Après le site d’Argenteuil, celui de Biarritz et ses 600 salariés sont en grève, au grand dam du PDG Serge Dassault pour qui "la grève est un cancer".
« Dès que l’on veut faire quelque chose ils font la grève […]. Aujourd’hui la grève est un cancer, la grève n’a pas à avoir lieu. La grève politique doit être interdite, les grèves à caractère social c’est scandaleux » déclarait Serge Dassault sur i-Télé en juillet 2008.
Ces dernières semaines, le discours du PDG de Dassault Aviation ne semble pas avoir été entendu pas ses propres salariés. Après Argenteuil qui connait son deuxième mois de grève, le mouvement social touche aujourd’hui le site industriel de Biarritz. Ayant accepté six mois de chômage partiel, les salariés s’insurgent contre le refus de la direction d’augmenter les salaires. Suite au Comité central d’entreprise du mois d’avril, ils souhaitent maintenant dénoncer une détérioration du climat social chez Dassault Aviation.
Pierre Etxegoien est technicien dans l’entreprise et élu CGT à Biarritz, il explique : « les bénéfices sociétés demeurent élevés avec 266 millions d’euros, à laquelle on ajoute une augmentation de 50% des dividendes versés aux actionnaires. Pendant ce temps la direction générale impose des mesures drastiques à tout le personnel ». 89ème homme le plus riche du monde avec une fortune estimée à plus de 7,6 milliards de dollars, Serge Dassault a également connu une augmentation considérables de ses dividendes en 2009. « La crise à bon dos, ne subissant plus d’annulation de commandes, Dassault a du travail pour trois ans » s’insurge Etxegoien qui depuis trente ans travaille pour le groupe d’aviation militaire.
Alors que la grève était restée confidentielle pendant deux semaines, les négociations étaient au point mort. La CGT avait convoqué la presse sur le site, mais le chef du personnel M. Magard n’avait pas hésité à refouler les journalistes du parc des visiteurs, traduisant ainsi la position pour le moins tranchée sur le droit de grève de son PDG.
C’est donc en dehors de la « propriété » Dassault que s’était déroulé le rassemblement réunissant environ 130 personnes, principalement des techniciens. Depuis, deux semaines ont passé et la direction reste sourde aux revendications. Si seulement 10 à 15% du personnel est en grève, pas besoin d’une longue enquête pour le comprendre : aujourd’hui chez Dassault, fidèle à la doctrine du post-fordisme, les salariés sont très spécialisés et bénéficient de statut particulier propre à leur domaine. « Les cadres ont reçu 100% de leurs salaires pendant la période de chômage partiel » dénonce Pierre Etxegoien.
Par ailleurs, ces trente dernières années, l’exigence de flexibilité caractéristique des grands groupes s’est traduite par l’externalisation de nombreuses activités et la réduction de plus de 1000 postes de techniciens. L’usine Dassault sous-traite maintenant 80% de sa production. Seul 51% des effectifs sont encore des agents spécifiques à la production. Les ingénieurs et les cadres des bureaux d’études composent le reste du personnel. Ils sont beaucoup moins soumis aux mesures drastiques voulues par la direction. Et moins tentés de choisir la "grève à caractère social" si honnie de leur PDG.
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Le père de Serge Dassault, Marcel Dassault, doit se retourner dans sa tombe en voyant ce que fait le fils de l’héritage industriel. Pitoyable et révoltant.
Rassurant de voir que les cadres ont enfin compris leur douleur…