Hormis le lancement de Marc Dorcel Magazine, le porno tire la gueule. Pourquoi en parler ? Parce que personne d’autre ne le fait, et que Bakchich accepte de s’y coller.
Décembre 2008. Marc Dorcel lance enfin son magazine, le bien nommé Marc Dorcel Magazine, à 8,90€, et à 35 000 exemplaires, avec 2 DVD. Pourquoi enfin ? Rappelons que le bonhomme a commencé sa carrière dans les romans photos pornos à la fin des années 70. Objectif cross-média pour le « leader » du X français : Dorcel TV, Dorcel Vision, Marc Dorcel.com, et maintenant la presse. Autant de relais pour véhiculer sa vision d’un porno « sophistiqué et déringardisé ». Tant mieux pour la firme au toucan. Hormis cette alléchante nouvelle, si la presse pornographique arrive encore à nous faire bander, elle ne nous fait plus jouir. Petit retour en arrière.
1963, Daniel Filipacchi lance Lui à Paris. Dans l’hexagone, les éclats de la « presse érotique » restent timides. Le salut va venir de l’étranger. 1967, première photo de coït non simulé, et 1968, coïts explicites dans les digests danois. Les Français vont jusqu’à Amsterdam se procurer ces fameuses revues hardcore scandinaves. En 1972, Filipacchi ayant conclu un accord avec Hughes Hefner, le boss de Playboy, Lui est distribué aux Etats-Unis sous le titre Oui. On ne peut faire plus explicite.
Et en France ? Un jeune éditeur se fait la main avec un courrier des lectrices chaudes comme la braise, Lettres de femmes, lancé en 1972. « Il faut se rappeler que les revues érotiques ne se vendaient pas en kiosque. On pouvait seulement les acheter dans les sex-shops. Moi, j’ai décidé de lancer en kiosque Lettres de femmes, en petit format. Pendant un an, nous en avons vendu 130 000 exemplaires chaque mois, se rappelle Michel Sitbon, actuel éditeur de la revue pour échangistes Couples, et de Cinérotica. Aujourd’hui, les magazines féminins ont pris le relais, mais on y a perdu le côté crû du fantasme de cul ».
L’apparition de la vidéo donne un coup de fouet au marché de la pornographie. En province, en 1980, même le boucher vendaient des K7 vidéo X sous le rideau ! Mais elles coûtent cher, très cher. Près de 500 à 600 francs (de 75€ à 90€). Alors le parc de magnétoscopes et de vidéos-club explose. "Vous pouviez louer un film pour 50 francs le week-end, se souvient Christophe Lemaire, ex-pigiste pour X Mag.
En 1986, un ancien maquettiste de Paris Match, Franck Vardon, lance ProjeXion Privée. C’est la première fois qu’un éditeur se saisit à bout de bras et des films, et de l’univers du porno et de ses acteurs. Pendant trois ans, il se vend bien en sex-shop. Du coup, sûr qu’il existe une demande, Franck passe à la vitesse supérieure, et lance le mensuel Hot Vidéo en 1989, au prix de 100 francs avec une K7. Au début, le milieu était méfiant, « le X français, déjà ghettoisé, ne voulait pas se promouvoir », raconte Pierre Cavalier, actuel secrétaire de rédaction d’Hot Vidéo. Le 1er numéro est plus soft que Lui et Playboy, et les sexes sont recouverts d’un carré noir à décoller. Puis, s’enhardissant, ses journalistes parcourent le monde : Afrique du sud, Chine, Colombie, à l’affût de nouveaux visages et de films différents. En 1992, c’est Hot Vidéo qui crée l’évènement avec les premiers Hots d’Or, et vend près de 80 000 exemplaires.
Années 90, apparition du « gonzo », le fameux porno sans histoire. C’est la fête au hardeur gonzo Staggliano, et à la presse, avec plus de 300 titres qui inondent le marché. Et c’est le moment où Christophe Lemaire se lance dans la pige X, « pour bouffer ». « J’ai commencé à Vidéo Extrême, à Sexy Mag et avec le groupe indépendant de Paul Putti : Vertiges, Pulsions, X Mag. Avec Alain charlot, un ancien de Canal+, on délirait sévère. On devait recenser les pénétrations et les sodomies. Une fois, j’ai même écrit sodomie du pape = 0 ». En gros, les journalistes écrivaient ce qu’ils voulaient sur des films que personne ne voyait. De toute façon, ces magazines étaient achetés pour se branler. « Un jour, un mec appelle à Pulsions. Il dit : c’est combien pour une nuit avec la fille de la page 48 ? Paul Putti prend le combiné, et lui répond : "Monsieur, nos filles ne sont pas à vendre !". C’était ça notre lectorat ! Bon, en cinq ans, on en a fait le tour de la presse de cul : toujours les mêmes questions : t’aimes bien baiser et les mêmes réponses : oui, j’adore ça, et en plus payés au lance-pierre, ou pas du tout ! ».
Aujourd’hui, il reste seulement une centaine de titres pour une quinzaine d’éditeurs. Même Hot Vidéo peine à recruter, et n’hésite pas à taper à la porte des écoles de journalisme. « Nous avons du mal à trouver des rédacteurs passionnés de cul qui connaissent l’histoire du porno, estime Pierre Cavalier. Nous avons des jeunes qui n’aiment pas le sexe, ils font juste leur boulot, sans faire de faute d’orthographe. A l’époque de Vidéo7, en 1987, on embauchait même le coursier ! ».
La revue échangiste Couples, pour bénéficier de la commission paritaire, et d’une TVA à 2,10 %, vient de se passer de son DVD « explicite » et des « sexe durs », dixit Laurent Chiche, secrétaire de rédaction.
Les titres ont trop segmenté le marché : entre femmes mûres, blacks aux gros seins, et j’en passe, faîtes votre choix ! Cinerotica dérange au rayon ciné, les diffuseurs voudraient qu’il soit cantonné au rayon X. Et ça ne risque pas de s’arranger, puisque les Etats généraux (pas généreux ?) de la presse écrite pourrait faire appliquer une TVA à 19,6 % pour tous les petits éditeurs du X. Ce qui signifie, par exemple, que les efforts sur Couples n’auraient servi à rien. Et qu’Union, bien protégé par Lagardère, restera toujours bien mis en avant dans les Relay H, bien à l’abri, même si tout le monde sait que leurs lettres de lectrices sont bidonnées, parce qu’écrites, réécrites ou totalement inventées par des pigistes.
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Flesh :
"Hot Video (ou Q-X, ou Chobix, ou désormais Dorcel mag etc…) offre une plus value passionnante"
En se situant au-delà du "style" des uns et des autres, de leur intérêt profond pour le porno, de leur réelle "passion" pour le "cul", ainsi que de leur "connaissance brut" de ce dernier, il convient de faire le distingo entre Hot Video et Chobix, Dorcel Mag et Q-X. L’approche et le but est tout autre entre l’un et les autres. L’un reste dans le domaine du journalisme, les autres s’en éloignent très fortement, pour n’être essentiellement que des supports à la vente, à la "vente de frigos aux esquimauX", dans les faits, dans le "fond" et via X "effets".