son ambition professionnelle, qu’elle vient de s’acheter un piano Steinway & Sons, qu’elle lit Boris Cyrulnik et Axel Kahn, que l’émission Dimanche + l’a rapprochée de son père, lui-même ancien homme politique, ou encore que toutes les photos d’elle avec un comédien célèbre publiées dans la presse people étaient des photos volées… Bon gré, mal gré, Laurence Ferrari, c’est « vis ma vie ».
Car sa nomination au trône de l’info, son accession au « graal journalistique », comme elle le dit dans l’Express, n’a pas échappé aux polémiques. Le Parisien puis Libération ont écrit tour à tour que la main du président était derrière cette promotion. Une étiquette qui lui sera difficile à décoller, d’autant plus que le sarkozysme de Jean-Claude Dassier, directeur de l’information de TF1, et de Martin Bouygues, patron du groupe, n’est un secret pour personne. La Société des journalistes de TF1 (sic) nouvellement créée s’en était d’ailleurs émue au mois de juin dernier, affirmant : « Les soupçons de connivence entre l’Élysée et la chaîne que diffuse la presse ternissent notre image ». Mais Laurence Ferrari est solide. Ses proches, collègues, anciens collègues, qui ont accepté de répondre à Bakchich, le confirment. « Bosseuse », « déterminée », « ambitieuse », « courageuse », mais aussi « simple », « proche des gens », « gentille », « drôle », « pleine de vie ».
Bref, Laurence Ferrari est une fille bien. En plus, elle fait de l’humanitaire. Et pas pour épater la galerie. C’est le photographe Stéphane Ruet qui nous le raconte : « Je l’ai accompagnée plusieurs fois lors de voyages humanitaires, au Sri Lanka, à Madagascar ou encore au Liban pour l’association Villages d’enfants, dont elle est l’ambassadrice. Je peux vous dire qu’elle fait le boulot. Elle fait pas de chichis, va de l’avant, et ne râle pas s’il faut se faire huit heures de bagnole ou s’il faut dormir dans des coins aux conforts plus que relatifs ». Une ancienne collaboratrice de Laurence Ferrari à RTL garde un « excellent souvenir des années passées à travailler à ses côtés. Elle aime travailler en équipe, demande l’avis des gens. Ce n’est pas la vedette », assure-t-elle à Bakchich. Elle s’est d’ailleurs installée dans un bureau situé au cœur de la rédaction, laissant à Catherine Nayl, directrice de la rédaction de la Une, le soin de reprendre le bureau de PPDA. À Story Box, la boîte de production qu’elle avait lancée avec son ex-mari Thomas Hugues et dont elle vient de revendre les parts, la mélodie est la même. « Laurence est proche des journalistes, très investie, et n’oublie jamais de dire bonjour, au revoir, ou merci. Ce qui est assez rare dans le métier », note un journaliste de la boîte. À TF1, les premières impressions sont d’ailleurs plutôt bonnes. « Les conférences de rédaction sont à l’heure, et Laurence n’a pas la grosse tête. Deux points qui changent de son prédécesseur », note un journaliste de la chaîne.
Et bien, c’est Rodolphe Belmer, le patron des programmes de Canal + qui doit se mordre les doigts. Avec Dimanche +, l’intervieweuse de choc (aidée dans l’oreillette par Agathe Blanchard et Anne Ginzburger, co-rédactrices en chef de l’émission) était parvenue à installer un rendez-vous où se sont succédés tous les hommes politiques deux années durant. Un rendez-vous oui, un rendez-vous corrosif non. Une raison de plus pour la regretter à Canal + qui a mis ces derniers temps l’impertinence de côté. Ainsi, en pleine campagne présidentielle, la direction de Dimanche +, après avoir hésité, se refusera à toute enquête sur le patrimoine immobilier de Nicolas Sarkozy. Anne Ginzburger, aujourd’hui patronne de la boîte de production Chasseurs d’étoiles, ancienne rédactrice en chef de Dimanche + s’interroge, « Est-ce possible aujourd’hui de faire une émission politique qui décoiffe ? Tout est verrouillé par les équipes de communication des politiques, et journalistiquement, c’est très frustrant ».
Nul doute qu’à TF1, la tâche sera autrement plus difficile. Mais Laurence Ferrari a profité de son été pour rencontrer les meilleurs. En déplacement à New York, elle est allée voir les rédactions de ABC news et CBS news. Objectif, rythmer le JT de TF1, nouvelle version, travailler sur la hiérarchisation de l’info, proposer des sujets plus longs, et faire plus de direct. Saison 1, épisode 1, ce soir à 20h, avec probablement, comme l’annonçait le Parisien, Mylène Farmer ou Alain Bernard en invité spéciale.
Lire ou relire dans Bakchich :
Oui une fille bien….
Mardi, Lyon Mag a ainsi reçu une assignation de l’avocate de Laurence Ferrari. Ce mensuel généraliste lyonnais a publié en juillet une interview du père de la journaliste, qui racontait son enfance. Le papier a été abondamment repris par la presse people, notamment Closer, qui a focalisé sur le suicide de la mère de Laurence, brièvement évoqué dans l’interview par son père. Elle réclame 40 000 euros, et une publication du jugement en Une beaucoup plus grande que le titre original. Devant le tribunal de Nanterre.