Sur qui faire porter la baisse des prix ? Industriels ou distributeurs ? La bataille a commencé
Depuis l’arrivée des hypermarchés, la répartition de la marge sur les ventes entre distributeurs et industriels est devenue l’objet d’une guerre souterraine larvée. L’Etat a finalement dû légiférer pour organiser cette confrontation. Et répartir la marge… Problème, Nicolas Sarkozy a besoin d’une baisse des prix immédiate et il fait peur
Acte 1 : Aujourd’hui industriels et distributeurs bénéficient de rentes législatives.
La distribution bénéficie du gel des implantations commerciales. Les lois Royer (1973) et Raffarin (1996) en voulant protéger les petits commerces de centre ville, ont drastiquement contrôlé les implantations de grandes surfaces. De facto, elles ont créé de véritables monopoles locaux au profit des magasins installés. Entraînant une survalorisation du patrimoine immobilier des enseignes dont Carrefour, Auchan et Leclerc ont profité.
Les industriels bénéficient, eux, de l’encadrement des négociations tarifaires qui limite les négociations commerciales vers le bas. La loi Galland (1996) a installé le principe de « non discrimination » qui permet aux industriels d’imposer une même grille tarifaire à tous les distributeurs. Cette législation très protectrice a permis aux industriels français et étrangers de prospérer. Et plutôt bien, si l’on se souvient que la marque LU, propriété de Danone, a été cédée parce que son taux de rentabilité de 8% était jugé très insuffisant par rapport aux standards de la multinationale…
Les leaders de la distribution refusent ce statut quo législatif qui met tous les distributeurs au même niveau et leur interdit de bénéficier de la puissance de feu de leur centrale d’achat. Ils repartent à la charge en imposant aux industriels des marges arrière sous couvert de coopérations commerciales plus ou moins effectives. C’est le jackpot ! Entre 1998 et 2003, le montant des marges arrière calculé par l‘Institut de Liaison et d’Etudes des industries de Consommation (ILEC) s’est accru de 50%, soit l’équivalent de plus de 9,5 milliards reçus par la grande distribution. Sans que le consommateur puisse en bénéficier, loi Galland oblige…
Ainsi industriels et distributeurs sont heureux, loin des affres de la concurrence. La loi évite aux industriels de se battre sur les prix. Les distributeurs rentiers voient leur patrimoine augmenter chaque année. Sur ces marchés protégés, le consommateur est le dindon de la farce. Mais il l’ignore. Personne n’a intérêt à lui expliquer. Quant au très libéral Michel Edouard Leclerc oubliant ses valeurs peut se passionner pour la bande dessinée et soutenir le Festival d’Angoulême. Ses magasins communiquent sur le développement durable. Et tout le monde est content. Arrive Sarkozy.
Acte 2 : Les engagements de Nicolas Sarkozy vont modifier la donne.
Lorsque le candidat Sarko se présente et gagne les élections sur la thématique du pouvoir d’achat, les chefs d’entreprise, habitués aux engagements non tenus de son prédécesseur, assistent au débat, amusés. Aiguillonné par le discours des candidats, l’électorat hier essentiellement préoccupé par le chômage découvre que son pouvoir d’achat diminue. Au moment où sa côte de popularité baisse, le président de la République va vouloir des résultats, et rapidement. Or chez les deux acteurs Nicolas Sarkozy n’a pas laissé de bons souvenirs. Ses pratiques musclées lorsqu’il était ministre de l’Economie et - il avait essayé de faire baisser d’autorité le prix des produits - sont encore dans toutes les mémoires.
Les questions en suspens.
Qui va perdre sa rente ? Les distributeurs, les industriels ou les deux ? La guerre d’images a commencé. Il faut aller très vite. C’est une guerre de mouvements. Deux cibles : les pouvoirs publics et les citoyens. Chacun souhaite que l’autre trébuche. La commission Attali accélère le mouvement. Mais alors que les industriels y sont représentés par le PDG de Neslté France, la grande distribution en revanche y est directement absente. Leclerc a donc arrêté ses jolies et très citoyennes campagnes sur les sacs de caisse et a repris son bâton de libéral caricatural. Avec une cible : l’autre, l’industriel. De l’autre côté, l’ILEC, le porte parole des industriels, est un peu désarmé. Reste la vraie question. L’unique. La seule qui compte : qui a l’oreille de Sarkozy ? Et qui l’aura ?