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Ça dégage dur dans le Calcio !

Pandémie / dimanche 12 octobre 2008 par Dr Jean-Pierre de Mondenard
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Une étrange épidémie décime les rangs des ex-stars du Calcio. Le dopage, principal accusé, n’explique pas à lui tout seul pourquoi le football italien semble surexposé.

La sclérose latérale amyotrophique (SLA), une maladie neurologique dégénérative, qui vous tue à coup sûr et en rien de temps, fait des ravages parmi les anciens joueurs de football de la péninsule. Cette « épidémie » est d’autant plus mystérieuse que les autres pays où on joue au foot semblent épargnés. Trois hypothèses sont avancées par les experts transalpins : traumatismes aux jambes et à la tête, drogues de la performance et substances toxiques pour l’entretien des pelouses. Aucune des trois n’apparaît déterminante…

Le 8 octobre dernier, deux clubs « fondateurs » du Calcio, la Fiorentina et l’AC Milan, se sont retrouvés face à face à Florence devant 25 000 spectateurs et l’équipe nationale italienne dans les tribunes. Un « match de bienfaisance » afin de lever les fonds nécessaires à la recherche sur cette maladie méconnue qu’est la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Elle concerne aujourd’hui plusieurs dizaines de footballeurs italiens, parmi eux Stefano Borgonovo qui a donné son nom à la fondation qui a organisé la rencontre de Florence. L’ancien avant-centre international (3 sélections) aujourd’hui âgé de 44 ans qui a joué à la Fiorentina et à l’AC Milan, touché par la SLA est paralysé, ne respire plus qu’ à l’aide d’une machine et communique à travers un ordinateur qui traduit le mouvement des yeux. En France, cette affection dégénérative du système nerveux est appelée « maladie de Charcot », du nom d’un célèbre neurologue de la Salpetrière, à Paris, qui l’a décrite en 1865. Dans les pays anglo-saxons, cette même saloperie est nommée « maladie de Lou Gehrig », ce dernier étant une star du baseball des années 30 victime de la SLA en 1941, à l’âge de 38 ans.

En 35 ans, Borgonovo est le quarante-quatrième joueur italien à être touché par cette affection. Le premier de la liste fut Armando Segato ex-milieu de terrain de la Fiorentina décédé en 1973, à l’âge de 43 ans. Parmi ceux qui ont suivi, citons Guido Vincenzi défenseur de la Sampdoria de 1958 à 1967, mort en 1997 à 65 ans ; Albano Canazza ex-défenseur de Como, décédé en 2000 à 38 ans ; Gianluca Signorini ex-défenseur de Parme, du Genoa et de l’AS Roma, qui s’est éteint en novembre 2002 à l’âge de 42 ans ; Lauro Minghelli, ancien joueur de Torino, et Arezzo victime, lui aussi, de la SLA en 2004 à l’âge de 31 ans !

Ni parler, ni marcher, ni manger, ni même respirer…

Cette sclérose latérale amyotrophique se caractérise par une dégénérescence des motoneurones situés dans la corne antérieure de la moelle et les noyaux moteurs des derniers nerfs crâniens. La maladie se traduit par une atrophie progressive des muscles volontaires, jusqu’à ce que les malades ne puissent plus ni marcher, ni parler, ni manger et ni même respirer. Seuls les muscles qui commandent la mobilité des yeux sont épargnés. Le sujet victime de cette affection neurologique se trouve figé dans l’immobilité mais garde la faculté de voir, d’entendre, de sentir, de goûter. Ces capacités intellectuelles et sexuelles sont également conservées… Elle frappe les personnes de tout âge, à partir du diagnostic, l’espérance de vie est en moyenne de trois ans. Fréquente dans certains pays du Pacifique (Ile de Guam, Nouvelle-Guinée), elle reste extrêmement rare, surtout en Europe.

Six fois plus de SLA chez les footballeurs

Selon Raffaele Guariniello, un procureur adjoint de Turin, qui a mené depuis 1998 une méga enquête dans le Calcio sur 30 000 dossiers de joueurs, quarante-trois ont été victimes ou souffrent de cette maladie. « Nous n’imaginions pas atteindre un chiffre aussi inquiétant, a admis Guariniello. Il y a six fois plus de morts liées à cette maladie parmi les footballeurs professionnels que dans le reste de la population ».

