Si la décentralisation est une composante de la nouvelle politique de « civilisation », il y a quelques soucis à se faire en matière économique d’après la Cour des Comptes, notamment si la France veut aller chercher ce désormais fameux point de croissance qui lui manque tant.
Dans son rapport publié en décembre, la Cour des Comptes dresse un bilan on ne peut plus sombre des conséquences de la décentralisation en matière d’aides économiques aux entreprises. Pourtant, les moyens sont là. En 2005, plus de 6 milliards d’euros ont été consacrés par les collectivités territoriales au développement économique, soit plus du quart de l’ensemble des recettes liées à la taxe professionnelle. Et surtout, plus d’un tiers de ces dépenses est reversé directement aux entreprises.
Mais pour quels résultats ? Encore faut-il pouvoir les obtenir, certaines collectivités ayant simplement renoncé à contrôler leurs propres actions… A défaut d’une vision globale, le rapport affiche le triste bilan des aides sur 150 entreprises qui ont perçu des aides en 2000. Leur taux de défaillance à court terme y apparaît supérieur à la moyenne nationale (plus de 19% contre 12%), près de 41% de l’échantillon ont vu leur chiffre d’affaires baisser, proportion qui monte à près de 60% pour la baisse du résultat net. Enfin, plus d’un tiers des entreprises subventionnées a vu son effectif diminuer…
La gestion publique de la disparition du groupe Moulinex illustre, à cet égard, les maux de la décentralisation : pléthore d’intervenants et pauvreté des résultats. L’Etat, la région et l’Europe, trois départements et neuf collectivités territoriales et établissements, ainsi que des sociétés de reconversion coordonnées par une mission dépendant du préfet de région, ont signé une convention de redynamisation, dotée d’un budget de 124 millions d’euros, avec pour objectif premier de trouver une solution pour l’ensemble des 6 000 suppressions d’emplois. Au bout de 4 ans, à peine 1 900 salariés ont retrouvé un CDI. Pour les autres, préretraites, invalidité, longue maladie, plan amiante financé par l’assurance maladie, telles ont été les solutions apportées… Bref, c’est plus de 65 000 euros par emploi sauvé, le coût des solutions alternatives n’ayant pas été estimé…
La mode du tout communication et la pseudo culture du résultat ont transformé les élus de proximité en pompiers sociaux de la république, tenus de se mobiliser à chaque délocalisation et de se plier aux exigences économiques des entreprises prêtes à s’implanter sur leur territoire. Mais force est de constater, avec les conseillers de Philippe Seguin, que décentralisation ne rime pas avec politique d’aménagement du territoire et encore moins avec politique industrielle.
Tous les acteurs locaux se devant d’intervenir en matière économique, la complexité du système est kafkaïenne. Les chambres de commerce et d’industrie ont recensé pas moins de 5 000 aides et financements publics s’adressant aux entreprises. La Cour des Comptes note sobrement que certaines sociétés (de conseil ?) ont, de facto, comme unique rôle d’accompagner les entreprises dans ce maquis des aides publiques. De surcroît, on dénombre en moyenne plus de 60 acteurs directs par région intervenant dans le domaine de l’aide économique, chiffre qui dépasse les 100 si l’on tient compte des acteurs départementaux. Belle foire d’empoigne qui a un coût : les coûts de gestion représentent un tiers des aides !
Quand les collectivités se transforment en fonds d’investissement, à l’instar des sociétés de capital-risque, pour aider au financement des entreprises, alors que l’on vise le modèle des Länder, on frise plutôt la légende allemande… de l’apprenti sorcier. Le capital investissement, outil ô combien capitalistique, est le plus souvent mal maîtrisé par les organismes publics et nécessite de vraies compétences managériales pour accompagner les porteurs de projet. Il n’a d’ailleurs de sens, comme le remarque candidement la Cour des Comptes, que si les collectivités se substituent aux défaillances du marché, en acceptant d’investir dans des projets hautement risqués, peu gourmands en capital mais qui ne rencontrent pas d’échos auprès d’investisseurs privés.
Or, en moyenne, le montant moyen des aides publiques accordées s’élève à 12 millions d’euros et concernent quelques cas alors que les porteurs de projets risqués ont des besoins inférieurs à 170 000 euros… D’autre part, aider à l’investissement, c’est agir rapidement. Que dire quand le délai moyen constaté entre l’étude d’un projet et le versement de l’aide n’est jamais inférieur à 150 jours et varie le plus souvent entre 6 mois et un an ?
L’absence de gouvernance en matière d’aide économique aboutit à du saupoudrage qui ne permettra jamais de combler l’écart de salaire avec un ouvrier chinois au revenu mensuel d’à peine 100 euros. A l’heure où l’Europe refuse toute politique industrielle volontariste et dans un contexte d’euro fort, l’Etat continue de se décharger de toute politique structurelle longue et médiatiquement peu sexy au profit de paquets fiscaux. A quand le grand soir de la réforme de l’administration territoriale et la fusion du département et de la région ? On peut en rêver avec la Cour des Comptes…
Voilà une des pistes qui auraient du être explorées par le président champion de la rupture…
L’inflation des structures et niveaux de décision dans le pays, avec son corollaire de dépenses publiques absurdes.
Mais voilà : Fillon était déjà là au temps de Raffarin, on le retrouve sous sarco.
La rutpure ?
Sarco était-il forcé de reprendre ce même personnel ?
Fallait-il qu’il donne des gages de docilité à l’ordre mondial nouveau, pour obtenir son adoubement en vue de la présidentielle ?
En attendant, notre irrésistible président incarne héroïquement le nouveau désordre social.
Bravo pour votre article, et félicitations à la Cour des comptes, qui connaît, (grâce à son ténébreux président ?) une nouvelle jeunesse.
La solution à ce maquis des aides publiques est connue : désigner, dans chaque territoire, une collectivité (La Région, le département, la ville, l’intercommunalité), responsable par politique publique. On aboutirait ainsi au fameux slogan, pas moins d’argent public mais de l’argent mieux dépensé.
Pour cela, il faut, nécessairement, que certains élus locaux, barons républicains, notables parlementaires, renoncent à intervenir sur tout, dans de nombreux cas dans une "concurrence" acharnée avec les autres niveaux de collectivités.
Il faudrait donc le courage politique de commencer par supprimer le cumul des mandats, qui est la cause du blocage institutionnel de la France, et qui explique, en grande partie, pourquoi la France compte aujourd’hui, sur un même territoire, jusqu’à 5 échelons de collectivités, là où certains pays n’en ont, pour leur plus grand bien, que 2.
Jacques Martin