Chef-d’œuvre sur un massacre, « Valse avec Bachir » bouscule les genres, fouille la mémoire israélienne et analyse le cauchemar de Sabra et Chatila. Retour sur ce grand oublié du festival de Cannes qui est encore à l’affiche. Courez-y !
La semaine dernière, dans ma chronique sur Wall-E , je louais la perfection technique et l’aspect malin d’un scénario qui remixe science-fiction dépressive et message écolo. Un vrai film de synthèse, en quelque sorte. Je regrettais néanmoins l’émotion à deux balles et l’absence de poésie que Pixar n’est toujours pas parvenu à digitaliser. Deux jours plus tard, je découvre, certes avec un peu de retard, Valse avec Bachir, sorti en salles fin juin. Le choc !
En fait, Valse avec Bachir, le grand oublié de Cannes, est tout ce que Wall-E n’est pas. À savoir, un chef-d’œuvre, un objet filmique des plus singuliers, un trip onirique, allégorique et politique qui vous prend dès les premières images et qui vous abandonne, recroquevillé sur votre siège, 87 minutes plus tard.
Documentaire en forme de dessin animé sur la première guerre du Liban, Valse avec Bachir retrace la propre quête du réalisateur, Ari Folman, 46 ans, ex-soldat de Tsahal, pour reconstituer les images du massacre de Sabra et Chatila qu’il a effacées de sa mémoire. Pourtant, en septembre 1982, Ari Folman a dix-neuf ans et il se trouve à 400 mètres des camps palestiniens, tandis que les phalangistes chrétiens scalpent, éventrent, arrachent les yeux de leurs victimes. De cette époque, de cette boucherie, Folman ne garde aucun souvenir…
Un jour, un de ses amis lui raconte un cauchemar insoutenable où des chiens enragés le poursuivent. Débute alors pour Folman un long travail de mémoire : il se remet à rêver, engage une thérapie et décide d’interviewer ses anciens compagnons d’arme. Mais il est hors de question pour lui de tourner un documentaire classique ou une fiction (« Je n’en avais pas les moyens »). Les témoins réunis par Ari Folman sont filmés en studio et leurs déclarations enregistrées, avant que leurs traits ne soient redessinés, reproduits, animés, tendance ligne claire et couleurs manga.
Grâce à ses images qui évoquent parfois l’adaptation parano de Philip K. Dick, A Scanner darkly, Forman mélange souvenirs refoulés, rêves, visions d’horreur et hallucinations, comme autant de pièces d’un puzzle impossible à reconstituer. On navigue en pleine poésie, en plein cauchemar, un peu comme chez Miyazaki, on pense à Shoah, un peu, et à Maus, la BD d’Art Spiegelman, beaucoup. Oubliée Marjane Satrapi et son adaptation étriquée de Persepolis, recopiage pathétique de sa merveilleuse BD. Folman est un réalisateur, un vrai, il bouge sa caméra comme Coppola, fait vibrer sa pellicule comme Fuller et nous crucifie comme Klimov.
Le massacre de Sabra et Chatila arrive dans les dernières secondes du film, aspire comme un trou noir le récit tout entier, et le spectateur avec. Et si ce soir-là, Folman était bien présent, éclairant les bourreaux avec des fusées lumineuses, il éclaire aujourd’hui, 26 ans plus tard, notre mémoire et notre conscience, avec une poignée d’images d’actualité. L’effet est ahurissant, insoutenable. On en sort avec un goût de cendres dans la bouche.
Comme c’est bizarre ! l’actualité est tendance. Je veux pas dire que le film ne soit pas d’actualité, cannes c’etait y a pas longtemps.
J’ai hate de voir cette bd, rien que pour la technique, le visuel, on doit pas s ennuyer avec ce genre de graphisme. Dans le style, Renaissance etait pas pire, non ? Quand sort il à l’exterieur, outre atlantique ? j’aimerais savoir.
Non seulement Persepolis était plat, mais c’était aussi passablement menteur. Madame Satrapi tapait à coups redoublés sur le Shah, disparu depuis 1979, mais elle ne disait pas grand-chose de ses successeurs, les ayatollahs fous. Leurs crimes, elle les collait sur les voyous de la rue.
On peut s’étonner que ce petit film sans attrait esthétique ait récolté autant de lounages…
C’est un tres beau film. J’aime beaucoup le cinéma israëlien. Il est une conscience morale dans ce pays. Il est sans concession sur les derives securitaires et autres crimes de guerre. En l’absence d’une gauche critique ou autre voix courageuse, il fait aimer ce pays.
Je trouve que Marc Godin, votre critique, est un peu faux cul en ne parlant pas de l’ecrasante responsabilité d’Ariel Sharon dans le Massacre de Sabra et Chatila. Le fim est plus courageux.
Israël savait que des femmes enfants viellards se faisaient etriper dans une zone controlée par lui.
Au passage je vous recommande "7 jours" actuellement à l’affiche, autre film israëlien à l’humour acide et dans un genre autre.