Il y a un an, après avoir rencontré 7 325 joueurs italiens sur une période de vingt-quatre mois entre 2004 et 2006, des experts de l’Institut supérieur de la santé, ont transmis leurs conclusions à la justice. «  Au maximum, on aurait dû trouver un joueur victime de la SLA, voire aucun. Or, on a découvert que huit d’entre eux étaient atteints de cette pathologie. C’est beaucoup. C’est trop. » [1] La majorité des joueurs frappés par la SLA étaient des défenseurs, une caractéristique en partie expliquée par la littérature médicale, qui précise que « le développement de la SLA est favorisé par les traumatismes et lésions aux membres inférieurs » [2].

Plusieurs hypothèses

Plusieurs découvertes récentes ont conduit à différentes hypothèses sur les mécanismes pouvant être à l’origine de la SLA qui touche en France 8 000 personnes. En particulier, plusieurs facteurs ont été mis en cause, je vous les cite en jargon brut : le stress oxydatif, les acides aminés excitateurs notamment le glutamate, l’un des principaux neurotransmetteurs [3] excitateurs, les facteurs de croissance, des facteurs génétiques, une origine virale… Ces différentes hypothèses plus ou moins validées par les neurologues - qui, toutes, possèdent des arguments recevables mais aussi des incohérences - n’expliquent pas pourquoi les footballeurs italiens sont surexposés. Le juge Guariniello, qui a mis en évidence cette étrange épidémie dans le Calcio, interpelle les scientifiques : «  Pourquoi les footballeurs, qui plus est très jeunes puisqu’ils ont en moyenne moins de 39 ans, sont-ils tant victimes de cette sclérose latérale ? Est-ce parce qu’on les a obligés à jouer sous anti-inflammatoires et donc à prendre des coups alors qu’ils devaient être mis au repos ? Il faut éclaircir cette question car la SLA s’apparente aujourd’hui pour les footballeurs à une maladie professionnelle » [4] . Guarinniello résume aussi les axes de recherche des experts de la péninsule. « Les hypothèses sur lesquelles nous travaillons le plus pour expliquer cette maladie chez les footballeurs sont au nombre de trois : l’usage de substances dopantes, les traumatismes liés au football (coups pris par les joueurs ainsi que les coups de tête) et l’usage de substances toxiques pour entretenir les pelouses (désherbants, pesticides). » (****)

Les footballeurs ne sont pas les seules victimes

Des « épidémies » de SLA ont déjà été enregistrées dans d’autres activités sportives. En septembre 2002, le Dr Nikolaos Scarmeas de l’université à New York, présentait les résultats d’une enquête épidémiologique qui montrait que les patient touchés par la SLA étaient nombreux (+ 70 %) à avoir pratiqué, à un haut niveau de compétition, une activité sportive pendant leur scolarité. De même, ceux qui avaient un indice de masse corporelle inférieur à 25 (au-dessus de ce chiffre, on est dans la catégorie du surpoids) – individus que l’on rencontre en plus grand nombre dans les enceintes sportives – courraient quatre fois plus de risques de faire une SLA que les plus enrobés.

Autre exemple, Tony Proudfoot, un ancien joueur des Alouettes de Montréal dans la Ligue canadienne de football (LCF) (une variante du football américain) qui a reçu un diagnostic de SLA il y a neuf mois (mai 2007) a découvert au moyen de l’Association des joueurs de la LCF qu’au moins huit joueurs sur les 15 000 qui ont joué dans ce circuit au fil des années ont souffert de cette maladie. Quand Proudfoot a fait part de sa découverte à son médecin, ce dernier a décidé d’examiner de plus près le lien qu’il pourrait y avoir entre la maladie et les athlètes de l’élite. Première constatation : les footballeurs italiens ne sont pas les seuls à être exposés à la SLA. Rappelons qu’avant l’enquête du juge Guariniello en 1998, les épidémiologistes de la péninsule ne s’étaient pas beaucoup passionnés pour étudier la morbidité de ses sportifs. D’ailleurs aucune institution sportive, en Italie ou ailleurs, n’avait cherché à savoir si une pratique sportive professionnelle soumise à des cadences infernales, n’avait pas une influence délétère sur la longévité des pratiquants ! La fréquence des traumatismes Selon le Dr Nikolas Scarmeas, une hypothèse souvent avancée «  montrerait que les sports les plus visés seraient précisément ceux qui génèrent le plus de traumatismes : hématomes, déchirures ou simples courbatures à répétition. Or, on sait qu’à chaque fois qu’une cellule se déchire et se vide de sa substance, cela entraîne une flambée radiculaire (inflammation des racines nerveuses) qui pourrait à la longue se répercuter sur la bonne santé des nerfs. » [5]. Chez les cyclistes où les traumatismes musculaires sont rares, cette cause de mortalité n’a pas été enregistrée par le juge Guariniello. En effet, parallèlement à l’enquête sur les footballeurs, le magistrat de la capitale piémontaise a effectué le même travail rétrospectif sur 6 000 cyclistes professionnels ayant évolué sur une période de 40 ans et là, il n’a comptabilisé aucune forme de SLA. Autre hypothèse : il a été constaté que les sportifs qui jouent souvent dans des enceintes sportives en plein air (stades de football) ont un risque plus élevé, ce qui pourrait signifier que les désherbants et les pesticides employés pour entretenir les pelouses sont potentiellement un facteur de risque.

