Une manif aux airs de revanche qui promet samedi : affiches de déclaration de guerre de la gauche aux néonazis, opérations séduction de ces derniers en banlieue, menaces de la police…
Les préparatifs battent joyeusement leur plein dans la capitale allemande à quelques jours du 1er mai. A la berlinoise : affiches de déclaration de guerre de la gauche aux néonazis, opérations séduction de ces derniers à la périphérie de la ville, avertissements menaçants de la police. Dans chaque camp, on mobilise et on s’organise fiévreusement. Fi de l’amateurisme, la foire d’empoigne annuelle est un sport national et les enjeux ont rarement été aussi élevés.
A gauche, l’objectif est clair : réitérer l’exploit de Dresde. Le 13 février dernier, 15000 contre-manifestants ont réussi à empêcher 5000 néonazis de défiler dans la capitale de la Saxe. Cette fois encore, une alliance de tous les partis et courants de gauche a appelé, à grands renforts de people et de slogans vibrants, à venir bloquer la manifestation néonazie prévue pour midi. Pour ne rien laisser au hasard, deux journées d’entraînements aux techniques non-violentes de blocage se sont tenues fin avril.
Côté néonazis, la déconfiture dresdoise n’est pas passée. Pour Fabian Wichmann, de l’association EXIT qui aide les anciens néonazis à se réinsérer, « Dresde a été une véritable claque et ils sont bien décidés à ne pas se laisser faire cette fois-ci ». Les nostalgiques de la croix gammée savent aussi qu’ils peuvent désormais s’appuyer sur une base plus forte. Ces derniers mois, un rapprochement inédit entre les cellules autonomes des « forces libres » et le parti d’extrême-droite NPD a été réalisé à Berlin. Wichmann estime cependant qu’ils ne devraient pas réunir plus de 1000 personnes dans la mesure où d’autres « marches » sont organisées dans le reste de l’Allemagne. Qu’à cela ne tienne, les nazillons berlinois se sont offert un parcours de choix pour leur balade printanière : le quartier bobo-gaucho de Prenzlauer Berg en plein centre ville, histoire de faire monter un peu plus la sauce.
La palme de la stratégie la plus explosive revient cependant à la police. Le 22 avril dernier, le Sénateur chargé de l’Intérieur dans le Land de Berlin, Ehrhart Körting, dévoilait le lieu du défilé de l’extrême-droite tenu secret jusqu’à ce jour. Rappelant qu’il n’était pas constitutionnellement possible d’interdire les néonazis de défiler, il a cependant lui-même appelé « en tant que citoyen » les Berlinois à venir nombreux contre-manifester.
Derrière ces déclarations humanistes pourrait bien se cacher une tactique plus concrète. Les forces de police espèrent que la contre-manifestation atteigne une telle ampleur qu’elles puissent légalement décider de dissoudre le défilé néonazi pour raisons de sécurité. Lumineux mais un tout petit peu risqué. Étant donné l’état d’esprit des forces en présence et si les groupes de combat de chaque côté, le « Schwarzer Block » et les « Nationalistes Autonomes », s’invitaient à la fête, celle-ci pourrait bien rapidement tourner au pugilat.
En deuxième partie de journée, la rencontre police – autonomes de gauche s’annonce elle-aussi très prometteuse. Organisée tous les ans dans le quartier de Kreuzberg à 18.00, la « manifestation révolutionnaire » se finit traditionnellement, la nuit venue, en bataille rangée entre autonomes et policiers. A la veille du grand soir, l’ambiance est particulièrement électrique, la police ayant ces derniers temps régulièrement pris pour cible les activistes de gauche. Pour Elke Steven du « Comité pour les Droits Fondamentaux », « à Hambourg et Berlin, la police prétend que la violence de gauche augmente, ce qui est faux ».
Le 1er mai 2009 ayant fait 479 blessés chez les policiers, Körting avait du faire face à un assaut de critiques envers sa méthode jugée trop laxiste. Jusque là, la stratégie avait toujours été de se tenir à distance de Kreuzberg et de n’entrer en force dans le quartier qu’en cas de débordements. Les déclarations récentes de Körting laissent présager d’un scénario catastrophe : les forces de l’ordre mettant dès le début les manifestants sous pression.
Berlin brûlera-t-il ?
A lire sur Bakchich.info :
Les martyrs américains du 1er mai sont bien loin et oubliés. Berlin pourrait être la ville européenne prête à donner ses citoyens à la mémoire révolutionnaire. En tout cas, s’il y a des victimes, ce ne sera pas dans la police qui n’a chaque année que des blessés légers… !!
Au fait, le 1er mai, c’est aussi la fête du muguet, alors chers Berlinois, dîtes le avec des fleurs… !!