Six mois à peine après le retour au pouvoir en Italie de Silvio Berlusconi, l’affaire Alitalia qu’il a instrumentalisée lui explose en pleine figure. Ce qui à la fois fait pleurer et rigoler à la Commission européenne.
Bien sûr, vu de Bruxelles, le crash annoncé de la compagnie aérienne Alitalia est vécu dramatiquement en raison de ses graves conséquences : pertes d’emplois, gâchis industriel, argent public gaspillé… Mais cela n’empêche pas certains euro-fonctionnaires de la Commission qui suivent le dossier « heure par heure », d’alterner entre consternation et ricanement. « Berlusconi reçoit aujourd’hui la monnaie de sa pièce en pleine figure ! commente l’un d’eux en poste à la Commission chargée des transports. « Il a politisé le sauvetage d’Alitalia pour faire tomber le gouvernement de Romano Prodi au printemps dernier, en surfant sur l’« italianité » et faisant ainsi capoter une reprise par Air France qui prévoyait de supprimer le hub de Milan. Très payant électoralement dans le nord de l’Italie. »
Sauf qu’au travers d’un syndicat comme la CGIL (première centrale syndicale du pays), « la gauche a pris sa revanche en se plaçant sur le même terrain que lui », analyse cet euro-fonctionnaire. Un peu ras la casquette, le syndicat est l’un de ceux qui ont refusé les négociations avec le groupe d’éventuels repreneurs réunis par Berlusconi et qui prévoyaient 3 200 licenciements sur 20 000 salariés. Redoutant un camouflet cuisant, le flamboyant président du Conseil italien a commencé à charger les syndicats, CGIL et organisation de pilotes en tête, insistant sur leurs « grosses responsabilités ». Bref, un concours d’acrobaties aériennes qui se terminent pitoyablement des deux côtés.
Reste à savoir qui paiera la facture du crash de la future ex compagnie nationale italienne. Laquelle, malgré le prêt de 300 millions d’euros avancé par le gouvernement de Berlusconi a allègrement franchi le cap du milliard d’euros de dettes. Ce sera vraisemblablement au contribuable italien d’en éponger la majorité, les futurs repreneurs des dépouilles d’Alitalia s’en tireront sans doute mieux. Le Pape — d’ailleurs rentré de Lourdes avec Air France — n’a plus qu’à se chercher un nouveau transporteur aérien.
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