Une adaptation en bande dessinée du film « Valse avec Bachir », témoignage des massacres de Sabra et Chatila.
Chronique Bouquins du w.end
Comment les hommes se démerdent avec leur mémoire après avoir participé à l’horreur ? Prenez un homme de quarante ans qui s’est retrouvé au feu à dix-huit et a obéit à l’ordre criminel de vider son chargeur avant même d’avoir vécu, et vous aurez un début de réponse.
La mémoire s’arrange avec elle-même, sait effacer le pire et reconstruire des légendes pour permettre à celui qu’elle porte de continuer à exister sans que chaque jour ne soit peuplé d’arrières mondes. Ari a fait la première guerre du Liban, dans Tsahal, l’armée israélienne. Ari est le héros de Valse avec Bachir. La peur de la mort, des massacres, des cadavres…Toutes les guerres se valent. Ari ne se souvient de rien. L’oubli, ce fut sa stratégie pour survivre. Ou presque. Juste un souvenir. Celui d’être sorti nu de la mer, sa mitraillette à la main. Il est sorti de la mer comme on sort de l’enfer.
Ari est cinéaste. Ari est un conteur mais sa pire histoire est dans une boîte noire, inracontable. La guerre qui débute, la colonne qui avance, les premiers potes qui tombent, le grincement des chars, ça revient. Mais plus le massacre approche, plus les souvenirs se font la malle. Du massacre rien. Sabra et Chatila. C’était la « Paix en Galilée ». Pourtant il était là. Son état major savait. On lui a foutu un flingue dans la main et un uniforme sur le dos, comme tous les États savent si bien faire aux mômes du monde entier.
Qui se souvient des Phalangistes de la milice chrétienne libanaise d’Elie Hobeika se vengeant de l’assassinat de Bachir dans une saignée froide, méthodique, absolument terrifiante ? Qui se souvient que ce secteur était contrôlé par l’armée israélienne du ministre de la défense Ariel Sharon ? Alors il part. Retrouve des ombres du passé et tricote avec. Les souvenirs reviennent, réels ? Ils y étaient et n’ont pas bougé. On ne refait pas le passé, on vit avec. Sa quête est de se souvenir. Pour transmettre, pour assumer ? Un peu des deux, surtout des deux : la BD est là pour ça. Ari nous parle de toutes les guerres, une saloperie universelle que tous les États jalousent. Cette recherche de la mémoire perdue nous rappelle que faire vivre la mémoire des guerres est une question de survie.
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