Le film roumain palme d’or à Cannes et lauréat du prix de l’Éducation nationale « 4 mois, 3 semaines, 2 jours », censuré par Xavier Darcos, avait créé la polémique sur fond de lutte anti-avortement. Mettant le boxon dans les ministères de l’Éducation et de la Culture, le film a finalement été autorisé « tous publics » avec un avertissement.
Ayant remporté le prix de l’Éducation nationale, le film roumain pouvait être diffusé sous forme de DVD pédagogique dans les lycées et collèges de France selon bien sûr le bon désir des enseignants. Xavier Darcos, notre bien classique ministre de l’Éducation, s’y était opposé contre l’avis de Christine Juppé-Leblond, l’inspectrice générale chargée du cinéma. Au coeur de la polémique, une scène d’un foetus avorté et celle, suggérée, d’un viol consenti par une jeune femme pour « financer » l’avortement de son amie. Devant la pression des enseignants, des associations de tout poil et de la Société des Réalisateurs de Films (SRF), Xavier se rétracte et s’en remet à la Commission plénière de classification [1] comme s’il faisait grâce de sa clémence. « C’est surtout histoire de ne pas perdre la face » admet Hervé Bérard, réalisateur et membre de la SRF. Pire que ça, la Commission enfonce le clou. Réunie une première fois en sous-commission, il y a quinze jours, l’interdiction des moins de 12 ans semblait l’hypothèse la plus vraisemblable. Mardi 24 juillet, les 35 membres du jury se prononcèrent pour une autorisation dite « tous publics » avec un avertissement, permettant ainsi aux élèves de 6ème et de 5ème de pouvoir visionner le film. Dans la foulée, Christine Albanel approuve l’autorisation. Normalement, le ministère de la Culture met toujours un mois pour confirmer la demande, là il n’a fallu qu’une demi-heure. C’est un pied de nez évident à Darcos et les siens. La commission a relevé l’aspect « pédagogique » du film et même « salutaire » et enterre donc le débat. Exit les flux tendus de la morale.
Montées au créneau dès sa sortie à Cannes, les associations anti-avortement Choisir la vie et Alliance des droits pour la vie ont déniché l’os du printemps et l’ont rongé jusqu’à l’été en multipliant les communiqués et les contacts jusqu’aux plus hautes sphères de l’État. Début juillet, Rue 89 mettait en cause Christine Boutin [2] selon les mots du vice-président de l’Université de Rennes Patrice Roturier. Il dénonçait « un acte de censure télécommandé par les plus hauts responsables de l’État en général et madame la ministre Boutin en particulier ». Ghislain Gomart, un chrétien cosmique proche de la Christine, s’était offusqué, ô grand dieu, dans les interstices de son blog : « Quel modèle ce film met-il en scène sinon celui de la désespérance la plus totale, le renoncement à la vie, le choix de la mort, le consentement à la prostitution, l’esclavage des corps ? » Depuis deux mois, le lien est bloqué, quelques traces subsistent sur magic Google. Interviewée par Bakchich, Marie-Aline Chevreau de Choisir la vie n’écartait pas non plus une influence de la grande Christine sur Xavier, « oui, c’est possible ».
Elle précisa que son association allait demander à participer aux débats dans les écoles quand le film serait diffusé. Xavier Darcos peut encore embêter ses « collégionnaires » sur le contenu du DVD et l’Alliance des droits pour la vie, dans un communiqué paru aujourd’hui, montre encore les crocs. Prochain but à atteindre « faire valoir l’objection de conscience des parents d’élèves ».
Avant la décision de la Commission, Hervé Bérard est allé rendre visite à M. le ministre avec les réalisateurs Cédric Klapish et Fabrice Genestal. M. Darcos s’est défendu de toute pression et a simplement relevé « une défiance personnelle par rapport à la force de l’image ». En bon agrégé de lettres classiques, il préfèrerait peut-être qu’on parle des 13 400 avortements annuels de mineurs (et de plus en plus jeunes) en latin ou en grec, ou en sanskrit pourquoi pas ? Il avait déjà émis des réserves sur la diffusion d’Élephant dans les lycées il y a trois ans alors qu’il était ministre délégué à l’Enseignement scolaire. Mais comment dire ? Croirait-il que les enfants naissent dans les choux et sortiraient à 18 ans de leur bulle tout prêts à affronter un monde idéal ? Le paradoxe est là. Maquillé, bien habillé et pourtant son goût sent le soufre. Alors que les adolescents de 16 ans seraient assez grands pour aller en prison, d’autres seraient trop jeunes pour débattre de l’avortement…
[1] commission dépendante du ministère de la Culture composée d’un tiers de personnalités du cinéma, d’un autre des différents ministères et d’un denier enfin d’experts psychologiques, culturels, etc. Ils prononçent les avertissements, les interdictions et les textes préventifs
[2] Christine Boutin fut une ancienne militante d’Alliance des droits pour la vieet Jean-Paul Bolufer, énarque, et ancien opposant acharné à la loi Veil de 1974, est son directeur de cabinet
Bonjour,
Pour ceux qui sont mal informé, ce film n’est pas "diffusé" dans les collèges et lyçeés, il est à la disposition des établissements qui veulent l’acquerir par le biais du CNDP qui a négocié la libéralisation des droits pour la diffusion dans le milieu éducatif, tout comme Marie-Antoinette l’année passée et les autre films ayant le prix de l’éducation nationale à Cannes les autres années.
Les membres de la commission chargée de "noter" le DVD disent qu’il est "tous publics" mais je suis sûr qu’ils ne croient même pas en leur décision. Ils disent cela uniquement pour contrarier le ministre et les affreux réacs. D’ailleurs, vous le dites vous même "elle enfonce le clou".
Des films moins violents que celui là sont déconseillés aux moins de 12 ans voire interdits aux moins de 16…
Mais je comprends votre point de vue : la violence est partout dans notre société et vous cherchez à la propager encore plus.
J’espère que les enfants refuseront d’eux même ce film de propagande mortifère et violent.
" Alors que les adolescents de 16 ans seraient assez grands pour aller en prison, d’autres seraient trop jeunes pour débattre de l’avortement…"
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