L’incontournable dopage

L’absorption, par les joueurs, de substances dopantes sous forme de cocktail et sur des périodes prolongées est l’une des pistes à l’étude. Si cette relation est fortement suspectée c’est que l’Italie « sportive » a toujours été, de longue date, très pointue dans le domaine des drogues de la performance. Il y a cinquante ans, une enquête réalisée par le docteur Gerardo Ottani – un ancien footballeur de Bologne devenu professeur à la faculté de médecine – révèle que 27% des joueurs de première division utilisent des amphétamines avant la rencontre, 62% des analeptiques (stimulants) cardiorespiratoires, 68% des hormones (stéroïdes anabolisants) et des extraits glandulaires. Trois ans plus tard, les chiffres se sont amplifiés : 88% des clubs de première division et 70 des clubs de deuxième division utilisent des expédients médicaux en relation avec les matches. Quarante ans plus tard, la culture du sport chimique est toujours très prégnante au sein du Calcio. Ainsi, en août 1998, lors d’une perquisition dans les vestiaires du Stadio comunale de Turin, l’enceinte où joue la Juventus, étaient retrouvés 281 sortes de médicaments. Un procès dit « de la Juve » va s’en suivre, portant sur la période de juillet 1994 à septembre 1998. Zinedine Zidane et Didier Deschamps seront alors entendus en qualité de témoins, et leurs réponses aux juges pas très convaincantes. Gian Martino Benzi, un expert cité par l’accusation, fera un constat alarmant devant cette hypermédicalisation d’hommes jeunes et sportifs a priori bien portants. : «  Une quantité incompatible avec une structure non sanitaire mais plutôt la quantité dont devrait être doté un hôpital petit ou moyen ». Le professeur en pharmacologie de l’Université de Pavie a ajouté en enfonçant un peu plus le clou : «  Découvrir une telle quantité de médicaments nous a surpris et étonnés. Ou bien les joueurs étaient toujours malades ou bien ils prenaient des médicaments qui allaient au-delà du champ thérapeutique ». De plus, il a précisé que « 75% des médicaments trouvés devaient être prescrits par ordonnance, ce qui était incompatible avec une structure non sanitaire. Selon l’acte d’accusation, les joueurs recevaient des médicaments sans justification médicale, mais pour améliorer leurs performances athlétiques ». [6]

Parallèlement à la mise en évidence de l’épidémie de SLA, le juge Guariniello a constaté dans la même enquête, que le taux de victimes du cancer était le double, chez les footballeurs de son étude, par rapport à celui de la population non sportive. « Pour les tumeurs, il est évident que l’absorption de substances dopantes est l’une des hypothèses avancées pour expliquer la mort de ces sportifs » précise le magistrat instructeur [7]. Il existerait, notamment, un lien entre le cancer du foie et la prise d’anabolisants ou encore entre les leucémies et l’absorption d’hormones de croissance. En revanche, aucune relation directe n’a été établie entre une substance dopante spécifique et la SLA. Mais là aussi pourquoi seulement les joueurs du Calcio alors que le dopage affecte l’ensemble de la planète sportive, notamment footballistique ?

Plusieurs pistes mais pas de coupables identifiés

Quand Marcello Lippi, l’ancien footballeur italien et sélectionneur de la Squadra championne du monde 2006, donne son avis dans le Corriere della Serra n il assène bien sûr : « La pratique du football n’est pas responsable et le dopage n’a rien à voir avec la SLA », on ignorait que ce « dottore » était aussi médecin, scientifique ! On peut lui rétorquer que si ces joueurs malades avaient joué aux fléchettes au lieu de taper dans un ballon, on ne l’interrogerait pas, lui, sur ce fléau, ce serial killer. Qui, pour l’instant, coure toujours.

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[1] L’Équipe, 06/09/2008

[2] Le Monde, 16/01/2003

[3] qui assurent chimiquement la transmission de l’influx nerveux

[4] L’Equipe du 9 mai 2008

[5] Sport et Vie, n° 77, mars-avril 2003

[6] Agence France-Presse, 21.10.2002

[7] Libération du 6/01/2001


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