Ce jeudi, le PDG d’EDF, Pierre Gadonneix, devrait annoncer que l’EPR de Flamanville coûtera finalement 4 milliards d’euros. Faux ! La facture s’élèvera au minimum à 5 milliards.
Le président d’EDF, Pierre Gadonneix, doit communiquer aujourd’hui sur le coût de l’EPR de Flamanville. Ce nouveau réacteur nucléaire, dit de troisième génération, est appelé à remplacer les vieux réacteurs nucléaires en fin de vie de l’électricien. L’enjeu est donc de taille.
D’après Les Echos et l’AFP, le président d’EDF va communiquer sur un coût global de 4 milliards d’euros. D’après nos sources, ce montant est largement sous-évalué et risque de déstabiliser la filière nucléaire française. À titre d’exemple, les patrons d’EON et d’ENEL, respectivement les géants allemands et italiens de l’électricité, estiment le coût de ce réacteur à 5 milliards d’euros pièce en régime de croisière. C’est à dire bien plus pour le premier.
Pourquoi cette sous-évaluation ?
Depuis quelques mois, le développement international de l’entreprise patine. Si après un âpre combat, il est arrivé à mettre la main sur British Energy, nombreux sont les analystes qui estiment que le géant français l’a payé très cher. Les syndicats de l’entreprise partagent cette analyse. D’autant plus que si le prix est fixé, il faut encore que la commission européenne donne son aval. Aux Etats-Unis, l’entreprise préférée des Français est engluée dans sa filiale Constellation Energy. Hier mercredi 3 décembre, Pierre Gadonneix a dû remonter son offre pour tenter d’acquérir l’activité nucléaire de l’opérateur américain. Et ce n’est pas gagné ! Warren Buffet, son rival sur ce dossier, n’a pas encore dit son dernier mot.
L’exploitation ne se porte pas bien non plus. D’après le journal Les Echos, le taux de disponibilité des centrales de l’électricien pourrait chuter à 79 % cette année. Alors que lors de « l’introduction en Bourse, il y a trois ans, le groupe visait un taux de 84 % dès 2007 »…
Il faut donc que le président annonce aux marchés des bonnes nouvelles. C’est la loi du genre pour les entreprises cotées. Cela d’autant plus que le terme du mandat de l’actuel président approche. A 65 ans, « Gado », comme on l’appelle en interne, n’a plus qu’une année à passer à la tête de l’entreprise. À l’Elysée, on l’observe amusé, mais plus souvent irrité. Il sait que le pouvoir n’attendra peut-être pas jusqu’en novembre 2009, la terme de son mandat pour le remplacer. D’autant plus qu’il voudrait bien sortir la tête haute de cette charge pour pouvoir présider tranquillement le Conseil Mondial de l’Energie.
L’électricien doit donc annoncer qu’il maîtrise le coût de l’EPR, le projet pharaonique de la décennie. Le premier réacteur de la nouvelle série. Alors qu’il était annoncé à 3,3 milliards d’euros, le premier EPR d’EDF (En Finlande Aréva est le maître d’ouvrage du projet) ne coûterait donc que 4 milliards d’euros. Soit seulement 21 % de plus que le budget initial. Si le marché accepte ce chiffre, ce serait un exploit pour un premier réacteur. Cela d’autant plus que le cahier des charges a été substantiellement modifié. A titre d’exemple, à l’origine, le réacteur nucléaire avait été prévu pour réagir aux chutes de F 16, un avion américain en service dans la Bundeswehr, qui avait la fâcheuse habitude de s’écraser au sol dans les années 1990. Aujourd’hui il doit résister à la percussion d’un avion de ligne. 11 septembre oblige.
Gado, qui passe pour un éternel prudent, aurait donc sous-estimé le coût de ses investissements. Laissant à son successeur la patate chaude.
Cette annonce risque de déstabiliser la filière nucléaire française. En effet, Bouygues et Aréva sont en compétition contre Mitshubishi Westinghouse dans de nombreux pays pour vendre des EPR. Par exemple en Afrique du Sud. Une première tranche de trois centrales nucléaires pourrait être construite par le consortium. À terme, le marché est de taille. Ce pays produit plus de 50 % de l’électricité du continent africain.
Or, il semblerait que les prix annoncés par les deux fournisseurs d’EDF soient substantiellement plus élevés que les 4 milliards d’euros du premier réacteur. Comment vont réagir les prospects ? Et surtout comment va réagir le Président de la République ? Cette petite bévue risque de rendre plus difficile la vente des centrales nucléaires, une des passions de notre Président.
Lire ou relire sur Bakchich.info :
à propos du taux de disponibilité, ça ne va pas s’arranger, le parc de centrales commence à se faire vieux et vu la "qualité" des contrôles et de l’entretien externalisés, ça craint de plus en plus(*). C’est comme pour les vieilles bagnoles raccommodées avec des bouts de fil de fer, on se dit qu’on n’a pas de moyen de remplacement et qu’il faudra bien que ça tienne encore 20 km… et bing ! sauf qu’avec une centrale nucléaire en fin de vie et qu’on ne peut pas arrêter, production et intérêts des actionnaires obligent, ça risque plutôt de faire BOUM !
* sans compter qu’une boîte qui annonce "elle est pourrie votre centrale, faut l’arrêter" a toutes les chances de perdre le marché