Avant de discuter environnement ce mardi, le Parlement a adopté un projet de loi qui assouplit, au nom de la relance, la réglementation des entreprises polluantes.
Le gouvernement n’a plus qu’une obsession : la relance. Par tous les moyens. Y compris les moins avouables : le projet de loi adopté au Sénat le 23 janvier et présenté par Patrick Devedjian, le nouvel avatar sarkozyste de la relance, comporte une réforme pas très grenelle qui fait sauter au plafond les défenseurs de l’environnement : celle des installations classées, c’est-à-dire les entreprises polluantes ou dangereuses.
ICPE. Ce sigle signifie Installations Classées pour la Protection de l’Environnement. En clair : 600 000 entreprises, industrielles ou agricoles, qui présentent un risque ou polluent.
En France, une loi de 1976 réglemente tout ce petit monde, qui définit plusieurs contraintes administratives – des régimes - pour les contrôler. Il en existe deux principaux : le régime de déclaration (moins contraignant, un simple dossier administratif suffit), et le régime d’autorisation, qui concerne 54000 d’entre elles. On y trouve tous ces fleurons industriels qui menacent de nous péter à la figure, notamment les Seveso, la fameuse directive européenne imposant aux États d’identifier et de prévenir les sites à risques, mise en place en 1982 après la catastrophe du même nom.
Or, pour le gouvernement et les services du ministère de l’Écologie, qui ont concocté cette réforme, ce régime d’autorisation est trop contraignant pour ces petites entreprises qui connaissent la crise : le projet de loi prévoit donc la création d’un troisième régime : l’autorisation simplifiée. Il comprendrait les 20% de la tranche basse des IPCE soumis à autorisation. Avec un argument-massue : « réduire la concurrence » avec nos voisins, moins tatillons… C’est exactement ce que déplore Marc Sénant, chargé de mission à France-Nature-Environnement (FNE) : « C’est un recul énorme. La France fait marche arrière, car elle s’est aperçue que la réglementation européenne était moins contraignante. » « Dans le cadre des RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques, ndlr), cela nous permettra de dégager des moyens pour les contrôles prioritaires, rétorque Laurent Michel, le Directeur de la Prévention de la Pollution et des Risques (DPPR) au ministère de l’Écologie. Ce n’est en rien un recul. La procédure d’autorisation n’était pas adaptée pour les IPCE de la tranche basse de ce régime. »
D’autre part, 200 inspecteurs supplémentaires vont garnir prochainement les rangs, et se concentrer sur leur véritable mission, selon Laurent Michel : « Des contrôles plus ciblés, plus efficaces, et non pas passer notre temps à contrôler une fabrique de cercueils ». Le hic, c’est que les contrôles sont bien trop peu nombreux selon Marc Sénant : « 1600 inspecteurs en tout et pour tout, soit un contrôle tous les ans pour les sites Seveso, un tous les trois ans pour les autres sites soumis à autorisation, et un tous les dix ans pour le reste ! En plus, on sait comment ça se passe : les entreprises sont prévenues 48 heures à l’avance. Suffisant pour s’organiser. »
Autre dérive à craindre : la privatisation rampante des contrôles. D’ores et déjà, ce sont des organismes agrées privés qui les effectuent dans les ICPE soumis à déclaration. Et qui les payent ? Bingo : les entreprises. « Ce lien financier pose problème », déplore Marc Sénant. Il paraît évident que les organismes de contrôles privés auront tendance à ne pas mordre la main qui les nourrit… « Ça se fait partout, par exemple pour les ascenseurs, rétorque Laurent Michel. Et ces contrôles s’ajoutent à ceux du public : c’est donc un renforcement. » Mais comme ceux du public sont trop peu nombreux…. Le problème se pose d’autant plus que Laurent Michel concède que « la réflexion est en cours » quant à la possibilité d’étendre ces contrôles privés aux IPCE soumises au futur régime d’autorisation simplifiée.
Pour Marc Sénant, le problème est plus large : « Suite à AZF (en septembre 2001, ndlr), les citoyens sont passés de l’ignorance du sujet à son refus systématique. L’administration l’a bien compris. On va ainsi privilégier la maîtrise du risque au détriment des pollutions diffuses, chroniques, médiatiquement c’est moins visible. » Un discours que réfute Laurent Michel : « On a des plans d’action pour limiter les pollutions diffuses. On veut des règlements simples et efficaces. » Et Devedjian dans tout ça ? Il défend son projet de loi au Parlement, raison pour laquelle ni lui ni son cabinet, contactés par Bakchich, n’ont eu le temps de répondre à nos questions. Et notamment celle de l’inscription surprise de cet article dans le projet de loi. « Il n’a fait l’objet d’aucune réunion, d’aucune information préalable. C’est à contre-sens complet du Grenelle, qui érigeait les associations au rang de partenaires dans les discussions », déplore FNE. Une loi par ailleurs présenté et adopté en urgence : elle n’a été débattue qu’une seule fois à l’Assemblée et au Sénat, histoire de faire passer la pilule un peu plus vite. Bah… Pour relancer la France, l’environnement aussi doit faire un effort, non ?
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