Alors que Bachar el-Assad est attendu à l’Elysée samedi, « Bakchich » a exhumé une savoureuse vidéo du temps de Hafez el-Assad, le papa de Bachar, où l’on découvre les charmes du folklore syrien. Au menu, amazones locales croquant des serpents vivant à pleines dents.
« Historique », rien que ça. Dans Le Figaro du 8 juillet, Bachar el-Assad a donné le ton de sa visite à Paris.
Alors, puisqu’on fait dans l’« historique », retournons quelques années en arrière, dans ce pays magnifique où la démocratie est un vain mot face au pouvoir absolu que les Alaouites et la famille de l’impitoyable général Hafez el-Assad - le papa de Bachar - infligent aux Syriens.
Dans ce régime tenu d’une main de fer, les forces de sécurité tenaient - et tiennent toujours - une place centrale dans le dispositif. En son temps, Assad avait créé de multiples brigades et légions militaires de toutes sortes. Il en fallait, de la soldatesque, pour tenir l’Etat… « Les Brigades de lutte ont été confiées à son neveu Adnan, le tout surveillé par la Garde présidentielle confiée à son beau-frère (Makhlouf), tandis que son frère Jamil tenait le réduit alaouite avec sa milice personnelle et ainsi de suite. Il fallait aussi surveiller son frère Rifaat », se souvient un expert.
Rifaat el-Assad avait en effet obtenu l’autorisation de prendre la tête des Brigades de défense, « sorte d’armée partisane constituée pour faire pièce à l’armée régulière », poursuit notre expert. Nos images, tournées lors de la parade militaire donnée pour présenter ces brigades (fortes de 15 000 militaires) au président syrien, montrent le joli rituel de passage auquel devaient s’adonner les soldats… mais uniquement les femmes ! Le tout jeune fiston el-Assad, futur président de la Syrie, est-il assis parmi les hiérarques du régime ? Mystère. Malheureusement, ces images ne sont pas formellement datées ; on peut imaginer qu’elles ont été prises à la fin des années 1970. Pour en savoir plus sur les curiosités des brigades de Rifaat, cliquer sur la vidéo.
Et oui, en Syrie les femmes soldats étaient tenues de tuer les serpents avec les dents et de les déguster ensuite… Une idée probablement piquée à Kadhafi qui dispose, lui, d’une garde rapprochée exclusivement féminine, souvent surnommées amazones, qu’il a longtemps fait défiler le cou ceint d’un python vivant. Un rituel de force destiné à impressionner dans les chaumières.
Beaucoup de frime et de spectaculaire dans tout ça. Ainsi « les commandos des Brigades, connus sous le nom de « Fursan » (les cavaliers), n’avaient pas de chevaux, mais portaient un uniforme rose… pour qu’on les reconnaisse bien. Les Brigades ont été aussi les premières dotées de parachutes ascensionnels et d’ULM », raconte un observateur très au fait des péripéties syriennes…
« Toutes tentatives de l’impérialisme de nous affamer et de nous nuire par tous moyens est voué à l’échec. Les impérialistes ont perdu en même temps que les ennemis de l’intérieur qui se sont remplis les poches au point de renier toute humanité ».
(…) « Écoutez ce que nous a appris notre guide (Hafez el-Assad) : la faim n’est qu’une sensation physique loin du vrai message. Notre mission est de dompter la nature. Notre guide nous a appris l’art de la nature, comment se comporter avec elle. Il nous apprend comment transformer les rochers en tables et comment transformer toutes les bêtes et les insectes en aliments. Ce que vont réaliser les brigades (tuer et manger des serpents) n’est qu’un aperçu de ce que nous avons appris du Guide. Certains l’ont compris et dépassent les lois de la nature. Mais tous, ensemble, nous pouvons exaucer la parole du guide ».
Pendant la cérémonie :
(…) « Nous resterons comme un rempart face à nos ennemis. S’ils nous affament, nous affronterons la faim le courage chevillé au corps. Nous pouvons tout perdre mais rester debout. Méfiez-vous de nous ! Nous vous défions ! Nous avons la poésie comme bouclier et nous la clamons.
Comme si nous étions une vingtaine de créatures de l’impossible, nous entendons les voix de notre peuple, générations après générations, criant de Beyrouth, du Golan à la Galilée, l’insoumission d’un peuple de miracle ».
(…) « Si nous avons soif, nous pressons les rochers et si nous avons faim, nous dévorons la terre. (…) Nous n’aurons jamais faim tant que nous nous soudons dans la lutte contre l’ennemi. A l’école des héros, nous nous élevons dans la lutte contre l’ennemi. Nous, les hommes de Hafez el Assad. Monsieur le Président, nous resterons à jamais prêts pour servir votre lutte. C’est la marque de votre grandeur, la marque du martyr ».
Merci au traducteur
On a vu la brigade exotique de Rifaat monter une seule fois au combat : les massacres dans le ville insurrectionnelle de Hama, en 1982, près de 20 000 morts. Un bel exemple des joyeusetés que le régime syrien a fait subir depuis des décennies à son peuple, ainsi qu’à celui du Liban.
Exilé loin de Damas en 1984, Rifaat a longtemps été soupçonné de vouloir faire tomber son frère Hafez quand celui-ci était encore en vie. Depuis, il titille son neveu Bachar. En mai 2006, il assurait à l’agence Associated Press : « Je n’ai rien contre mon neveu. Ce que je dénonce, c’est le fait que la Syrie soit gouvernée par la police et les services de renseignements, qui sont plus forts que le président. »
Si c’est lui qui le dit…
À lire ou relire sur Bakchich.info