Le pari est osé et ambitieux : exprimer en dessins la musicalité d’un esprit déluré, celui de Boris Vian, artiste tout terrain. Les éditions « Petit à petit » en ont fait leur spécialité.
Boris Vian est au XXème siècle ce que Janus fut à la mythologie romaine. Un dieu des commencements, du passage de tout état à un autre : du roman à la poésie, du théâtre aux nouvelles, de l’essai à la chanson. Toujours au galop. Le siècle au pas de course. Mort à 39 ans, il s’amusait à greffer ses dons sous différents noms, en anagrammes, comme autant de visages pour exprimer son art multiple. Un jour Bison Ravi, l’autre Baron Visi, parfois Brisavion. Avec pour cible, le cloître des conservatismes de l’après-guerre dont il fût l’un des torpilleurs au côté des surréalistes et de son ami « Jean-Sol Partre ».
L’ouvrage des éditions « Petit à Petit », Les chansons de Boris Vian en bandes dessinées, compose de l’imaginaire en image. Treize chansons mises en bulles par autant de dessinateurs révèlent en histoires le bal des vers de Vian, l’amateur de jazz.
Parmi elles, on retrouve « Le déserteur », chanson antimilitariste censurée puis autorisée le 7 mai 1954, jour de la défaite de la France dans la bataille de Dien Bien Phu qui a été reprise depuis par Mouloudji, Reggiani, Johan Baez et Renaud. « Les joyeux bouchers », hymne sarcastique et dégoulinant de sang, « J’suis snob », le « Tango des balayeurs » ou encore « Ne vous mariez pas les filles ». On apprécie l’effort du recueil d’offrir au lecteur un éventail de styles allant de l’épure sombre à la caricature en passant par des artifices de couleurs. La musicalité des vers traduit en images opère par ce choix de rendre à chaque chanson un genre dessiné particulier. Et d’éviter le piège de recouvrir d’un bocal un esprit libre et fugitif.
En cadeaux des dieux, Bakchich vous offre un extrait dessiné des « Joyeux bouchers ».
« C’est le tango des joyeux militaires Des gais vainqueurs de partout et d’ailleurs C’est le tango des fameux va-t’en guerre C’est le tango de tous les fossoyeurs
Faut qu’ça saigne Appuie sur la baïonnette Faut qu’ça rentre ou bien qu’ça pète Sinon t’auras une grosse tête Faut qu’ça saigne Démolis-en quelques-uns Tant pis si c’est des cousins Fais-leur sortir le raisin Faut qu’ça saigne Si c’est pas toi qui les crèves Les copains prendront la r’lève Et tu joueras la Vie brève Faut qu’ça saigne Demain ça sera ton tour Demain ça sera ton jour Plus d’bonhomme et plus d’amour
Tiens ! voilà du boudin ! voilà du boudin ! Voilà du boudin »
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