Après les condamnations de dix sans-papiers pour l’incendie en 2008 du centre de rétention de Vincennes, les avocats dénoncent "un jugement politique".
A l’issue d’un procès agité, le tribunal correctionnel de Paris a condamné mercredi à des peines de prison ferme -allant de huit mois à trois ans- dix étrangers en situation irrégulière poursuivis pour l’incendie du centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes.
Dix étrangers sans papiers - trois Maliens, deux Marocains, deux Palestiniens, un Turc, un Egyptien et un Tunisien - étaient jugés pour l’incendie et/ou les violences survenus le 22 juin 2008 au CRA de Vincennes, alors le plus grand de France, au lendemain du décès d’un Tunisien qui y était retenu.
"C’est un jugement très politique, qui suit les réquisitions à peu près à la lettre, nous allons faire appel", a déclaré aux journalistes Me Irène Terrel, une des avocates des prévenus.
La lecture du délibéré a donné lieu à deux suspensions d’audience. Plusieurs dizaines de militants d’associations d’aide aux sans-papiers, qui n’avaient pu entrer dans la salle, s’étaient regroupés à l’extérieur du tribunal et ont revendiqué la "fermeture des centres de rétention".
Article paru le 20 février 2010 :
Ce qui est moche, pour des défenseurs du tout-répressif, comme Hortefeux, Alliot-Marie ou Alain Bauer, le conseiller sécurité du Président, c’est que trop de gens aiment les sans papiers. Des hommes ou des femmes pas biens. De trop généreux cathos qui ont lu l’Evangile comme Ben Laden le Coran, des altermondialistes ou, carrément, des enragés de « l’ultragauche ».
C’est dire qu’autour de l’Afghan errant gravite du bien vilain monde, et qu’il faut vite le contrôler. Bakchich publie le témoignage d’Hélène, une militante du Réseau Education Sans Frontière (RESF) qui, un matin, a été jetée du lit par un gros réveil à matraques :
« A 6H10, 4 hommes et une femme ont frappé à ma porte, ont dit que c’était la police. J’ai ouvert. Ils portaient des gilets par balle… Ils m’ont parlé des "mes engagements politiques de gauche"… Au bout d’un moment ils m’ont dit chercher des bombes de peinture et m’ont parlé de destruction de distributeur automatique de billets, des DAB. Ils ont cherché de la littérature subversive. Ils ont pris en photos des livres (le dernier de RESF, de la désobéissance civile…). Ils ont fouillé partout… ».
Après treize heures de garde à vue à la brigade criminelle, au 36 Quai des Orfèvres, Hélène retrouve son petit intérieur, si gentiment mis en ordre par la police. Hélène n’a pas été la seule à bénéficier d’une visite à l’aube, l’heure du policer. Saisie d’une enquête sur des actes, aussi manifestement terroristes, que de manifester contre des banques ou mettre de la colle dans leurs distributeurs de billets, leurs DAB, la célèbre brigade criminelle de Paris n’avait donc rien de mieux à faire que de jeter du lit des militants baba-cools.
L’histoire commence quand des supporters des sans-papiers se rendent compte, disent-ils, que deux banques -La Poste et la BNP- livrent aux flics les clandestins au moment où ils viennent retirer de l’argent sur leurs comptes. De petites manifs en série saluent ces actes courageux, et tellement citoyens, de notre chère Poste, de notre chère BNP. Et aussi les collages de 32 distributeurs de billets et l’incendie de l’un d’eux, d’où l’assimilation de ces enragés à Al Qaïda, au motif que, qui brûle un DAB brûle un bœuf. Mobilisée pour cette grande cause, la crème policière s’en est donc allé réveiller quelques citoyens. Les suspects habituels, ceux qu’on voit trop dans les manifs.
Paul est un autre de ces enragés, ami des sans papiers. Lui porte les couleurs rouge et noir de l’ultra gauche, la prison il la connaît pour s’être fait naguère arrêter aux côtés d’une amie qui, dans son sac, transportait de la poudre qui n’était pas de riz, mais du chlorate « pour faire, dit-elle, de gros et fumant pétards les jours de manifestation » . De son passage en prison Paul se souvient d’un tabassage, les matons ayant désigné à ses collègues de taule, ce loustic d’extrême gauche comme un « fasciste ». Il se souvient aussi du seul livre qu’on l’a autorisé à lire en cellule : le Coran. Quant à sa copine, flanquée en cabane avec les guérilleros d’ETA, elle a découvert les beautés de l’Euskadi libre.
