Les récents malheurs de la flamme olympique, de Londres à San Francisco via Paris, n’arrangent pas les affaires des dirigeants chinois. Mais s’il n’y avait que ça ! Depuis le début de l’année, de vilains problèmes intérieurs, tensions économiques et sociales, plombent le pays. Bienvenue de l’autre coté du miroir.
L’année 2008 a mal commencé en Chine. Au mois de février, lors des grandes fêtes du Printemps où des millions de Chinois voyagent à travers le pays à l’occasion du Nouvel An, une véritable « catastrophe météorologique » s’est abattue sur une partie du pays. La Chine du Sud a connu l’hiver le plus rigoureux jamais enregistré depuis 50 ans et, dans certaines provinces, depuis un siècle. Les tempêtes de neige et le froid sibérien ont plongé ces régions dans un chaos glacé : une centaine de morts, plus de cinq millions de voyageurs coincés dans des trains surpeuplés pendant plusieurs jours, ni chauffage ni électricité dans les foyers.
Ces intempéries hivernales auraient coûté à l’économie chinoise environ 15 milliards de dollars. La piteuse gestion de cette catastrophe par les autorités, leur impréparation notoire et la non prévision du désastre par les faiseurs de pluies officiels ont laissé un goût amer dans l’esprit de la population chinoise. Et plus encore auprès des centaines de milliers de travailleurs qui n’ont pas pu se rendre dans leurs familles alors que le Nouvel An est la seule opportunité de voir les leurs.
En plus des caprices du climat, la machine d’État chinoise doit faire face à une série conjuguée de menaces susceptibles de compromettre son autorité suprême si la situation venait à dégénérer. Si la Chine est perçue à juste titre par l’extérieur comme un géant économique, à l’intérieur du pays, le poids de l’inflation commence à méchamment peser sur le niveau de vie des populations les plus pauvres oubliées de la croissance qui, selon les statistiques officielles, devrait atteindre 10,7 % en 2008. L’indice des prix à la consommation a en effet été multiplié par 8,7 % au mois de février 2008 et le coût des denrées de première nécessité a lui aussi fortement augmenté.
Résultat : un mécontentement larvé gronde dans les rangs de la majorité dite « significative ». Soit au bas mot, un milliard de Chinois, incluant les paysans et les travailleurs migrants. Les populations urbaines souffrent également de la chèreté de la vie et tremblent à l’idée de devoir utiliser leur épargne dédiée à l’éducation de leur unique enfant.
Si cette crise inflationniste se poursuit, les leaders maximo du Bureau Politique se préparent à de longues soirées migraineuses. Et oui… Déjà, les signes de mécontentement se multiplient comme en témoignent les statistiques du ministère de la Sécurité Publique, le Gonganbu puisque 100 000 manifestations ou « désordres » ont eu lieu en 2007 (contre 80 000 en 2005). Récemment, dans un square du sud de Pékin, un graffiti gribouillé à la craie représentait même les caractères stylisés de « totalitarisme, corruption et gouvernement »…
Pour ne rien arranger, exacerbée par l’approche de l’ouverture des jeux Oympiques, une « trinité maléfique », désireuse de renforcer le chaos existant au pays de l’ « harmonie sociale », a refait surface dans le paysage médiatique, les rues des villes de l’ouest et sur les lèvres des officiels chinois. « Trois forces du Mal » se sont liguées contre le pouvoir central et le Parti communiste chinois afin de les anéantir et de « saboter » les jeux Olympiques, déclare à mots couverts Wang Lequan, chef du Parti communiste de la province occidentale du Xinjiang.
Parmi ces « forces » figurent les « terroristes » intérieurs et extérieurs, les « séparatistes » limitrophes et les « extrémistes » (comprenez dissidents) de tout poil. Ces contre-pouvoirs réels ou fantasmés par Pékin ont ainsi connu un vif regain d’intérêt de la part des autorités centrales qui se divisent sur la marche à suivre comme l’explique le journaliste et écrivain Roger Faligot [1] dans son ouvrage sur les services secrets chinois. Deux lobbies, deux visions de la sécurité s’opposent en haut lieu, « l’un (…) voit des commandos d’Al Qaïda partout, des terroristes parmi lesquels il veut classer aussi bien Ouïgours que Tibétains ; et l’autre (…) s’attend à des mouvements de masse qui dégénéreraient, ou à une résurgence de Falungong… ».
Face à ces menaces « intérieures » diverses et variées, le climat international voulant que la Chine soit scrutée par des médias étrangers obsédés par la problématique des droits de l’homme ne fait que renforcer la pression sur les autorités déjà passablement excitées. En Asie, 2008 est l’année du Rat, synonyme d’année du changement dans l’astrologie chinoise. Faut-il y voir une prémonition ?
Fin janvier, un groupe présumé terroriste et lié au Mouvement Islamique du Turkestan Oriental était démantelé dans la province du Xinjiang. Début mars, deux passagers pakistanais auraient tenté de détourner un avion de la China Southern avec des bouteilles de parfum remplies de produits inflammables. Leur but ? Attaquer Pékin… Comme on peut l’imaginer à l’approche des JO, l’appareil sécuritaire chinois est sur le pied de guerre et s’y prépare depuis six ans. Ainsi, les unités spéciales des Forces de Police Armée Populaire, les loups des neiges, ont entre autres été entraînées par le GIGN, et les forces d’intervention de la police civile par le Raid et consorts. Quant aux forces spéciales de l’Armée Populaire de Libération, elles sont en charge des menaces bactériologiques et nucléaires.
Lire ou relire dans Bakchich :
[1] Statistiques tirées de l’excellent ouvrage de Roger Faligot, Les Services secrets chinois, de Mao aux JO, éd. Nouveau Monde, février 2008.
Je pense qu’il existe en Chine, comme en France, une majorité silencieuse qui se réjouit de voir ces JO, et qui profite quand même de la croissance rapide.
On aimerait un peu plus de démocratie, et j’espère qu’elle se développera petit à petit, mais il faut laisser le temps qu temps. La Russie n’est toujours pas démocratique, mais il y a quand même eu du progrès. Et ce progrès vient avec de nouvelles générations, plus ouvertes, faisant parti de l’élite, pas des pauvres qui sont plus concerné par leur repas que par un journaliste qui se fait tuer.
Je ne crois pas qu’ un boycottage des JO soit la bonne solution, surtout après que les pays occidentaux aient affirmés que le sport doit être un message de pays, de concorde, etc. On passe tout simplement pour les hypocrites de service.
Je préfère écrire avec Amnesty internationale ou manifester avec Reporter sans frontière, tout simplement.