Qui a inventé le 8 mars ? Kollontaï, Alexandra. Retour sur une vie magnifique, d’une femme qui avait autant d’avance sur son temps qu’Olympe de Gouges pendant la Révolution française.
Aplomb, intelligence, goût de la vie : Alexandra Kollontai refuse à 17 ans un mariage de convenance, quitte sa famille, et épouse trois ans plus tard un jeune officier de jolie tournure, qu’elle quitte lorsqu’elle ne l’aime plus, donc assez vite. Elle vit à Berlin, Paris, Genève, en Italie, rencontre Plekhanov, Lénine, Rosa Luxemburg, Karl Liebnekt, Clara Zetkin, Kautsky, Paul Lafargue… la fine fleur de la révolution en marche ! Rentrée en Russie en 1905 elle révèle ses talents d’oratrice révolutionnaire et féministe et en 1907 participe à la prise du Palais d’Hiver, un pur moment de plaisir. Déjà, on lui reproche de n’être ni pauvre, ni moche.
En 1910, au 2e congrès de l’Internationale à Copenhague, elle représente les ouvrières du textile de Saint-Pétersbourg. C’est là qu’est adoptée la décision de fêter chaque 8 mars, la Journée internationale des femmes. Méprisant « les dogmes vétustes de la morale bourgeoise hypocrite », dans ses écrits comme dans sa vie, elle assume avec bonheur ses liaisons amoureuses, choquant Lénine, entre autres. Elle investit tous les terrains, sur le plan international, pour donner crédibilité à la révolution bolchévique.
Multipliant avec succès conférences et meetings, elle revient en Russie en mars 1917 ; seule femme au comité central bolchevik, elle se prononce pour l’insurrection d’Octobre. L’action des femmes et de Kollontaï, Commissaire du peuple à l’Assistance publique, permet d’obtenir le droit de vote et d’être élues, le droit au divorce, l’accès à l’éducation, un salaire égal à celui des hommes, des congés maternité.
Elle fait aussi adopter le mariage civil, l’égalité entre enfants légitimes et naturels, le droit à l’avortement (obtenu en 1920, il sera supprimé en 1936 par Staline).
Elle dénonce bien avant Trotsky les dérives bureaucratiques et lors du Xe congrès elle signe une contestation de la ligne de la direction du Parti et défend le droit aux tendances. Alors qu’éclate la mutinerie de Kronstadt, suivie de la répression, tous les bureaucrates veulent la faire taire.
Elle met un peu ses idées « subversives » sous le boisseau par esprit de discipline, mais au XIe congrès bolchevique la scission est consommée : l’instauration de la NEP par Lénine constitue le seuil de rupture. Minoritaire, elle continue à dire ce qu’elle veut : c’est ça, le vrai luxe en politique.
Au banc de l’appareil du Parti dont elle critique le fonctionnement et les concessions bourgeoises, elle est attaquée en tant que femme : les journaux de l’époque l’appellent la « scandaleuse », l’« immorale », elle fait vaillamment front mais quand, représentante du Comité Central Exécutif des Conseils des Députés des Soldats, Ouvriers et Paysans, elle se rend aux États-Unis, ils commentent ainsi son départ : « La Kollontaïnette part pour l’étranger ; si ça pouvait être pour toujours ! » Sa réputation « sulfureuse » est utilisée pour la discréditer. Parce que les enflures dans la presse, ça ne date pas d’hier : ceux qui n’ont pas de conscience ont besoin de la « morale » et placent souvent cette dernière dans les petites culottes des femmes.
Alexandra, fière et sûre d’elle, défend l’amour libre, refuse la famille traditionnelle, agaçant toujours le vieux Lénine, et bien d’autres. Ralliant la minorité de l’ « Opposition ouvrière » au sein du parti bolchevik, elle continue activement la propagande révolutionnaire . En 1922, première femme à occuper un poste de diplomate, elle représente la Russie soviétique en Norvège. Membre honoraire de la « British Society for Sex Psychology », elle écrit notamment Le Mode de vie et la morale prolétarienne. Après une mission au Mexique, elle redevient en 1927 ambassadeur d’URSS en Norvège puis en Suède. Avec son expérience politique et sa connaissance des turpitudes masculines, manœuvrant avec intelligence, elle échappe même aux purges staliniennes. Chapeau-bas.
Si la vie de la Kollontai vous interesse, il faut lire le merveilleux livre de son amant et compagnon Marcel BODY. Ce dernier traducteur de l integrale de Bakounine nous a laisse un superbe temoignage " Un piano en bois de Carelie " Hachette 1981. Pas toujours facile d etre le compagnon d Alexandra Kollontai, le Marcel a servi de modele pour l un des protagonistes de " La memoire des vaincus " de Michel RAGON. Si certains veulent plus de details, je peux essayer de repondre. Desole pour les accents mais les claviers chinois sont americains.
Marcel ANTONIO