Pendant que la « Crim’ » traque des terroristes armés de tubes de colle, la justice a mis en délibéré le sort de 14 clandestins accusés d’avoir mis le feu, le 22 juin 2008, au Centre de Rétention de Vincennes (CRV). Pour que justice soit rendue, une doublette d’humanistes a été placée aux commandes de leur procès. A la 16e chambre du TGI de Paris, depuis le 25 janvier, la tâche de Nathalie Dutartre, présidente, et de Gilbert Flam, un procureur connu pour son humeur maussade.
Le 21 juin 2008, donc, au CR de Vincennes, un tunisien de 41 ans, sans plus d’avenir que de papiers, meurt « dans des conditions étranges ». Pour les 293 mécontents « retenus » au CRV, l’atmosphère vire à l’émeute. Ce sont 14 d’entre eux que l’on vient de juger pendant trois semaines. Madame Dutartre, la douce présidente, est bien connue des gens de justice. C’est elle qui n’a pas hésité à envoyer France Moulin, une avocate effrontée, en garde à vue. C’est elle aussi qui a dénoncé des collègues magistrats ayant eu le culot de visiter des détenus en prison. Histoire de constater le parfait confort de leurs taulards. La présidente avait estimé que cette démarche « constituait une inadmissible pression sur l’administration pénitentiaire ». Ça vous montre le vétilleux de la présidente.
Gilbert Flam, le proc, qui porte le double label de grand humaniste et d’homme de gauche, ne voit rien de mal à faire comparaitre ces 14 prévenus, alors que leurs noms semblent avoir été tirés d’une pochette surprise. Les avocats, qui n’ont pratiquement pas eu accès au dossier, découvrent une instruction « faite à charge » disent-ils. Mieux, « à partir des seuls PV de la police ». Aucune expertise n’est venue dire pourquoi ce si joli centre a brûlé. A partir de 35 heures de vidéo enregistrée au CRV, « on » a fait un montage qui, nous assure le rigoureux Gilbert Flam, désigne les pyromanes. La défense, elle, n’y voit que flammes et fumée. Incendie magique puisqu’on n’a pas retrouvé « l’arme » du crime : ni allumettes ni briquets, outils interdits en ces lieux.
Laurence Bedossa, une avocate parisienne, connue pour sa tenace expérience, et qui n’est pas membre des Brigades Rouges, trouve l’ambiance un peu trop guignol : « Je n’ai jamais vu s’installer un procès aussi mal organisé et sur une accusation aussi faible. Même si c’est difficile, le plus souvent il existe un dialogue entre le tribunal, le ministère public et la défense. Cette fois rien. Cet acharnement à liquider le sort des ces malheureux est incompréhensible dans un pays qui se rengorge des « droits de l’homme » ».
« Lassés de la farce », les avocats décident de quitter l’audience pour, dit Irène Terrel, autre avocate blindée par des années d’exercice, « ne pas accompagner nos clients à l’échafaud »…
Au moment du réquisitoire le si peu répressif Gilbert Flam, l’ami des naufragés, a réclamé des peines de six mois à trois ans de prison fermes, saupoudrées sur chacun des quatorze. Flam a raison, quand, comme lui, on a été détaché à la DGSE, et été accusé d’avoir fouillé dans le « compte japonais de Chirac », on sait à quelle vitesse peut se propager un incendie. Anecdote, de cette aventure, dans le monde des barbouzes, le proc a conservé un surnom : « le colonel »… De pompiers ?
À lire sur Bakchich.info :
Curieux : quand les magistrats rendent des jugements qui vont contre la position du parquet (ex De Vile Pinte) ils sont indépendants et vive la justice et quand ils condamnent ce sont des pantins du pouvoir qui rendent des jugements politiques ?
Faudrait savoir : sont indépendants ou pas ?